A l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), le calendrier universitaire (2015-2016), entamée en février 2016, est devenu un marathon pour les étudiants de certaines Unités de formation et de recherches (UFR). Ces apprenants, qui ont perdu un semestre, n’en peuvent plus de vivre sous la hantise des cours et examens rapprochés.
Située au village de Sanar, sur la route nationale 2, l’Université Gaston Berger est assez éloignée du centre-ville de Saint-Louis. Le lieu est desservi par les minibus et les taxis. Il est à peine 11 heures, en ce deuxième week-end du mois de janvier, et l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis est pleine comme un œuf. C’est l’effervescence au campus pédagogique. Cette partie de la deuxième université du Sénégal, abritant les cinq Unités de formation et de recherches (UFR), le Rectorat et la bibliothèque, est envahie par une meute d’étudiants, en cette période d’examens du second semestre de l’année universitaire 2015-2016, alors que 2017 a déjà entamé sa course contre le temps.
L’ambiance est beaucoup plus perceptible à l’unité de formation et de recherche des Lettres et Sciences humaines. A l’entrée de la section Géographie, située derrière la bibliothèque universitaire, un groupe d’étudiants en Licence 2 discutent sur un sujet d’examen de statistiques qu’ils viennent de subir. A côté d’eux, d’autres scrutent un tableau en vitre accroché au mur. Les dates de leurs examens de rattrapage fixés du 1er au 08 février 2017 y sont affichées. Ces étudiants de la section Géographie ont déjà accusé énormément de retard sur l’année universitaire (2015-2016) qui devait prendre fin le 30 octobre 2016 ; alors qu’ils n’en ont pas encore vu le bout.
L’université Gaston Berger, jadis connu pour sa rigueur, est depuis 2014, avec la grève de trois mois observée par le Syndicat autonome des enseignants du supérieur (SAES), engluée dans un cycle infernal de retards sur les programmes qu’elle aura du mal à rattraper. Aujourd’hui, les professeurs et les étudiants courent derrière un semestre. Le dérèglement du calendrier universitaire plonge certains étudiants dans l’incertitude et le désarroi. A l’image d’Ibrahima Ngom, inscrit en troisième année de Géographie. Cet originaire de la ville de Fatick, vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, ne cache pas son amertume. «C’est fastidieux ce qui se passe actuellement. L’administration a programmé la session de rattrapage en début février, alors que nos examens du deuxième semestre sont en cours.
Nous n’allons pas nous reposer», lâche-t-il, après avoir lu le calendrier des examens. Ce retard touche aussi d’autres sections de l’UFR Lettres et sciences humaines, comme la Sociologie et Langues étrangères appliquées, Français, Anglais, CRAC (Culture, Religions Arts et Civilisations), selon Anne Marie Faye, étudiante en Sociologie. Cette jeune fille de teint noir, habillée en tenue traditionnelle, prépare sa dernière épreuve du second semestre prévue le 26 février. Assise à une table-banc, dos courbé, elle pense aussi à la session de rattrapage. « Je suis obligée de réviser tôt pour la deuxième session, car j’ai des matières du premier semestre que je n’ai pas validées », soupire-t-elle.
UFR Médecine, la seule épargnée
L’année universitaire 2016-2017, qui a démarré le 15 janvier 2015 dans quatre UFR, est devenue un marathon pour certains pensionnaires de l’UGB. Ces derniers n’ont eu que 45 jours de vacances (du 15 août au 30 septembre). Après un an de cours et d’examens, l’administration ne parvient pas à la parachever. Aujourd’hui, en plus de l’UFR Lettres et Sciences humaines, le dérèglement du calendrier universitaire concerne aussi trois autres branches de l’Université Gaston Berger : Sciences Juridiques et politiques, Sciences et Techniques et Sciences économiques et de Gestion.
A l’UFR Lettres et sciences humaines, le démarrage du nouvel exercice (2016-2017) est prévu le 15 mars. Mais pour le chef de la section Géographie, Dah Dieng, l’urgence se trouve ailleurs pour le moment. « Nous travaillons pour finir les examens du second semestre, boucler la session de rattrapage et proclamer les résultats finals. C’est cela qui nous permet de démarrer les cours à la date prévue », indique-t-il. Au sein des UFR Sciences juridiques et Politiques et Sciences économiques et de Gestion, on ne parle pas encore de démarrage des cours pour l’année universitaire 2016-2017. «Ici, la situation est pire que dans les autres établissements. La session de remplacement n’est même pas programmée. Pour le moment, nous attendons les résultats de la première session », regrette une étudiante en Licence 2 de Sciences politiques réagissant sous couvert de l’anonymat.
Dans cette université, seule l’UFR de Médecine respecte les règles exigées par le système LMD : démarrage des cours le 1er octobre, examens finals le 31 juillet. « Comme l’année dernière, nous avons démarré nos cours le 03 octobre 2016. D’ailleurs, nos examens du premier semestre sont prévus au 15 février », renseigne un représentant des étudiants. Cet établissement doit sa stabilité à la démarcation de ses enseignants des luttes syndicales de l’UGB. « La grève du SAES ne nous a pas handicapés, car la majorité de nos enseignants ne suivent pas les mots d’ordre de ce syndicat», ajoute le délégué. L’autre avantage, c’est que les étudiants de la branche Médecine se sont désolidarisés de la (CESL) coordination des étudiants de Saint-Louis.
Deux années sans grèves pour redresser la pente
Ce retard noté dans le calendrier universitaire est causé par les nombreuses perturbations perpétrées par les étudiants et les enseignants. Du côté des professeurs, la section SAES (Syndicat autonome de l’enseignement supérieur) de l’UGB, à l’instar des autres cellules des autres universités, a mené plusieurs débrayages et grèves pour revendiquer des arriérés de salaires, le versement des cotisations pour la retraite et la prise en charge médicale de ses membres. Les étudiants, eux, ont observé une grève illimitée pour exiger la libération de leurs représentants arrêtés lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre. Ils avaient aussi décrété au mois de juin 2016 une grève de 21 jours après l’entrée des policiers dans le campus social de l’UGB.
Pour faire face à cette situation, le directeur adjoint de l’UFR Lettres et Sciences humaines, Boubou Aldiouma Sy, préconise l’implication de l’Etat. « Les autorités universitaires ne peuvent pas empêcher les enseignants et les étudiants de revendiquer leurs droits. L’Etat doit penser à équilibrer le budget de l’université car, depuis 2012, les enseignants du supérieur mènent des grèves pour exiger le paiement à temps des salaires des vacataires, la couverture médicale et le versement des cotisations pour la retraite », informe-t-il. Ainsi, pour le rétablissement du calendrier universitaire, il préconise la stabilisation du front social. « Si on veut rétablir le calendrier, l’UGB doit rester deux ans sans faire une grève. Les enseignants doivent se sacrifier, en faisant des séances de rattrapage.»
NB : A l’Université Gaston Berger de Saint- Louis, on parle d’UFR à la place de faculté et de section au lieu de département.