Heures de cours réduites, visites sélectives, pas de pratique religieuse, communication coupée avec l’extérieur, ni réception ni envoi de lettres…
C’est le sort peu enviable réservé aux présumés terroristes incarcérés dans les prisons sénégalaises. La plupart d’entre eux sont au camp pénal de Liberté 6 et à la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel.
Ils sont une trentaine de présumés terroristes incarcérés dans les prisons sénégalaises. Ils sont répartis entre la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel et le camp pénal de Liberté 6. Ils sont marginalisés, torturés, mis à l’écart des autres détenus et entassés dans des chambres isolées ou enfermés dans des cellules punitives. Ils n’ont que 30 minutes de récréation, contrairement aux autres prisonniers. Leur seul rempart contre la solitude, ce sont les visiteurs qui leur apportent un parfum de liberté. Le plus grand nombre de personnes poursuivies pour des faits liés au terrorisme sont emprisonnés à la prison du Cap Manuel. On y retrouve les imams Ibrahima Sèye et Aboubacar Dianko, l’élève Saër Kébé ainsi que les nommés Mamadou Mouhamed Ndiaye, Ibrahima Mané, les frères Coulibaly, Abdou Aziz Dia et Saliou Ndiaye.
Orphelin de mère et élève au lycée Demba Diop de Mbour, Saër Kébé a été trimballé de prison en prison, avant d’atterrir au Cap Manuel. «Il fait un an et demi à Rebeuss avant d’être transféré à Mbour un mois plus tard. Puis il a été amené au Cap Manuel. Mon fils a fait cinq cellules différentes à Rebeuss. Il a même été hospitalisé au Pavillon spécial et il draine toujours des séquelles de ses difficiles conditions de détention», confie son père, M. Kébé. Son voisin de chambre, Atoumane Sow, risque de perdre son œil, faute d’évacuation. «Depuis qu’il a été incarcéré à Rebeuss, il souffre de maladie liée à l’œil. A chaque visite, il ne cesse de se tordre de douleur. J’ai plusieurs fois interpellé le responsable de la prison, mais rien n’est fait», alerte sa maman, M. Fall, venue de Grand-Yoff. Son fils a été arrêté suite à un retrait d’argent fait pour le compte d’un ami recherché pour ses connexions avec des organisations terroristes.
Imam Ndao et Cie à «Guantanamo»
Au camp pénal de Liberté 6, un quartier spécial, surnommé «Guantanamo» par les pensionnaires de cet établissement pénitentiaire, est aménagé pour les pro-Daesh. Une information confirmée par le directeur de l’Administration pénitentiaire. «Ces détenus particuliers nous ont poussés à changer de mode de fonctionnement. Un quartier spécial a été construit à la prison de Liberté 6 où ils sont internés. Il y a aussi un dispositif de renseignement et de collaboration avec les forces de sécurité. Un effort considérable est en train d’être fait dans la lutte contre le terrorisme. Des Sénégalais et des étrangers placés sous mandat de dépôt pour des faits liés au terrorisme croupissent dans les prisons du Sénégal», a fait savoir le colonel Daouda Diop, à l’issue d’une visite de courtoisie chez nos confrères du Soleil. Oumar Keïta, enseignant en Mathématiques, souffre le martyre dans cette prison de la capitale. Ses difficiles conditions de détention sont rapportées par sa sœur, F. Keïta. «A chaque visite, il se plaint de ses conditions de détention. Il est isolé et mis dans une cellule sans lumière et sans ventilation», prévient-elle.
Toujours au camp pénal de Liberté 6 est emprisonné l’imam Alioune Badara Ndao, arrêté depuis octobre 2015 à Kaolack. Il partage cette prison avec d’autres présumés terroristes. Ses deux épouses, considérées comme ses complices, sont quant à elles, incarcérées à la Maison d’arrêt et de correction de Thiès. «Il m’a raconté qu’il est difficile, pour lui, d’accomplir ses prières parce qu’il y a un produit pulvérisé dans sa cellule qui empeste au point qu’il est difficile, pour lui, de respirer. Il m’a également dit que dans sa cellule, on y a installé un chauffage. A un moment donné de la journée, la chaleur dégagée par cet appareil devient insupportable. Il est obligé d’enlever ses vêtements, de les tremper dans l’eau et les remettre afin de pouvoir rester dans la cellule», a rapporté son frère A. Ndao.
30 mn de cours par jour
L’amélioration des conditions de détention figure parmi les priorités du ministère de la Justice. Le Garde des Sceaux, Sidiki Kaba, «il y a beaucoup de choses à améliorer dans la prison. Il faut dire que les conditions doivent être mieux que ce que nous avons vu. Je dois vous dire que des efforts sont faits parce que tenant compte des difficultés existantes dans la prison. Je suis informé au quotidien des conditions de détention». Ces propos ont été tenus au détour d’une récente visite, au camp pénal de Liberté 6. Malgré ces annonces sans effets, la dure réalité carcérale continue de frapper les détenus du camp pénal de Liberté 6 et de la prison Cap Manuel, sans compter des pensionnaires des prisons de Thiès et de Saint-Louis poursuivis pour terrorisme. Une situation qui risque de conduire vers une révolte en milieu carcéral, comme celle qui a été à l’origine de la sanglante mutinerie de Rebeuss du mardi 20 septembre 2016.