C’en est officiellement fini avec les 22 ans de règne sans partage du président Yahya Jammah. Une nouvelle ère s’ouvre en Gambie avec à sa tête le Président Adama Barrow. Investi dans ses nouvelles fonctions de chef d’Etat depuis le jeudi 19 janvier dernier, Barrow dirige, depuis le départ de son prédécesseur, la Gambie à partir de Dakar où il réside depuis dimanche 15 janvier. «Présentement, je suis le président de la Gambie. C’est moi qui prends les décisions. J’ai mes représentants sur place qui les appliquent», a-t-il dit, en attendant que les forces de la Cedeao en Gambie (Ecomig) sécurisent le pays pour son retour. D’ailleurs, ces Forces de l’Ecomig resteront en Gambie le temps nécessaire.
ADAMA BARROW, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : «Présentement, c’est moi qui prends les décisions…»
Le retour du président élu Adama Barrow en Gambie n’est qu’une question d’heures ou de jours. Toutefois, à partir du Sénégal où il réside encore, Barrow assure que c’est lui qui prend les décisions en Gambie. Dans une interview accordée hier, dimanche à la Rts, il déclare: «présentement, je suis le président de la Gambie. C’est moi qui prends les décisions. J’ai mes représentants sur place qui les appliquent, les services (l’administration) étant une continuité».
Interrogé sur la date de son retour au pays et à quand le nouveau gouvernement, il a maintenu le suspens. «Mon retour, je ne peux donner de date. C’est une question de diplomatie, cela prend du temps. La condition, c’était le départ de Jammeh, maintenant qu’il est parti, ce sera pour bientôt». «(…) Tous les membres du gouvernement sont connus. Mais pour l’instant, je ne peux pas divulguer leur nom. Mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il y aura une nouvelle vice-présidente».
«MA AWO SERA LA FIRST LADY»
En tant que polygame, le président Barrow a été invité à décliner le nom de celle qui sera la Première dame (First lady) de Gambie. «Ce n’est pas la première fois que cette situation se pose. L’ancien président Diawara a vécu la même situation et il avait choisi sa première épouse comme First lady (Première dame). En ce qui me concerne aussi, la First lady sera ma première épouse», a confié Adama Barrow, lors de l’entretien.
Seulement, alors que le président Adama Barrow, qui a été investi, jeudi 19 janvier dernier à Dakar, dans ses fonctions de chef d’Etat de la Gambie, est pressé de rentrer à Banjul, la Cedeao parle de sécuriser le pays d’abord avant qu’on en arrive-là. «Il faut d’abord sécuriser Banjul et l’ensemble du pays». Mieux, «Adama Barrow ne va pas loger tout de suite au Palais présidentiel», a indiqué Marcel Alain de Souza, le président de la Commission de la Cedeao.
«LES FORCES DE LA CEDEAO RESTERONT EN GAMBIE LE TEMPS NECESSAIRE»
Pour cela, l’organisation sous-régionale a prévu de déployer quelques 7000 soldats à cet effet. Pour le moment, environ 4000 militaires sénégalais et nigérians sont sur le terrain. Cette opération, poursuit Marcel Alain de Souza, devrait permettre de saisir des armes et de dépolluer des zones minées. Ces forces de la Cedeao vont rester le temps qu’il faut en Gambie pour accompagner le nouveau pouvoir. Le président de la Commission de la Cedeao Marcel Alain De Souza se veut claire. Face à la presse samedi, il a informé que «les Forces de la Cedeao resteront en Gambie le temps nécessaire. Ils vont se déployer dimanche (hier) sur tout le territoire pour y rétablir l’ordre, assurer la sécurité pour un retour sans problème en sol gambien du nouveau président Adama Barraw».
SUPRESSION DE LA NIA, COMMISSION VERITE ET RECONCILIATION, RETOUR DES REFUGIES… : Les défis qui attendent Adama Barrow
La Gambie attend l’arrivée imminente du nouveau président de la République, Adama Barrow, après le départ en exil de Yahya Jammeh. Même si aucune date officielle n’est annoncée pour ce retour, un tweet (hier) attribué au nouvel homme fort de Banjul informe que sera pour ce lundi. «Je serai de retour dans ma patrie, la République de Gambie demain (aujourd’hui lundi, ndlr)». Mais en attendant, sur place, plusieurs manifestations spontanées de joie sont notées dans la capitale, Banjul, où les populations continuent de fêter le départ de l’ancien président annoncé en Guinée-Equatoriale. Une fois dans son pays, plusieurs tâches importantes attendent Adama Barrow. Il doit former son gouvernement, nommer un vice-président, engager des réformes, remettre de l’ordre dans le pays et répondre aux nombreuses attentes des Gambiens. Dans un entretien accordé à la BBC, Adama Barrow annonce la suppression de la «National Intelligence Agency (NIA)», la redoutable Agence de renseignement mise en place par son prédécesseur Yahya Jammeh. «Nous allons nous en débarrasser. Il n’y aura plus de NIA, rien que le nom continue d’effrayer les Gambiens. Nous changerons complètement le nom. Ses agents seront des professionnels et ils ne feront que du renseignement…» a assuré Adama Barrow, samedi 21 janvier, à Dakar. La NIA est considérée par les organisations de défense des droits de l’homme comme un instrument de violation des libertés, sous le régime de M. Jammeh. L’autre priorité c’est la réconciliation nationale avec la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation, afin qu’il n’y ait pas de chasse aux sorcières contre les partisans du président déchu.
«NOUS DEVONS D’ABORD CONNAITRE LA VERITE»
Cette commission sera chargée d’enquêter sur les violations présumées des droits de l’homme durant la présidence de Yahya Jammeh, de 1994 à maintenant. «Une commission vérité et réconciliation sera mise en place. Nous devons connaître la vérité. Nous le ferons sur la base des recommandations de cette commission. Nous devons d’abord connaître la vérité», a déclaré le nouveau chef de l’Etat gambien.
Adama Barrow affirme aussi qu’il travaille déjà au retour des quelque 45.000 réfugiés (selon un décompte des Nations unies, Ndlr) qui ont quitté la Gambie et regagné les Etats voisins, par crainte de violences dans leur pays. «Nous avons entamé le processus. Un de mes collaborateurs travaille sur ce sujet. Nous demandons aux gens de retourner à Banjul. Nous sommes à un stade très avancé de ce processus. Nous avons donné des instructions aux services des transports, pour qu’ils acheminent les gens à Banjul. Donc le processus est en marche. La Gambie, c’est notre pays, nous ne pouvons pas l’abandonner», a assuré M. Barrow.
CONSTRUCTION DU PONT SUR LE FLEUVE GAMBIE : Les garanties d’Adama Barrow
Le nouveau président gambien, Adama Barrow, a exprimé samedi sa volonté de soutenir la construction du pont prévu sur le fleuve Gambie pour faciliter le déplacement des populations entre les régions du Nord et celles du Sud du Sénégal. «Concernant le pont, nous verrons ce qu’il est possible de faire. Mais je crois qu’il sera possible de le construire. J’y crois», a déclaré le président Barrow dans une interview accordée à la BBC. Et d’ajouter: «nous devons veiller à ce qu’il n’y ait pas d’erreurs parce qu’avec le Sénégal, nous sommes un même pays». La construction de cet ouvrage de la Cedeao long de plusieurs centaines de mètres, entre les localités gambiennes de Farafenni et Soma, devrait faciliter la circulation des personnes et des marchandises entre le Nord et le Sud du Sénégal. Il est financé par la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 107,4 millions de dollars, soit 53,7 milliards de F Cfa.
GAMBIE : Les troupes de la Cedeao contrôlent les points stratégiques
Les forces de la Mission de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest en Gambie (MICEGA ou ECOMIG en Anglais) sont entrées samedi sur le territoire gambien, pour contrôler des points stratégiques en vue de sécuriser les populations et faciliter la prise de fonction du nouveau président Adama Barrow, a-t-on appris l’APS de source officielle. «A la suite de la médiation et au départ de Banjul de l’ex-président Yahya Jammeh, les forces de Mission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest en Gambie (MICEGA), sont entrées sur le territoire gambien, ce samedi», indique un communiqué de son commandant, le général de division François Ndiaye. Selon le texte de la MICEGA dont copie est reçue dimanche à l’APS, cette action a pour «but de contrôler des points stratégiques en vue de sécuriser les populations et faciliter la prise de fonction président élu, son excellence Adama Barrow». Le communiqué ajoute que conformément «au mandat qui s’exercera jusqu’à ce que le président Barrow prenne effectivement fonction et que les conditions de l’exercice effectif du pouvoir par le nouveau président de la République de Gambie soient réunies».