Le Tribunal de grande instance de Dakar a condamné vendredi un agent de la Senelec et ses deux acolytes à 6 mois dont 1 mois ferme. Les prévenus ont extorqué des fonds à un usager qu’ils ont faussement accusé d’avoir trafiqué son compteur.
N’eût été la présence d’esprit de son chauffeur, le vieux retraité Ousmane Sow allait verser la somme de 300 000 F CFA à l’agent de la Senelec Mory Keïta et à ses deux collègues, Pape Aly Diop et Meïssa. Le 10 janvier dernier, le trio s’était présenté au domicile du sieur Sow à Mbao sous le prétexte de faire un relevé du compteur. Après un contrôle, Mory Keïta l’a accusé de fraude sur l’électricité et qu’il risquait des poursuites judiciaires. Réalisant que leur proie avait mordu à l’hameçon, l’agent lui a proposé un arrangement consistant à verser la somme de 300 000 F CFA au lieu de 400 000 F CFA, compte tenu de son statut de retraité. Un deal que le vieux a accepté. Mais son chauffeur qui suivait les discussions à partir de l’étage l’appela au téléphone pour le mettre en garde. ‘’Il m’a demandé de me méfier, car seules des personnes mal intentionnées procédaient de la sorte’’, a renseigné la partie civile à la barre du tribunal des flagrants délits. A l’en croire, après suggestion de son chauffeur, il a tendu un piège à la bande en lui proposant un acompte de 100 000 F CFA. Les 200 000 F CFA reliquataires devaient être versés le lendemain à 11 heures.
Piégés, les prévenus arrêtés en venant récupérer le reliquat
A l’heure indiquée, les prévenus se sont présentés mais ils ont été accueillis par les gendarmes qui les ont embarqués. Lors de l’enquête, ils ont reconnu les faits. Mais devant les juges, ils ont fait volte-face, même si par ailleurs, ils ont reconnu avoir encaissé 100 000 F qu’ils se sont partagés. ‘’Nous voulions juste l’aider, car le compteur devait être changé, vu qu’il a été manipulé et il risquait de rester des jours sans électricité’’, s’est défendu Mory Keïta. Se disant stagiaire de Keïta, Pape Alé Diop a soutenu avoir suggéré à son ami de trouver un arrangement avec le vieux, mais pas dans le souci de lui extorquer des fonds ou de se laisser corrompre. Quant à Meissa Diop, agent municipal à Pikine, il a laissé entendre qu’il est victime pour avoir intercédé en faveur de la partie civile. Selon ses explications, il devait se rendre à un baptême avec Pape Alé. Lorsque celui-ci lui a dit qu’il se trouvait à Mbao, il m’a rejoint et est tombé sur la scène. ‘’Je leur ai suggéré de faire un arrangement vu l’âge du propriétaire du compteur. Ce dernier a accepté et m’a remis 100 000 F CFA que j’ai redonné à Mory. Par la suite, Pape Alé m’a offert 10 000 F en guise de transport’’, a expliqué le prévenu.
Mory Keïta, coutumier des faits
Leurs arguments de défense n’ont pas convaincu le conseil de Senelec ainsi que la représentante du Parquet confortés par le témoignage du chef d’agence. Celui-ci a révélé que Keïta était coutumier des faits et qu’il n'était pas mandaté. Car, non seulement ce n’était ni la période des facturations ou des coupures, mais, Keïta n’était pas dans sa zone de compétence, puisqu’il fait partie du secteur de Sébikotane. ‘’Je reconnais que ce n’était pas la période, mais je voulais anticiper pour la distribution des bons de coupure. Le vieux n’en disposait certes pas mais, c’est en faisant du porte-à-porte que j’ai atterri dans sa maison et que j’ai découvert que son compteur était déplombé’’, a tenté de se justifier le prévenu.
Quoi qu’il en soit, le conseil de Senelec considère qu’il y a bien entente et extorsion de fonds, car Mory n’a ni le droit de recevoir de l’argent ni de procéder à une coupure. Néanmoins, il a réclamé le franc symbolique, même s’il estime que ‘’les actes des prévenus portent atteinte à l’image de Senelec dont la mission est de fournir de l’électricité et non d'extorquer les usagers’’. Après avoir fait la genèse des faits, le maître des poursuites a laissé entendre que la remise n’est pas gracieuse, comme les prévenus ont tenté de le faire croire. Toutefois, il a demandé que Mory soit relaxé du délit d’usurpation de fonction et de requérir 2 ans dont 6 mois ferme contre tous les prévenus. ‘’Ce n'est pas un dossier de malfaiteurs ou de bandits de grands chemin, mais c’est l'argent le mobile, car les prévenus sont tombés dans le piège de l’argent facile’’, a répliqué Me Bamar Faye.
A son avis, si la partie civile n’avait rien à se reprocher, elle n’aurait pas versé l’argent. Ainsi, il a sollicité la clémence, parce que dans cette affaire, il n’y a pas extorsion de fonds, mais de la corruption avec un corrupteur et des corrompus. Son confrère Me Bamba Cissé a abondé dans le même sens, en soutenant qu’il ne peut pas y avoir d’usurpation de fonction, étant donné que ‘’les agents de Senelec ne sont pas dépositaires d'une fonction publique’’. La robe noire a aussi écarté l'usurpation pour extorsion de fonds arguant qu’il n’y a ni menace, ni contrainte morale et physique. ‘’Il s'agit simplement d'une corruption et il n'y a pas non plus d’association, mais une action ponctuelle qui n'était pas prévue’’, a plaidé Me Cissé avant de solliciter, à défaut du sursis, les travaux d'intérêt général. Après délibéré, le tribunal n’a retenu que le délit d’extorsion de fonds et a condamné les prévenus à 6 mois dont 1 mois ferme.