C’est le grand retour des réfugiés gambiens dans leur pays, après le départ de l’ex-président Yahya Jammeh. Au poste frontalier de Karang, l’exode reprend petit à petit dans l’autre sens.
A la gare routière ‘‘Baux maraîchers’’ de Dakar, ce sont des bénédictions empreintes d’émotion qui ponctuent le séjour éphémère de la famille Ceesay dans la capitale sénégalaise. Alajie, le cousin dakarois résidant à Fadia, met fin aux vacances de quinze jours de ses parentes. La tête perdu dans l’habitacle de la voiture ‘‘sept places’’, il récite quelques versets coraniques en guise de protection, arrachant les larmes de sa sœur Jatu, qui s’apprête à rejoindre Serrekunda par cet après-midi ensoleillée et venteuse de dimanche. Tee-shirt blanc floqué de la phrase de ralliement ‘‘Gambia has decided’’, elle se dit totalement soulagée et impatiente de rentrer chez elle. ‘’Je n’en revenais pas hier quand j’ai entendu que Jammeh avait pris l’avion pour quitter le pays. C’est une joie indescriptible qui m’habite depuis’’, déclare-t-elle, coincée dans la banquette arrière, derrière le chauffeur.
‘‘Dès que l’information sur son départ a été confirmée, ‘‘Baux maraîchers’’ est pris d’assaut. Nous n’avons jamais vu autant de gens partir pour la Gambie, en même temps’’, confirment un des convoyeurs qui alignent sept places et minibus en essuyant quelques critiques acerbes de clients sur le trafic des places. Quelque 200 kilomètres plus loin, c’est l’adieu aux larmes qui continue toujours pour Jatu au poste frontalier de Karang, le dernier point de passage terrestre en territoire sénégalais avant la Gambie. Assaillie par des cambistes encore fonctionnels malgré la nuit déjà tombée, elle se laisse aller à quelques accolades avec ses autres compatriotes avant d’aller au poste de police frontalier pour vérification.
A Karang, 4497 gambiens sont déjà rentrés
Dans cette partie sénégalaise de la frontière, l’entrain habituel est monté d’un cran avec une foule de personnes portant sacs à dos qui se dirigent vers la Gambie. Au plus fort de la situation tendue entre le président sortant Yahya Jammeh et la Cedeao, beaucoup de Gambiens avaient préféré ne pas assister à la date fatidique du 19 janvier, le terme du mandat auquel l’organisme ouest-africain avait promis d’installer Adama Barrow, par tous les moyens nécessaires. ‘‘Jusqu’à samedi, alors que Yahya Jammeh n’avait pas encore quitté le pays, ils étaient 15 000 personnes incluant Sokone, Toubacouta, Fandi Coly, et Karang. ‘‘Pour le seul centre d’accueil de Karang, polarisant sept quartiers, nous sommes entre 4 000 et 5 000 personnes’’, fait savoir le président du comité départemental de la Croix rouge de Foundiougne, Adama Coulibaly, qui parle d’une difficulté de tenir les données à jour, puisqu’elles fluctuent, à chaque instant.
Présent à Karang avec ses 30 agents, depuis deux semaines, à titre officieux ; et depuis le 18 janvier à titre officiel, il accueille, dans un centre, les Gambiens qui craignent une éventuelle détérioration de la situation. ‘‘Notre devoir est de recenser ces gens et voir le nombre de déplacés qui sont rentrés, soit par les chefs de familles soit par les éléments qui sont au poste frontière. Tous ceux qui viennent et n’ont pas de logis sont casés dans des maisons d’accueil. C’est difficile de voir ces gens n’avoir rien à manger et que nous n’avons rien à leur donner. On vit de donations pour donner ; si l’on ne nous donne pas, nous ne pourrons pas donner’’, poursuit-il.
Un travail de concert avec une association de la diaspora, Help Gambia, et surtout la police sénégalaise, pour maintenir les statistiques à jour. Ainsi 881 personnes ont été acheminées dans 14 bus jusqu’à Hamdallaye, le samedi, et 44 bus déployés par la Croix Rouge gambienne et l’Etat gambien pour 3 616 personnes, fait savoir le secrétaire général régional de la CRS, Seydou Senghor. Ce qui porte le total à 4 497 personnes qui ont rejoint leur patrie. ‘‘Aujourd’hui, on devrait voir le gros de la troupe rentrer’’, prédit M. Senghor.