Arrivé au pouvoir le 22 juillet 1994 à la faveur du coup d’Etat perpétré contre l’ancien président Dawda Jawara, Yahya Jammeh, 52 ans, va régner, sans partage, en Gambie. Dirigeant son pays d’une main de fer, il n’hésite pas à tuer ses détracteurs notamment les opposants et les journalistes qui ne sont pas d’accord avec sa politique. Aujourd’hui, la Gambie vient de tourner définitivement la page de celui qu’on surnommait « Babili Mansa ».
Les péripéties qui ont conduit à l’investiture du président Adama Barrow, ce 19 janvier à l’ambassade de la Gambie à Dakar, ont le mérite de montrer, au grand jour, le vrai visage de Yahya Jammeh. A la fois hautain et méprisant, le désormais ex-président de la République islamique de Gambie, n’a jamais été un homme de consensus durant les 23 années qu’il a passées à la tête du pouvoir. L’enfant de Kanilaï, son village natal, a toujours aimé défier son monde. Les journalistes de son pays qui ont essayé de contester ses choix en ont pris pour leur grade. Certains comme Dayda Aïdara sont tués, d’autres sont emprisonnés dans les geôles du dictateur pour avoir été trop « bavards ». Les manifestations de l’opposition en Gambie sont sévèrement matées. Jammeh abhorre les critiques. On garde encore les images fraiches d’opposants et de leurs militants gravement blessés dans les rues de Banjul par les militaires entièrement acquis à sa cause.
Yahya n’aime pas la défaite
Plusieurs fois victime de tentative de coup d’Etat, Yahya Jammeh n’hésite guère à réserver une sévère punition à ceux qu’il soupçonne d’en être les auteurs. Pour lui, les « traitres » qui tentent de le renverser de son piédestal méritent la potence. « Babili Mansa » (le Roi qui défie les rivières en Mandingue, une partie de son prénom qu’il s’est choisi), n’a pas froid aux yeux. Il ne recule devant rien. Et surtout pas devant les pressions et autres interpellations de la communauté internationale. Il préfère se mettre à dos certaines institutions comme le Commonwealth, l’organisation internationale des pays anglophones, qu’il qualifiera de « coloniale » avant de le quitter. Dernièrement, il a pris la décision de retirer la Gambie de la Cour pénale internationale (Cpi). Jammeh aime les coups de théâtre et les déclarations à l’emporte-pièce. En décembre 2015, il décide de faire de la Gambie une République islamique. Pour réformer, il n’a pas besoin de consulter le peuple. En vrai maître du peuple gambien, il décrète laconiquement : « Le destin de la Gambie est dans les mains d’Allah, le Tout-Puissant. A partir d’aujourd’hui, la Gambie est un État islamique ». Ainsi dirige Jammeh.
Au fil des années, Sheikh Professor, un autre de ses prénoms, s’offre un nouveau look, plus lisse et moins austère que la tenue militaire, en portant à chaque fois, un caftan blanc et un livret coranique toujours à ses côtés. En 2007, l’iconoclaste Jammeh annonce pouvoir soigner le Sida. Certains de ses compatriotes qu’il aurait soignés, témoignent à la télévision publique avoir été guéris par leur président. Avant cela, il décrète une fatwa contre les homosexuels qui, selon lui, « doivent être tués comme des moustiques qui propagent le paludisme ». Il voue aux gémonies les organisations des droits de l’homme qui s’étonnent de ses prises de position.
En tant que président de la République de Gambie, Yahya Jammeh n’a jamais entretenu de bons rapports avec les dirigeants sénégalais. De Abdou Diouf à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade, Yahya Jammeh les a toujours snobés. Il ne respectera jamais les engagements qu’il a pris avec ces derniers, notamment la construction du pont de Faraféni.
A 52 ans, le dictateur Jammeh a vu son pouvoir lui échapper, le 1er décembre 2016 dernier, quand, à l’issue de la présidentielle, Adama Barrow est sorti vainqueur. L’opposition qu’il a plusieurs fois battue a su mettre une coalition gagnante. Yahya accepte et félicite son adversaire avant de se raviser quelques jours plus tard. Il dit ne plus reconnaître la victoire de Barrow. Yahya n’aime pas la défaite. Il conteste et fait fi des appels lancés par la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour le respect de la volonté populaire des Gambiens. Adama Barrow est finalement reconnu par la communauté internationale. Une ère nouvelle souffle en Gambie.
Toutefois, tout n’est pas négatif dans les choix de Yahya Jammeh. Car beaucoup de voix témoignent de la discipline qu’il a su insuffler à beaucoup de ses concitoyens. Et durant les années qu’il a été à la tête de son pays, il a mis un point d’honneur sur le respect de la propreté des rues de Banjul ainsi de la préservation du bien public. Un legs positif à maintenir à tout prix.