Le nouveau président de la Gambie Adama Barrow a prêté serment hier à l’ambassade de la Gambie à Dakar. Il a été investi troisième président de la République de Gambie après Dawda Jawara et Yahya Jammeh.
‘’A partir d’aujourd’hui, je suis le président légitime de la République de Gambie. Yahya Jammeh a décrété l’Etat d’urgence dans mon pays. Mais il n’a plus ce pouvoir.’’ Tels sont les premiers mots du tout nouveau locataire du ‘’State House’’ officiellement installé dans ses fonctions hier à Dakar. C’est vers 17h que le nouvel homme fort de la Gambie a prêté serment. Devant des milliers de Gambiens qui ont uniquement fait le déplacement pour assister à son investiture, Adama Barrow a assuré qu’il va se plier aux règles de la Constitution de son pays.
‘’Moi, Adama Barrow, jure solennellement que je vais exécuter de manière fidèle la fonction de président de la République de Gambie ; je m’engage à la préserver et défendre la Constitution de manière égale envers le peuple, selon la loi, sans peur, sans favoritisme, avec justesse et sans mauvaise volonté. Que Dieu me vienne en aide’’, a-t-il lancé à ses compatriotes qui suivaient la cérémonie à partir d’un écran géant aménagé juste en face de l’ambassade. Cette phrase sera aussitôt suivie par l’hymne national de la Gambie, accompagné par des cris et des chansons de citoyens gambiens.
La Gambie est minée par une crise postélectorale depuis le mois de décembre 2016. Aussitôt installé dans ses fonctions, Adama Barrow a lancé un appel à l’union à l’endroit de tous ses concitoyens pour, soutient-il, une Gambie ‘’unie et forte’’. ‘’La victoire que nous célébrons aujourd’hui est celle de tout le peuple gambien. C’est pourquoi je demande aux Gambiens de rester unis pour la restauration de la démocratie. Aucun Gambien n’oubliera ce jour historique’’, a ajouté le tombeur de l’homme de Kanilaї. Toutefois, il a demandé à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) de l’aider à construire son pays et se dit prêt à tenir les rênes du pouvoir. ’’Je suis né en 1965 (année de l’indépendance du pays : Ndlr). Donc, je ne peux pas faire reculer mon pays’’, a soutenu Adama Barrow. Le nouveau président a touché toutes les sensibilités dans son discours. En revanche, il a demandé aux forces de défense et de sécurité de ‘’rester dans les casernes’’ car, dit-il, il est le seul chef de l’Armée. ‘’La Gambie se trouve dans une situation compliquée. Les populations et les militaires doivent m’aider à construire le pays. Il faut que nous aimions notre patrie’’, a plaidé le nouveau président investi.
Un serment reçu par un avocat
Le serment du nouveau président a été reçu par le président du Barreau gambien, Sherif Tambedu. Adama Barrow devait prêter serment devant la Cour suprême. Selon Mr Tambedu, la Constitution gambienne autorise que la prestation de serment se fasse devant un avocat. Il rappelle également que la Constitution de son pays ne dit pas qu’elle doit se faire devant un juge ou magistrat. C’est juste, souligne-t-il, par ‘’convention et une pratique traditionnelle’’. ‘’ La prestation de serment est le jour qu’attendaient tous les Gambiens. On rend grâce à Dieu vu que tout s’est bien déroulé. A partir de ce moment, Barrow est notre nouveau président. Beaucoup de gens disaient que cela n’aurait pas lieu. C’est finalement arrivé. Jammeh a été destitué et remplacé par Barrow. Tout ce qui lui reste à faire, c’est de retourner en Gambie’’, a estimé le bâtonnier gambien sans préciser la date exacte du retour de Adama Barrow en terre gambienne.
Pour ce qui concerne la prestation de serment effectuée au Sénégal, le président de l’association des avocats de la Gambie pense que même si celle-ci s’est faite à Dakar, c’est quand même en ‘’territoire gambien’’. ‘’La cérémonie s’est déroulée dans les locaux de l’ambassade de la Gambie. Il faut aussi prendre en considération les circonstances. Notre souhait était de le faire en Gambie et ça aurait fait plaisir à tout le monde. Mais c’est la volonté divine. Cela n’enlève en rien le pouvoir de Barrow. Le serment a été reçu et c’est tout’’, a expliqué Sherif Tambedu. De l’avis de l’avocat qui a reçu le serment, Jammeh doit accepter de céder le pouvoir parce qu’il n’est plus le président de la Gambie.
Ouf de soulagement
Ainsi, après 22 ans de règne sans partage, Yahya Jammeh a été officiellement remplacé par le président Barrow élu le 1er décembre 2016. D’après son farouche opposant Cheikh Sidya Bayo, c’est une ‘’nouvelle ère’’ qui commence en Gambie. ‘’Le président Barrow a prêté serment à Dakar. Cela montre tout simplement que la Sénégambie est forte et que Yahya Jammeh ne peut pas la diviser. C’est une page de l’histoire qui s’ouvre dans notre pays, car nous savons que Jammeh va partir, même s’il s’entête toujours. Le peuple avait beaucoup souffert sous son règne’’, a déclaré avec un brin de sourire le jeune Franco-gambien de 37 ans. Avant d’ajouter qu’il dédie ce jour à tous ceux qui se sont battus pour le triomphe de la liberté en Gambie. ‘’Je veux nommer Solo Cessay, ministre des Finances qui a été une des premières victimes du régime de Yahya Jammeh, au journaliste Daida Aidara, assassiné en 2004 et à l’opposant Solo Sandeng décédé en prison. Toutes ces personnes défendaient la cause noble du peuple gambien’’, fait savoir Sidya Bayo qui a été interpellé à Dakar en 2015 après le coup d'État manqué contre Yahya Jammeh.
Pour sa part, Fatu Jagne Senghor a appelé le peuple gambien à ‘’combattre l’injustice dans l’unité’’ au grand bénéfice des citoyens. Même son de cloche chez le journaliste gambien Pa Kaba Suso qui estime qu’avec l’investiture du président Barrow, c’est tout le peuple ‘’gambien qui est libre’’. ‘’Vous ne pouvez pas imaginer ce qui est en train de se passer en Gambie. Le peuple est libre à partir d’aujourd’hui. Les journalistes ne pouvaient pas faire correctement leur travail. Maintenant, on peut exercer notre métier avec liberté’’, s’est réjoui le journaliste de la radio Star Fm.
L’investiture d’Adama Barrow a eu lieu devant le président de la Commission de la Cedeao, Marcel Alain De Souza, du représentant du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique, Mohamed Ibn Chambaz, du Premier ministre sénégalais…