Alors que Adama Barrow, son tombeur à l’issue de la présidentielle du 1er décembre 2016, prépare activement son investiture, à partir de Dakar où il réside depuis dimanche dernier, Yahya Jammeh multiplie les actes de défiance à l’endroit de son peuple et de la communauté internationale. Après avoir sollicité l’annulation des résultats et la reprise de l’élection et aussi l’annulation de l’investiture de son successeur auprès la Cour suprême… en vain, le président Jammeh, selon la BBC, a décrété l’état d’urgence en Gambie de 7h du matin à 19 heures, depuis hier, mardi. Une nouvelle trouvaille dans son refus de céder le pouvoir au terme de son mandat qui prend fin ce mercredi à minuit.
Le président Yahya Jammeh n’est pas prêt de céder le fauteuil présidentiel auquel il s’accroche davantage. Le chef de l’Etat sortant de la Gambie a décrété hier, mardi, l'état d'urgence dans le pays de 7h du matin à 19 heures, informe la BBC. Une trouvaille de plus dans sa stratégie de se maintenir au pouvoir, contrairement à la volonté populaire exprimée à travers les urnes lors de la présidentielle du 1er décembre 2016. A en croire le média britannique, le président Jammeh a justifié cette décision en invoquant «un niveau d'ingérence étrangère exceptionnel et sans précédent» dans le processus électoral et les affaires de son pays, dans une déclaration télévisée. Aussi a-t-il déploré «l'atmosphère hostile injustifiée qui menace la souveraineté, la paix et la stabilité du pays».
Selon la Constitution, l'état d'urgence dure sept jours lorsqu'il est proclamé par le chef de l'Etat, mais peut être porté à 90 jours avec l'approbation de l'Assemblée nationale.
Il a fait cette annonce alors que le président Adama Barrow, nouvellement élu, prépare sa prise de fonction demain, jeudi 19 janvier 2017, conformément à la Constitution gambienne, donc à deux jours de cette solennité qui devrait voir la participation de tous les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), conformément à leur engagement pris à Abuja (Nigéria) en décembre dernier. Le tombeur de Yahya Jammeh prépare cet événement solennel à partir de Dakar (Sénégal) où il séjourne depuis dimanche dernier, après avoir pris part au 27e sommet Afrique-France qui s’est tenu à Bamako (Mali) du 13 au 14 janvier, jusqu’à son investiture prévue demain jeudi à Banjul (Gambie). Le président Macky Sall accède par là, à la requête de son homologue du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, présidente en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO.
Déjà, la veille de cette sortie, le lundi 16 janvier, à travers un de ses conseillers qui animait un point de presse à Dakar, le président Barrow a persisté et signé qu’il prendra fonction et assumera les charges de chef d’Etat en Gambie, sans faillir, le jeudi 19 janvier. «Je voudrais exprimer de façon extrêmement claire et catégorique, que le 19 janvier 2017, je prêterai serment. Par conséquent, nous formerons le nouveau gouvernement de la République de Gambie. La cérémonie de prestation de serment se fera en Gambie, sur le sol gambien, conformément à l’article 63 de notre Constitution. J’assumerai mes rôle et fonction de président de la République de Gambie à partir du jeudi 19 janvier 2017, si Dieu le veut bien.» Dans cette déclaration lue par son conseiller spécial, Mai Ahmed Fatty, le président Barrow prédit: «le 19 janvier 2017, mon gouvernement commencera à réparer les dommages considérables causés par 22 ans de mauvaise gouvernance du régime de Jammeh».
Avant cette dernière mesure, le désormais futur ex-homme fort de Banjul, qui avait accepté sa défaite et félicité Barrow avant de contester les résultats de la présidentielle, une semaine après, le 9 décembre, avait saisi la Cour suprême pour obtenir l’annulation de ces résultats et la tenue d’un nouveau scrutin présidentiel. Alors que l’instance suprême a renvoyé sa décision jusqu’au moi de mai, le temps que les autres magistrats de la juridiction soient au complet, le président sortant, Yahya Jammeh, est revenu à la charge en saisissant la même Cour d’une requête aux fins de l’annulation de l’investiture du président élu, Adama Barrow, sans succès. «Ce recours attendra que la Cour suprême soit constituée ou bien le temps de permettre aux juges d’arriver en Gambie», a confié le président de la juridiction Emmanuel Fagbenle, lundi dernier. Histoire de dire qu’il n’est pas possible pour sa juridiction de statuer sur la demande d’annulation de cette cérémonie d’investiture.
La communauté internationale, notamment les Nations unies (Onu), l’Union africaine (Ua) et la Cedeao, reconnait Adama Barrow comme président élu de la Gambie. La Cedeao qui a intenté plusieurs médiations pour raisonner Yahya Jammeh, en vain, n’exclut pas le recours à la force pour déloger le président sortant de la Gambie du palais de la State House.
ALIOUNE TINE :«L’état d’urgence en Gambie va créer une crise humanitaire»
iGFM – directeur d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du centre, Alioune Tine a déclaré ce mardi à la TFM que la décision prise par l’ancien président de la Gambie, Yaya Jammeh, de décréter l’état d’urgence à compter de ce jour, est dangereuse et va «augmenter l’escalade» dans ce pays.
Cette situation risque de plonger la Gambie dans une crise humanitaire grave. Aujourd’hui, tout ce qui peut permettre que l’on sorte de cette crise, il faut qu’il le fasse. L’état d’urgence ne règle pas le problème. Il ne fera que compliquer la situation. Ce n’est pas bon pour la Gambie, le Sénégal et la sous-région, a dit M. Tine, qui intervenait dans le Jt en Wolof de la TFM à 19heures.