L’état de l’école sénégalaise en 2016, en termes de résultats, est plus préoccupant. La première phase du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet) – 2013-2016 fait état d’un tableau sombre du système éducatif. Malgré les investissements financiers et humains, les statistiques fournies par le Rapport d’évaluation de la phase 1 du Paquet, adopté en remplacement du Programme décennal de l’éducation et de la formation (Pdef), informent largement sur le vrai visage d’un secteur éducatif à l’agonie. En plus des mauvais résultats enregistrés aux examens nationaux (Cfee, Bfem et Baccalauréat) et ceux des universités publiques, l’état des lieux du pilotage du système fait ressortir la persistance des cas d’abandon et de redoublement avec un coût financier énorme, ce après 3 années de mise en œuvre du référentiel de la politique éducative. En attendant, les autorités proposent une (re) contextualisation du Paquet, à l’heure de l’application des directives présidentielles sur les Assises nationales de l’éducation et de la formation (Anef) et les Concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur (Cnaes), sans compter les perspectives ouvertes par l’Acte 3 de la décentralisation.
Le ministère de l’Education nationale se veut clair. Dans le Rapport d’évaluation de la phase 1 du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet), le département de l’Education nationale n’entend pas faire le solde entre le positif et le négatif. C’est-à-dire une «balance» entre les acquis et les contreperformances pour chacun des indicateurs. Pour les services du ministre Serigne Mbaye Thiam, il s’agit, en dégageant les tendances lourdes, de procéder à une appréciation-apprentissage.
Alors, parlons des indicateurs sur les niveau et rythme des résultats obtenus dans la première phase du Paquet, référentiel de la politique éducative du Sénégal. Si la présente synthèse prospective a pour but principalement de relever les sources de distorsions ou de contreperformances pouvant compromettre les résultats attendus à terme, il n’en demeure pas moins que la 1ère phase du Paquet est un échec cuisant. Les indicateurs permettant de suivre l’évolution du secteur de l’éducation et de mieux comprendre son fonctionnement, sont au rouge. La faute à qui ? Aux moyens ? Aux grèves où les autorités ne manquent pas de pester les syndicats qu’elles accusent de crever le quantum horaire ? A une gestion efficiente et efficace d’un système au rabais ? Autant d’interrogations à élucider.
En attendant, l’équipe technique du rapport, avec l’accompagnement d’un consultant, joue la carte de la prudence en indiquant que sur un ensemble de 259 indicateurs retenus par la grille d’évaluation, environ 90 n’ont pas été renseignés. «Avec cette forte proportion d’indicateurs non disponibles, en tout cas non fournis, l’on peut avancer l’hypothèse selon laquelle les données y relatives ne pouvaient peut-être pas être objectivement indiquées», lit-on dans le rapport.
LES TAUX D’ABANDON ET DE REDOUBLEMENT EN HAUSSE
Toutefois, on peut relever des contreperformances structurelles et/ou conjoncturelles pouvant compromettre des dynamiques porteuses enregistrées durant la première phase du Paquet.
Au niveau de l’élémentaire, le taux d’abandon et de redoublement élevés constituent des indices de mauvais fonctionnement du système éducatif. Pendant que le taux de promotion qui était de 87,4% en 2012 est passé à 86,3% en 2015, le taux d’abandon est passé de 7,70% en 2013 à 9,80% en 2015. Le taux de redoublement est passé de 3% en 2013 à 2,79% en 2014 avant d’atteindre 3,90% en 2015.
Au niveau du Moyen, le taux d’abandon connait une hausse de 2,4 points par rapport à l’année de référence – 2012 et 2015 - (11,50% contre 9,10%). «Le taux de survie en 3ème a connu une tendance baissière de près de 6 points par rapport à la référence de 2012, et près de 12 points par rapport à la valeur cible de 2015», souligne le rapport. Non sans indiquer que le taux de redoublement dans le secondaire général a connu une hausse de 4,1 points en 2012 et 2015 (19,50% contre 23,60%) et une hausse régulière durant toute la phase (21,90% en 2013, 23,10% en 2014 et 23,60% en 2015).
LES MAUVAIS RESULTATS AUX EXAMENS NATIONAUX
En plus de ces tendances déplorables, en dépit d’un énorme investissement, il s’y ajoute la tendance générale des résultats des examens nationaux est à la baisse aussi bien par rapport à l’année de référence qu’à l’intérieur de la phase. Pour le Brevet de fin d’études moyennes (Bfem), le taux de réussite a connu une baisse de 10 points entre 2012 et 2015 en passant de 53,2 à 43,2%. Par rapport à la valeur cible de 2015 qui est de 65,1%, le gap est de 21,9%.
Au niveau secondaire, le taux de réussite au Baccalauréat (Bac) a connu une évolution en dents de scie. Il est passé de 38,10% à 38,50% entre 2012 et 2013, soit un gain de 0,40%. Entre 2013 et 2014, il a chuté de 38,50% à 31,80% pour y stagner en 2015, soit une baisse de 6,7%. Et paradoxalement, le flux de diplômés augmente en passant de 5814 en 2012 à 6021 en 2015, soit une hausse de 207.
FACE CACHEE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Si des performances restent peu satisfaisantes, avec des seuils de maîtrise inquiétant des élèves n’atteignant pas des compétences requises en langue et en mathématiques (environ 80%), les résultats de l’enseignement supérieur sont à divers rythmes. Le rapport indique que l’amélioration des résultats aux différents examens du Supérieur est portée par ceux du privé. Car, selon le directeur général de l’Enseignement supérieur, Professeur Babacar Gueye, le taux de réussite en première année dans les universités publiques ne dépasse pas les 20%.
Le rapport fait ressortir que les résultats des universités de Saint-Louis, Thiès et Bambey ainsi que l’Ecole polytechnique de Thiès sauvent la face hideuse d’une éducation supérieure à l’agonie, avec des taux de réussite supérieurs à 80%. Le surpeuplement dans les facultés, notamment à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, est un des facteurs bloquants l’envol de l’enseignement supérieur. La capacité d’accueil des universités publiques reste relativement insuffisante.
LA FPT SE DEBROUILLE
Au niveau de la Formation professionnelle et technique (Fpt), le pourcentage de redoublants dans les effectifs d’apprenants de la Fpt était de 6% en 2013. Il a terminé à 4,4% en 2014, avant de redescendre à 3% en 2015. Cette tendance baissière s’observe aussi par rapport au taux d’abandons qui n’a pas dépassé 1,40% sur la période 2012-2015. Quant aux taux de promotion entre niveaux de formation, ils restent très élevés, notamment 94% à 95%.
INTEGRATION EN DENTS DE SCIE DES TIC
Le Rapport de synthèse prospective a signalé aussi une timide intégration des Tic (Technologies de l’information et de la communication) dans les dispositifs et processus d’apprentissage. Le taux de couverture dans les écoles et établissements est relativement faible. Au niveau du cycle fondamental et du secondaire général, 18% des établissements publics disposent au moins un ordinateur; 74% d’entre eux possèdent 1 à 10 postes de travail. Le ratio ordinateurs élèves est en moyenne de 1/349 dans le primaire, de 1/89 dans le moyen et de 1/71 dans le secondaire, indique le rapport.
Le taux de connexion à Internet s’élève à 48% pour les lycées et à 24% pour les Collèges d’enseignement moyen. Seuls 7% des écoles élémentaires disposent d’un accès Internet. Toutefois, les infrastructures et dispositifs matériels existants ne permettent pas d’avoir une idée précise du niveau d’intégration des Tic dans le processus des enseignements-apprentissages.
REORIENTER LE PAQUET
Face à ces faiblesses et contreperformances du système à l’heure de la promotion des mathématiques, des sciences et de la technologie, les autorités proposent des réorientations des objectifs généraux retenus par le Paquet et leur adaptation aux objectifs adressés par la communauté internationale à travers notamment les Objectif de développement durable (Odd), l’Agenda Afrique 2063.
Pour relever les défis relatifs à la qualité des apprentissages, à l’équité et à l’implication effective de tous les acteurs, le rapport propose une (re)contextualisation du Paquet. Car, lit-on dans le document, celle-ci consisterait à mieux prendre en charge ou à intégrer plusieurs mesures et/ou situations intervenues après sa conception et sa mise en œuvre. Quid des directives présidentielles à la tenue de la Cnaes et des Assises, sans compter les perspectives ouvertes par l’Acte 3 de la décentralisation ?