Aussitôt le verdict et les réparations dans le cadre du procès de l’ancien président tchadien, Hissein Habré, devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises connus, la défense de l’accusé, les parties civiles et le Procureur général ont tous interjeté appel. Voici quelques éléments nouveaux ayant motivés ces décisions.
Par Arrêté numéro 1/16, la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel a pris la décision d’ouvrir le procès en appel d’Hissein Habré ce lundi 9 janvier 2017. Tout est parti des recours déposés par les différentes parties après le verdict du jugement devant la Chambre d’Assises des Cae d’Hissein Habré. En effet, rappelle le tribunal spécial dans cette décision, les 10 et 13 juin 2016, la défense puis le Procureur général ont respectivement interjeté appel contre le jugement sur l’action publique rendu par la Chambre africaine extraordinaire d’assises (Chambre d’assises). Parallèlement, le jugement sur les intérêts civils a fait l’objet de plusieurs appels: le 4 août 2016, par l’Association des victimes des crimes et répressions politiques au Tchad et les victimes regroupées au sein du Réseau des ADH du Tchad, le 5 août 2016, par les parties civiles Clément Abaifouta et autres, et le 12 août 2016, par la défense, lit-on dans le document de la Cambre d’appel, rappelant la procédure.
Le 7 novembre 2016, interpellée lors de la conférence de mise en état sur la question de l‘admission de nouveaux moyens de preuve au stade de l’appel, la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel (Chambre d’assises d’appel) a indiqué aux parties qu’elle apprécierait les demandes qui lui seraient soumises. C’est ainsi que, le 5 décembre 2016, les parties civiles Clément Abaifouta et autres ont déposé leurs conclusions d’appel dans lesquelles elles demandent notamment à la Chambre d’assises d’appel «…d’autoriser les avocats des parties civiles à déposer des moyens de preuve supplémentaires, une fois que la Chambre d’assises d’appel aura établi les critères juridiques applicables, soit d’en charger le Fonds au profit des victimes de les recevoir».
LA DEFENSE POUR L’AUDITION DE DEBY ET LA DIFFUSION INTEGRALE DE 2 FILMS A L’AUDIENCE
Deux jours après, le 7 décembre 2016, la défense a communiqué son mémoire aux termes duquel elle sollicite notamment l’audition de huit (8) témoins dont Idriss Déby Itno, président en exercice du Tchad, et la diffusion intégrale des deux documentaires vidéos ‘Traque d’un dictateur’ et Hissein Habré, une vie de combat à l’ouverture des débats de l’audience d’appel. La défense cite ensuite trois documents: la Lettre du 8 novembre 2016 de la défense tendant à la communication des états de service de Monsieur Amady Diouf, l’Extrait du décret n°2003/282 en date du 2 mai 2003 et un document retraçant le profil professionnel de Monsieur Amady Diouf. Au soutien de sa demande, la défense indique seulement que l’audition de témoins demandés «paraît essentielle pour fa manifestation de fa vérité en cause d’appel». Toutefois, la défense n’a fait parvenir aucune observation sur la demande des parties civiles.
LES PARTIES CIVILES CONVOQUENT L’ARTICLE 25 DU STATUT DES CAE
Le 16 décembre 2016, les parties civiles Clément Abaifouta et autres ont fait parvenir leur réplique dans laquelle elles s’opposent à la demande de la défense. Ces dernières, dans leurs observations, demandent à la Chambre d’assises d’appel de rejeter la demande de la défense. Au soutien de leur argumentation, les avocats des parties civiles citent l’article 25 du Statut des Cae et expliquent que les différents cas d’ouverture d’appel exhaustivement énumérés par ce texte ont «une incidence quant à l’admission de la preuve au stade de l’appel».
Les parties civiles allèguent aussi que la défense ne satisfait pas aux exigences de l’Appel. «D’abord, elle n’explique pas en quoi les auditions de témoins ou éléments de preuve sollicités sont pertinents et fiables. Ensuite, elle n’établit pas que ceux-ci étaient indisponibles lors du procès de première instance. Enfin, elle ne démontre pas en quoi leur admission aurait eu un quelconque impact sur le procès de Première instance», relève le texte.
De même, dans leurs conclusions d’appel, les parties civiles ont demandé à deux reprises que la Chambre d’assises d’appel les autorise à produire de nouveaux moyens de preuve. Elles demandent donc, entre autres, à la Chambre d’assises d’appel «de les autoriser à déposer des moyens de preuve supplémentaires une fois que cette dernière aura articulé la norme juridique correcte à appliquer en l’espèce et aura donné la liste des personnes dont la constitution était rejetée».
LE PROCUREUR GENERAL PLAIDE LE REJET DE LA DEMANDE DE LA DEFENSE
Et, en fin, le 27 décembre 2016, le Procureur général, Macké Fall, a fait parvenir son mémoire en réplique en cause d’appel dans lequel il demande à la Chambre d’assises d’appel de rejeter la demande de la défense relative à la diffusion de films documentaires et l’audition de témoins en appel. Dans ses répliques Mbacké Fall soutient que «pour être admissibles, les preuves additionnelles doivent être déterminantes pour trancher l’appel. Il doit s’agir de preuves qui touchent des faits pris en considération lors du procès mais qui n’étaient pas disponibles à ce moment. Ces preuves doivent être non disponibles lors de la première instance, d’une part et l’intérêt de la justice doit en commander l’admission d’autre part». Pour lui, les témoins proposés par la défense, excepté Idriss Déby qui, en raison de son statut est protégé par une immunité, ont été entendus plusieurs fois lors de l’instruction et certains devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises.
Concernant la demande de la défense relative à la diffusion d’éléments Visio à l’ouverture des débats en appel, le Procureur général souligne que les films vidéo dont fait état la défense figuraient dans le dossier d’instruction et la Chambre d’assises n’a pas jugé utile de procéder à leur projection en audience. Enfin, il estime qu’au regard des observations susmentionnées, la demande de la défense relative à l’audition de témoins et à la diffusion de films vidéo doit être rejetée. Mbacké Fall, estime que la demande des parties civiles de déposer de nouveaux éléments de preuve reste sans objet et sollicite que les 2500 parties civiles entendues au stade de l’information préparatoire soient déclarées recevables.