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Ibrahima Bakhoum (journaliste-analyste politique): ‘’Le pouvoir cherche à faire le vide autour de Khalifa’’
Publié le lundi 9 janvier 2017  |  Enquête Plus
Scènes
© aDakar.com par DF
Scènes de violences à la Maison du Parti socialiste
Dakar, le 10 mars 2016 - Des scènes de violences ont été observées à la Maison du Parti socialiste. Plusieurs responsables venus prendre part, samedi 5 mars, à la réunion du bureau politique, ont été attaqués.




Selon le journaliste Ibrahima Bakhoum, le pouvoir cherche à faire le vide autour de Khalifa Sall avec l’arrestation de Bamba Fall et les huit autres responsables socialistes. Dans cet entretien avec EnQuête, l’analyste politique souligne que le pouvoir, en cherchant à affaiblir le maire de Dakar, risque de se retrouver avec des résultats contraires à son objectif.

Comment analysez-vous l’évolution de la situation au sein du Parti socialiste avec l’arrestation récente de Bamba Fall et de huit autres jeunes socialistes dans le cadre du saccage de la salle du Bureau politique le 5 mars 2016 ?

C’est dommage pour la démocratie qu’on en arrive là ! Je ne suis pas certain non plus que le terme employé plus généralement dans cette affaire soit vraiment approprié. Qu’il y ait eu désordre, c’est évident, mais je ne suis pas sûr qu’en la circonstance, la Maison du Parti socialiste ait été mise à sac. Mais le glissement sémantique a été aggravé par ce qui est retenu par le maître des poursuites : ‘’tentative d’assassinat, violence et voie de fait, destruction de biens appartenant à autrui, injures publiques et menaces de mort’’. Peut-il y avoir de porte de sortie autre qu’une condamnation, même à une peine très légère ? On verra toujours. Nous sommes devant une affaire qui sent bien la politique, donc parfaitement sujette à un règlement politique. Le régime actuel commence à nous y habituer.

Cette situation est-elle liée au duel que se livrent Khalifa Sall et Ousmane Tanor Dieng pour le contrôle du PS ?

Assurément oui. Vous savez, on a tendance à l’oublier mais les partis politiques au Sénégal, surtout ceux du pouvoir, ont une expérience des rencontres violentes. Parfois cela a entraîné mort d’homme quasiment passée par pertes et profits, selon les camps ou clans. Certes les personnes physiques qui ont été agressées le 5 mars à Colobane ont le droit de réclamer justice. Mais sommes-nous dans ce cas de figure ? Attendons de voir qui va défiler devant le juge au titre de témoins ou de plaignant, si on en arrivait à cette étape.

Je crois que l’affaire dépasse largement la bataille de positionnement à la tête du PS. Le jusqu’ici Secrétaire général Ousmane Tanor Dieng a fait le choix d’un compagnonnage avec BBY au pouvoir. Ce qui a tout l’air d’un choix de retraite politique. Les avantages y afférents accordés par le Président Macky Sall ont un prix. Ceux-ci ressemblent hélas au renoncement par Tanor à la poursuite des idéaux socialistes. Mais comment le lui reprocher s’il ne se voit pas d’avenir politique en termes d’accession au pouvoir, autrement qu’en acceptant les conditions de celui qui aujourd’hui est le seul placé pour distribuer postes et avantages ? Les enfants de chœur en politique, ça se raréfie dans ce monde, au Sénégal en particulier.

Jusqu’où cette situation peut mener le PS ?

A ce qui est déjà. Une rupture entre fortes personnalités. Derrière Ousmane Tanor Dieng, il faut voir des fidèles comme Serigne Mbaye Thiam entre autres qui eux aussi, jouent leur partition et leur avenir politique. Si Khalifa Sall et ceux qui sont avec lui veulent contrôler le PS, autant dire qu’il leur reste des montagnes à franchir. Il faudra du temps au parti senghorien pour panser ses blessures. Sans compter qu’il n y a aucune raison que le chef de BBY lui facilite les moyens de se redonner les forces pour foncer sur la maison APR. Mais s’ils sortent du PS, je ne sais pas pourquoi et comment les amis du maire de Dakar devront trouver une autre appellation pour ce qu’ils voudront reconstituer. Bref, c’est Macky Sall qui a le temps de laisser pourrir une situation à tous points de vue à son avantage. Pour le moment, tout au moins.

Dès lors que la bataille a glissé dans le domaine judiciaire, n’est-on pas arrivé à un point de non-retour dans cette guéguerre ? Sera-t-il facile de réconcilier les deux parties si condamnation il y a ?

Je ne vois pas comment les deux camps qui se dessinent pourront refaire la paix, même si des crises ont souvent traversé le PS, surtout quand les socialistes étaient au pouvoir. Mais nous savons par expérience que les contradictions finissent toujours par s’estomper, si ce n’est que ce sont les protestataires qui se remettent dans les rangs, quand c’est être dans le parti qui permet de préserver des avantages de pouvoir.

Quelles conséquences cette situation peut-elle avoir sur les prochaines élections législatives ?

La coalition Bennoo y laissera forcément des plumes. Je crois que c’est presque le choix pour la coalition au pouvoir, de faire le deuil d’une victoire à Dakar si une condamnation ne prive pas les personnes poursuivies de droits d’être sur des listes électorales. Et même le cas échéant, Khalifa Sall non (encore) concerné pourra toujours trouver les moyens de remettre ses troupes en ordre de grande bataille. En cherchant absolument à l’affaiblir, le pouvoir va se retrouver avec des résultats contraires à son objectif. Les victimes d’injustice ou de ce qui y ressemble, on sait ce que les Sénégalais font avec.

L’arrestation de Bamba Fall et des autres jeunes socialistes n’est-il pas une manière pour le régime de faire le vide autour de Khalifa Sall d’autant que celle-ci intervient à quelques mois seulement des élections législatives.

C’est l’objectif du régime de faire le vide autour de Khalifa Sall. Mais vous savez, à force d’abuser du pouvoir tiré de la volonté populaire, on finit par se brûler les doigts au contact de la réalité qui se joue loin des chapelles politiques. L’intelligence exhibée depuis quelque temps dans l’espace public ne semble pas être de rigueur en ce moment. On assiste à de la ruse qui ne peut être considérée comme un indicateur valable en démocratie. Quand avec cela, on dispose de l’Exécutif et contrôle le Judiciaire alors que le Parlement n’a jamais été autre chose qu’une chambre d’applaudissements et faire-valoir des desiderata du Prince, le risque est grand de ne pas voir venir le danger de sanction populaire. On en connaît des exemples pas loin d’ici géographiquement et à date.
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