Le président de l’Alliance pour la république (Apr) déroule tranquillement devant une opposition qui semble mystifiée par les tours de passe-passe d’un Macky Sall en mode prestidigitateur.
Première manche remportée par Macky Sall. En faisant passer, par sa majorité à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur les quinze nouveaux députés qui vont représenter la diaspora sénégalaise, le président de l’Alliance pour la république (Apr) s’adonne à une tactique payante et qui consiste à mettre une opposition atomisée devant le fait accompli.
Et tout semble indiquer que sur les autres points d’achoppement, la volonté non déclarée, ou déclarée sur le tard, du Président va tenir lieu de raison. Prime de victoire pour le leader de l’Apr, les discussions n’avaient même pas abouti que son parti a fait avaler la pilule à l’opposition, avec 5 députés de plus sortis de sa manche, alors que les opposants s’attendaient à seulement à 10. ‘‘Nous n’avons jamais eu un accord sur le principe, encore moins sur le nombre de quinze députés’’, s’est étonné le chargé de la communication du parti Rewmi, Thierno Bocoum.
Les indignations de l’opposition, ou de sa frange la plus importante, s’estompent pourtant à l’appel du Président Sall où l’opposition se fait littéralement entuber. Et ce n’est pas la première fois que le Chef de l’Etat s’essaie à cette manœuvre. Après de violentes récriminations des opposants contre le Président Sall et le Conseil constitutionnel sur le maintien de son mandat en cours à 7 ans, l’opposition qui s’était réunie dans le Front Gor Ca Wax Ja a fissuré elle-même sa dynamique d’entente en décidant d’aller répondre au dialogue du 28 mai 2016 sans l’une de ses composantes essentielles qu’est Rewmi.
Coïncidence ou pas, le premier parti de l’opposition, le Parti démocratique sénégalais (Pds), gagnera quelques jours plus tard la libération de son candidat Karim Wade alors que le président noyait le débat sur son reniement et isolait Idrissa Seck. Quant aux différents contentieux sur le fichier électoral, le Front de défense du Sénégal Manko Wattu Senegaal (Fds/Mws) qui avait fait de la démission d’Abdoulaye Daouda Diallo son cheval de bataille semble s’écarter de ce sentier et se résigne même à voir le maire de Boké Diallobé être l’organisateur des prochaines échéances électorales. Pour preuve, la dernière entrevue de l’opposition avec le premier flic du pays s’est faite de manière séparée entre différentes entités de la Fds/Mws dont l’une a été reçue en catimini par M. Diallo avant de s’entretenir avec l’autre devant les caméras.
L’opposition semble toutefois tenir la corde sur des aspects plutôt secondaires, à savoir le report de la tenue des Législatives prévue le 2 juillet 2017. Ces consultations, qui vont très probablement être reprogrammées pour l’après-ramadan, est presque une ‘‘non-victoire’’ pour les opposants. Elles rassemblent plus les points de vue qu’elles n’en divisent puisqu’opposition comme partis au pouvoir, pour des raisons de commodité, mais surtout de mobilisation des électeurs, sont peu enclins à tenir ces scrutins en cette période de diète, après la déconvenue participative du référendum du 20 mars dernier.
L’autre ‘‘victoire’’ arrachée par l’opposition concerne la non-confirmation de l’inscription sur les listes électorales pour les électeurs désireux de s’inscrire, et allègement des conditions d’inscription (avec extrait de naissance par exemple). Des concessions minimes par rapport au refus du Président Sall d’accepter le bulletin unique ; une position qu’il avait pourtant défendue en tant qu’opposant, et bien sûr de l’augmentation du nombre de députés. Une passivité d’une partie de Fds/Mws qui a obligé d’autres opposants à se regrouper dans la coalition électorale Sam Li nu bokk/Alternative solidaire (Flb/As). Offensée par la valse-hésitation de ces figures dites des plus représentatives, cette nouvelle émanation des désaccords avertit ses comparses. ‘‘Gackou, Idrissa Seck, Omar Sarr, Decroix et compagnie doivent des explications aux Sénégalais’’, s’offusquait le professeur Malick Ndiaye.
Un député pour 78.787 habitants
En tout état de cause, cet ajout de quinze députés pour la prochaine législature traduit une instabilité sénégalaise en matière de législature qui se confirme avec ces parlementaires qui viennent s’ajouter à un effectif déjà pléthorique de 150 députés. De 80 députés dans les années 1960-1970, la situation a évolué pour connaître 150 parlementaires en douze législatures. Sans compter les autres instituts qui se rapprochent le plus de ce qu’on peut appeler Chambre basse, à savoir le HCCT, et le CESE. S’il peut paraître difficile de trouver une lisibilité aux institutions qui s’empiètent et se ressemblent, le ratio d’un député pour 86.666 habitants semble très dispendieux de la part des autorités.
En comparaison, les Etats-Unis apparaissent plus ‘‘radins’’ en nombre de députés. 435 membres de la Chambre des représentants pour 315 millions d'habitants, ce qui fait un député pour 730 000 habitants. Cependant l’ossature institutionnelle de ce pays est particulière. Plus proche de chez nous, l’Assemblée nationale nigériane, composée d’une Chambre haute, le Sénat (109 sièges) et d’une Chambre basse qu’est la Chambre des représentants (360 sièges) compte un total de 469 députés. Ce qui peut paraître raisonnable pour ses 182 201 962 habitants en 2015, selon la Perspective Monde de l’Université d’Usherbrook. Soit 388 000 personnes représentées par un député.
La France, avec 577 députés pour une population de 66 millions, est dans le même ratio, selon le site internet du journal Le Monde. Autrement dit un député pour 388 000 personnes. Le Royaume-Uni affiche un député pour 97 000 Britanniques. L'Allemagne est relativement économe en matière de députés. 622 membres du Bundestag pour 82 millions d'habitants, soit un député pour 131 800 habitants. Le ratio de 86 666 pourrait baisser au Sénégal avec les quinze nouveaux venus qui le porterait à un député pour 78 787 personnes, en considérant que les Sénégalais sont 13 millions.