2017 était censé être l’année des élections présidentielle et législatives. C’est donc le moment de faire un premier bilan et d’essayer de faire rêver à nouveau. Le chef de l’Etat s’est livré à cet exercice samedi à l’occasion de son discours-bilan de fin d’année à la Nation. Une baisse de 10% sur le prix de l’électricité et des projets ont été annoncés.
‘’Mes chers compatriotes, j’ai le plaisir de vous annoncer une baisse de 10% sur le prix de l’électricité, à compter du 1er bimestre 2017 dont les modalités seront fixées par la commission de régulation du secteur de l’électricité. Cette baisse représente un gain de 30 milliards au profit des consommateurs’’. À défaut d’être le cadeau du nouvel an pour les consommateurs, cette annonce du chef de l’Etat samedi dernier lors de son message à la Nation est au moins considérée comme telle par la majorité présidentielle. Le président de la République lui-même a affiché un léger sourire au moment de dévoiler le ‘’bébé de l’année’’.
Avant de livrer ‘’la bonne nouvelle’’, Macky Sall a d’abord fait le bilan du secteur de l’énergie durant les 4 ans de son régime. Il a rappelé que la Société nationale d’électricité (Senelec) est passée d’un déficit par an de plusieurs milliards à un exercice bénéficiaire pour la 3ème fois en 2014. Au même moment, la durée annuelle des coupures est passée de 912 heures en 2011 à 73 heures en 2016. D’ailleurs, ajoute le patron de l’exécutif, la Senelec a injecté l’année dernière (2016) 270 Mw sur son réseau. Ce qui représente plus de la moitié de ses capacités en 2015 qui étaient de 510 Mw. D’où la satisfaction du Président Sall. ‘’La fourniture d’électricité connait une nette amélioration’’, se réjouit-il, non sans annoncer 6 autres centrales solaires et éoliennes pour poursuivre le mixte énergétique.
Sur le plan agricole, le chef de l’Etat a exprimé sa satisfaction quant aux rendements de cette année. D’après Macky Sall, de façon générale, il y a eu une augmentation de la production. Le riz, dont l’autosuffisance est attendue en 2017, a connu une production de 950 779 tonnes. Les céréales, toutes catégories confondues, affichent 2 247 094 tonnes, alors que l’horticulture est à 1 206 810 tonnes dont 91 000 exportées. ‘’Une performance sans précédent’’, d’après le chef de l’Etat. Finalement, seule l’arachide a connu une baisse de 52 449 tonnes par rapport à 2015. ‘’Un léger recul’’, pour reprendre les mots du premier des Sénégalais. En effet, cette filière a enregistré 997 593 tonnes, contre 1 050 042 tonnes, l’année passée. D’après le chef de l’Etat, ces résultats, en dépit d’une pluviométrie déficitaire, sont possibles grâce ‘’aux efforts substantiels consentis sur les facteurs de production (…) et la mécanisation progressive’’. En guise d’exemple, ajoute-t-il, ces trois dernières années, 850 tracteurs et 60 000 autres équipements ont été acquis. Notamment, des moissonneuses-batteuses, des décortiqueuses et des semoirs.
31 milliards à l’élevage et deux ports à venir
Autre volet sur lequel s’est longuement appesanti le patron de l’Exécutif : les infrastructures. Macky Sall a d’abord listé ses réalisations. Il s’agit du deuxième tronçon de l’autoroute à péage, Diamniadio-Sindian, de l’échangeur de l’émergence, ex-pont Sénégal 92, de la troisième section de la Vdn ainsi que la route des grandes Niayes. En termes de perspectives, il annonce le démarrage des voies de communication à l’intérieur du pays. Il s’agit des routes Kédougou-Salimata, Dabo-Médina Yoro Foula, Bambey-Baba Garage et la dorsale de l’Iles à Morphile. Il y a aussi le pont de Foundiougne et la réhabilitation de la Route nationale numéro 1 (Rn1) entre Tamba et Bakel. La Rn2 pour la distance Ndioum-Bakel, en passant par Ourossigui et Kanel. S’y ajoute la Rn7, entre Dialokoto et Makko. Et pour mieux assurer le transport, le Président annonce le démarrage ‘’prochain’’ de Senegaal dem dikk, ces bus de la société Dakar dem dikk qui doivent desservir les régions. Les destinations retenues pour le moment sont Tivaouane, Mbour, Tamba, Podor, Matam, Kaolack, Fatick, Ziguinchor et Kolda.
Au chapitre élevage, le chef de l’Etat a promis que le gouvernement mobilisera 31 milliards de FCFA destinés à deux projets d'appui au pastoralisme, en plus d’une attention soutenue dans la lutte contre le vol de bétail. Pour l’économie maritime, le Président Sall annonce deux projets de ‘’grande envergure’’. Il s’agit du port à conteneurs de Ndayane et le port minéralier et vraquier de Bargny-Sendou. ‘’Avec ces deux infrastructures de classe mondiale, dit-il, de nouvelles activités maritimes se feront jour et notre pays confortera son standing d'hub maritime et logistique international’’.
Discours concrets vs chiffres erronés
A propos du secteur de la pêche à proprement parler, Macky Sall soutient que les quais de débarquement de Yoff, Ngaparou et Pointe Sarène sont déjà construits. Il en est de même de l'aménagement d'aires de traitement et de transformation des produits de la pêche de Bargny, Fass Boye et Gooxu Mbathe. D’autres infrastructures sont aussi prévues. ‘’Les travaux sont en cours pour les quais de Soumbédioune, Goudomp, Bargny et Potou, ainsi que pour les aires de traitement et de transformation des produits de la pêche de Penthium Sénégal à Thiaroye, de Mbao, Ndeppé-Rufisque et Kafountine’’. Le tout est couronné par 20 000 gilets de sauvetage pour la sécurité des pêcheurs.
Tout un ensemble de chiffres et de promesses qui font que certains se demandent déjà si ce message, délivré à l’orée des Législatives, n’est pas électoral. Que nenni, déclare le ministre conseiller du Président. Selon El Hadji Kassé, ce discours n’a pas versé dans la rhétorique classique. Il est plutôt ‘’articulé de façon concrète autour des préoccupations des Sénégalais’’. Une appréciation loin d’être partagée par Tafsir Thioye du Pds qui déclare que les chiffres fournis par le chef de l’Etat sont aux antipodes de la réalité économique du pays. Il déclare même que Macky Sall est trompé par le ministre de l’Economie et son collègue de l’Agriculture. Il faudra peut-être attendre la voix du peuple et de la société civile pour les départager.
VOLET EDUCATION DU DISCOURS A LA NATION
Les chiffres et les silences
9 547 mises en solde, 21 milliards de rappel et 30% des élèves à orienter dans la formation professionnelle. En voilà quelques chiffres-clés du volet éducation de l’adresse à la Nation du chef de l’Etat. Il y a aussi des dossiers passés sous silence.
Dans son discours à la Nation du 31 décembre, le chef de l’Etat est revenu sur l’Education, de façon générale. Le Président Sall a d’abord abordé les revendications syndicales, tout en évitant soigneusement de parler des organisations et des perturbations. Macky Sall s’est contenté de déclarer qu’il y a eu en 2016, 9 547 professeurs et maîtres contractuels mis en solde. Ce qui révèle un léger déficit par rapport à ses engagements qui étaient d’arriver à 10 000 enseignants.
Il en est de même pour les rappels. Le président soutient que 21 milliards ont été payés ‘’à titre de rappel au corps enseignant, toutes catégories confondues’’. Or, le 03 avril dernier, à l’occasion d’une adresse à la Nation, il avait promis 24,2 milliards. Là aussi, il y a eu un gap de 3,2 milliards comparés à ses engagements. Ces engagements étant arrivés à terme, le chef de l’Etat n’a pas dit ce qu’il compte faire pour l’année 2017, notamment pour les mises en solde, les rappels et les questions indemnitaires au centre de toutes les batailles. Par contre, il a opté de passer sous silence l’étude sur le système de rémunération des agents de la Fonction publique bouclée il y a plus d’un an et sur laquelle il est le seul à décider.
Sur les infrastructures, le locataire du palais soutient que plus de 89 milliards ont été injectés dans l'extension de la carte scolaire, les équipements et l'amélioration des conditions de travail en milieu scolaire. L’éternelle équation des abris provisoires n’a pas été en reste. ‘’Le programme de résorption des abris provisoires sera étendu à 2714 établissements en 2017, pour 6600 classes à remplacer’’, promet-il.
Pour l’enseignement supérieur également, le Président a évité les volets qui fâchent tels que le système de retraite des enseignants. Macky Sall est revenu sur des projets déjà plusieurs fois annoncés par le lui-même ou son ministre de l’Enseignement supérieur, notamment les 30 000 lits et de manière plus globale, les 302 milliards à investir entre 2015 et 2017.
Il y a tout de même du nouveau dans la formation professionnelle. Abordant l’importance de la performance du système et la nécessité d’accorder les profils à la sortie aux besoins du marché, il a révélé qu’il a donné des instructions pour mieux orienter l’éducation dans les filières scientifiques et techniques. ‘’J’ai donc fixé au gouvernement l'objectif d'orienter au moins 30% des élèves issus du cycle fondamental vers la formation professionnelle et technique’’, dixit Macky Sall.
Dans ce sillage, il promet 25 nouveaux centres de formation à partir de 2017. Des structures qui viendront s’ajouter au Pôle des métiers de Diamniadio et des lycées professionnels de Sandiara et de Fatick en cours de réalisation. ‘’Plus que l'acquisition de connaissances théoriques, c'est en développant davantage une formation qualifiante aux métiers et aux activités génératrices de revenus que nous lutterons plus efficacement contre le chômage’’, souligne-t-il.