Des centaines de femmes venues de 21 villages du Blouff, la partie ouest de Bignona, ont organisé mercredi à Djimande, une "procession mystique" visant à libérer leurs fils combattants du maquis et à prier pour la paix en Gambie, a constaté l’APS.
En cette matinée de mercredi, une ambiance calme règne à Djimande, un village traditionnel situé dans l’arrondissement de Tendouck à quelques encablures de Thionck-Essyl. Un groupe de garçons soulève de longues branches pour s’affairer autour d’une tente non encore bâchée.
Plusieurs notables du village discutent sous un arbre ombrageux en face d’une mosquée dont la couleur jaunie par le temps en dit long sur l’âge. Une rangée d’orangers et de citronniers entrecoupée par quelques palissades offre une allure urbaine à ce village traditionnel de la Casamance.
Des femmes âgées viennent par petits groupes pour prendre place sur des chaises plastiques et des banquettes installées sous forme de cercle sous un arbre séculier qui fait office de place publique du village aux côtés d’un puits pris d’assaut par des femmes ménagères.
Quelques minutes après, une foule exclusivement féminine se forme sous l’arbre. Les hommes du village nettement à distance vaquent à leurs occupations. "C’est une affaire de femmes. Elles ne permettent à aucun homme de s’y mêler. C’est très mystique. C’est elles qui détiennent les secrets", confie un vieux du village avant de s’éloigner comme s’il se sentait épié par les "gardiennes de la tradition".
Après quelques échanges internes dans un Diola à peine audible, les femmes se sont levées d’une façon brusque pour se diriger vers la tente faite d’un entrelacs de branches et drapée d’une bâche de couleur bleue.
Vêtues de grands boubous, de camisoles et autres tenues amples, les femmes entament leur fameuse procession dans une ambiance bruyante qui a mis à terme le calme qui régnait jusque-là. Elles entonnent une "chanson mystique" dans un bruit de calebasses mélangé à celui des rangées de perles autour du cou. Elles usent tout en arsenal mystique qui vise à "faire ramener leurs fils qui sont dans le maquis" du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).
"Nous sommes dans un village symbolique et très mystique qui accueille toutes les femmes du Blouff pour libérer mystiquement nos fils qui sont engagés dans le maquis avec le MFCD", s’écrie la porte-parole des femmes Adja Oumy Sagna dont la voix se perd dans le bruit de la foule.
"Quand le Blouff dit Non. C’est Non. Nous usons de notre mystique pour enfin libérer nos femmes. Nous ne voulons plus de cette guerre. Nous sommes pour la paix et le développement", poursuit cette dame d’un certain âge et avec une gestuelle qui en dit long sur la "volonté réelle des femmes pour un retour de la paix".
"Tous ceux qui ont gagné le maquis ont été préparés mystiquement dans ce village, notamment par les femmes. Djimande est un village totem. Cette procession est un évènement unique en son genre parce que l’arsenal mystique sera déployé pour les femmes pour libérer les fils combattants", explique l’ancien gouverneur de région Saliou Sambou.
"Quand il y’ avait des épidémies, des troubles ou évènements malheureux, c’est dans ce village que les ancêtres de la Casamance choisissaient pour faire les prières mystiques. Tout ce qui se décidait à Djimande s’imposait aux 21 villages du Blouff", a poursuivi M. Sambou, par ailleurs président de l’Alliance pour la paix en Casamance (APAC).
Selon lui, depuis cinq ans, l’APAC travaille pour convaincre les femmes à "libérer mystiquement" les combattants du MFDC dont "les bains mystiques avant leur entrée dans le maquis ont été faits à Djimande".
"Nous sommes en Casamance où il y a 50 pour cent de musulmans, 50 pour cent de catholiques, mais 100 pour cent animistes. Ce sont des réalités. Quand nous avons des problèmes, on opère un retour à nos racines. Et nous confions cette tâche aux femmes", souligne Saliou Sambou.
Dans ce contexte de crise postélectorale en Gambie, les femmes du Blouff ne souhaitent pas une intervention militaire à Banjul qui "aurait des répercussions sur la Casamance".
Après cette procession, les femmes se sont retirées sous la tente pour "régler mystiquement" la question du retour de leurs fils qui sont dans le maquis et contribuer à un "dénouement apaisé" de la situation en Gambie pour le bien des deux peuples.