La Chambre criminelle de Kolda s’est ouverte hier, sur une affaire d’infanticide. A l’issue du procès, l’accusée Awa Badiane, âgée de 30 ans et mère de deux enfants, a écopé de cinq ans de travaux de forcés.
Déjà mère de deux enfants naturels, Awa Badiane ne pouvait pas supporter un troisième enfant né encore hors des liens du mariage. Elle ne voulait pas laisser vivre son enfant d’autant plus que son amant avait refusé d’en assumer la paternité lorsqu’au mois d’octobre 2014, elle lui a annoncé qu’elle était enceinte. Malgré le refus, elle a gardé la grossesse jusqu’à son accouchement survenu dans la nuit du 06 au 07 juillet 2015 aux environs de 23 heures.
Qu’a-t-elle fait du bébé ? En tout cas, le nouveau-né, du moins le corps a été retrouvé le lendemain, enveloppé dans un sachet en plastique et mis dans un coin de la chambre de Awa. La gendarmerie a fait cette découverte à son arrivée sur les lieux après avoir été alertée par la grande sœur de l’accusée. Celle-ci ayant constaté des traces de sang un peu partout dans la maison, avait remarqué que sa frangine s’était enfermée dans sa chambre et refusait de lui ouvrir la porte. Lorsque les pandores sont entrés, l’enfant était déjà mort.
Hier, à la barre de la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Kolda, la maman a allégué avoir mis au monde un mort-né pour avoir accouché entre 6 et 7 mois. Mais le président lui a fait remarquer que ses propos sont contredits par le certificat de genre de mort qui atteste que ‘’l’enfant est arrivé à terme et il est né vivant’’. ‘’Si l’enfant était vivant, je n’avais aucun alibi pour le tuer’’, a soutenu Awa Badiane. Pour mieux se dédouaner, elle a expliqué que le bébé n’a pas donné signe de vie à sa naissance.
‘’Pour avoir le cœur net, j’ai touché la poitrine, le cou et le poignet mais le cœur ne battait pas’’, a confié l’accusée. Elle a ajouté qu’après son diagnostic, elle a couvert le bébé d’un morceau de tissu et est allée chercher de l’aide le lendemain. ‘’Comme personne ne voulait m’aider, je suis restée dans ma chambre avec le corps sans vie. A la nuit tombée, j’ai décidé de le mettre dans un sachet en plastique pour le déposer ensuite dans un coin de ma chambre’’, a renseigné Awa. Sur interpellation du président, elle a justifié avoir agi de la sorte pour éviter que ses deux enfants ne lui posent des questions sur la provenance du bébé. ‘’Pourtant, vous étiez ensemble avec ces deux enfants durant la journée. Est-ce qu’ils n’ont pas constaté à un moment la présence du nouveau-né ?’’ est revenu à la charge le juge. Et l’accusée de répondre par la négative.
Le procureur a requis 10 ans ferme
Pour le parquet, Awa a bel et bien tué son enfant. Le maître des poursuites fonde sa conviction sur le certificat de genre de mort ainsi que l’attitude de l’accusée avant et après son accouchement. ‘’Elle a dissimulé sa grossesse car elle n’a jamais effectué de visite prénatale et elle attendait le moment idéal pour se débarrasser de son enfant. ‘’D’ailleurs, elle s’est mise à nettoyer les traces de sang dans les toilettes, la véranda et la chambre’’, a renseigné le parquetier. Et d’ajouter que Awa ne voulait pas être la risée du quartier du fait qu’elle avait déjà deux enfants nés hors mariage. Fort de ces constats, le procureur a requis 10 ans de travaux forcés avant de conclure que ‘’l’enfant n’a pas demandé à naître’’.
La difficile condition sociale de l’accusée évoquée
La défense a dénoncé l’absence de preuve sous le prétexte que le certificat de genre de mort n’a pas déterminé les causes de la mort. Me Prosper Djiba considère que sa cliente n’a jamais voulu mettre un terme à la vie de son nouveau-né. ‘’Si elle voulait tuer son enfant, elle allait le faire dès le début de la grossesse’’, a soutenu le conseil qui n’a pas manqué d’évoquer la condition sociale de sa cliente. ‘’ Awa vit seule. Ses parents sont décédés. Elle n’a pas de proches à Kolda. Elle n’était pas en bons termes avec sa grande sœur Mame Siré Seydi, à cause de l’héritage’’, a renseigné Me Djiba avant de solliciter une application bienveillante de la loi à défaut d’un acquittement. Finalement, la Chambre criminelle a reconnu Awa Badiane coupable du crime d’infanticide et l’a condamnée à cinq ans de travaux forcés. Du coup, la jeune mère reste encore en prison jusqu’en 2019.