L’accueil à l’aéroport du président de la République, Macky Sall, en visite d’Etat de 5 jours à Paris, par un ministre français, suscite une polémique dans la classe politique. Du coté du camp présidentiel, notamment le ministre porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye, et le porte-parole de la Ligue démocratique (Ld), Moussa Sarr, cela est dans l’ordre normal du protocole français, dans la mesure où d’autres chefs d’Etat, à l’image du président américain, Barack Obama, ont été accueillis en France par des ministres. Par contre, selon l’opposition, en l’occurrence le chargé de la communication du Parti démocratique sénégalais (Pds), Mayoro Faye, cela traduit les relations personnelles tissées par le président Macky Sall entre les autorités des deux pays.
SEYDOU GUEYE, MINISTRE PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT : «Il ne faut pas gâcher la beauté d’une visite d’Etat par un détail»
Il ne faut pas saboter une visite d’Etat par un détail. Ceux qui connaissent le protocole français doivent se rendre à l’évidence que ce n’est absolument pas un manque de considération. Au contraire, la visite d’Etat est le produit d’une considération et d’un niveau d’estime. L’histoire est là pour nous renseigner que ce ne sont pas tous les présidents du Sénégal qui l’ont eue et ce ne sont pas non plus tous les présidents d’Afrique qui l’ont eue.
Une visite d’Etat est l’expression de la qualité des relations entre nos deux pays. Des relations d’une longue tradition historique, d’une grande intimité. Ceux qui veulent s’en convaincre n’ont qu’à observer l’honneur qui est fait au Sénégal, en voyant que toutes les allées des Champs Elisée, là où se célèbre le 14 juillet, l’allée la plus importante de la République française, étaient parées des couleurs du Sénégal. Le drapeau du Sénégal flottait tous les 10 mètres. Ce qui est important, c’est de considérer qu’avec cette visite, c’est encore une consécration importante par la communauté internationale du leadership de Macky Sall, et de tout l’espoir qui pèse sur ses épaules pour construire un nouveau développement de l’Afrique, tel que nous l’avons dans le Pse. Le président Obama, lors de sa visite en France, a été accueilli par un ministre. C’est comme ça que ça se passe en France. Il ne faut pas gâcher la beauté d’une visite d’Etat par un détail de malhonnêteté et de méchanceté. Le protocole est normal et ça c’est vérifiable.
MAYORO FAYE, CHARGE DE LA COMMUNICATION DU PDS : «Si c’était le président Abdoulaye Wade, aucun chef d’Etat français n’aurait osé lui envoyer un ministre…»
J’aimerais dire, apparemment, que les Sénégalais n’ont pas une vision exacte et sincère autour de cette visite, dite une visite d’Etat. De toutes les façons, ça débute mal. Parce que, pour une visite d’Etat qui voudrait avoir des allures d’une campagne à Paris, alors qu’on parle de visite d’Etat, je pense que cela aurait même froissé les autorités françaises.
Maintenant, je pense que notre président de la République, même si politiquement on n’est pas du même bord, soit accueilli par un simple ministre français, cela nous offusque. Nous voulions que les autorités françaises respectent quand même la plus haute autorité de notre pays, en l’occurrence le président Macky Sall, pour qu’il y ait un certain parallélisme des formes qui voudrait que Hollande lui-même fasse le déplacement pour accueillir à l’aéroport le président Macky Sall. Donc, c’est une situation qui nous déplait et qui, malheureusement ne reflète que la réalité des relations que Macky Sall, personnellement, a pu tisser entre les autorités françaises et celles sénégalaises. Si c’était le président Abdoulaye Wade, aucun chef d’Etat français n’aurait osé lui envoyer un ministre pour l’accueillir à l’aéroport, dans le cadre d’une visite d’Etat. Nous pensons que c’est parce que, parfois, nos autorités négligent des détails importants et n’ont pas toujours le courage d’exiger le respect réciproque et le parallélisme des formes. Cela devait renfermer tous les contours d’une visite d’Etat.
Nous avons appris que les militants de son parti ont aussi voulu en faire une visite politique à l’aéroport avec des poignées de foule et qui voulaient le donner un autre cachet. C’est regrettable. Maintenant, il faut creuser pour s’interroger sur les retombées de cette visite. Qu’est ce que le Sénégal va y gagner ? Est-ce que le secteur privé va y gagner et quoi ? Est-ce que nos ressources naturelles seront préservées ? Est-ce que les accords bilatéraux qui vont être signés sont en faveur du Sénégal ? Toutes ces questions sont à poser pour pouvoir évaluer véritablement la visite du chef de l’Etat en France. Nous pensons que c’est une nécessité impérieuse. Rien ne vaut la peine d’aller jusqu’en France pour dépenser toutes les sommes qui ont été révélées dans la presse, notamment sur l’hébergement, le transport et la restauration d’une forte délégation, pour tout remettre aux Français sur un plateau au détriment des intérêts des Sénégalais. Nous exigeons que les ressources naturelles du pays soient sauvegardées et que leur exploitation soit soumise au seul intérêt du peuple et des générations futurs.
Cependant, même si tant qu’il y a vie, il y a de l’espoir, nous ne sommes pas en train de mettre tout notre espoir sur cette visite. N’oubliez pas qu’avant cette visite, il y a eu le Club de Paris. Avec tous les milliards qu’on nous avait promis, aujourd’hui, notre pays est encore à la recherche de ces milliards. Avant de réaliser ces dernières promesses qui vont être entonnées à l’issue de cette visite, nous souhaiterions que les premières promesses soient réalisées d’abord.
MOUSSA SARR, PORTE-PAROLE DE LA LD : «Le plus important, ce n’est pas l’accueil, mais plutôt les résultats que nous attendons de cette visite»
Je voudrais d’abord me féliciter de la visite d’Etat que le président de la République est en train d’effectuer en France. Depuis de longues années, le Sénégal n’a pas eu ce privilège. Je crois qu’il est important de saluer cette visite d’Etat, dans la mesure où elle devrait permettre de renforcer la coopération entre la France et le Sénégal. Les liens qui unissent nos pays sont des liens séculaires, et nos autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le Sénégal tire encore des avantages de cette coopération avec la France.
Mais, en même temps, il faut diversifier cette coopération. J’observe que la Chine et d’autres pays sont présents au Sénégal. J’estime donc, qu’en même temps que nous renforçons la coopération avec la France, qu’on diversifie cette coopération et d’autres pays sont présents chez nous.
Pour moi, c’est cela le plus important. Il se trouve maintenant que le président de la République a été accueilli à l’aéroport par le ministre de la Fonction publique. Certains s’en offusquent à juste raison peut être. Mais, je crois que nous tous, nous avons remarqué que ce n’est pas la première fois qu’un président de la République en visite ne France, est accueilli par un ministre. Peut être que c’est cela le protocole de la République française. Mais, j’estime que le plus important ce n’est pas l’accueil, mais plutôt les résultats que nous attendons de cette visite. Parce qu’il aurait été possible que le président de la République soit accueilli par François Hollande et que les résultats de la visite ne soient pas à la hauteur de nos espoirs. A l’inverse, il peut être accueilli par un ministre et que les résultats soient satisfaisants. Donc, je crois que se sont les résultats de la visite qui sont plus importants et nous espérons que le président de la République reviendra au Sénégal avec des résultats satisfaisants de son séjour en France.