La CEDEAO n’a pas flanché à son sommet ordinaire des chefs d’Etat tenu ce samedi, à Abuja, au Nigéria. Le rapport lu à la session a fait le point sur la mission de début de semaine conduite à Banjul par la présidente en exercice Ellen Johnson Sirleaf. Au delà des considérations générales, l’organisation laissait surtout entrevoir que le président Gambien cherche à jouer au chat et à la souris avec ses pairs en « évoquant au cours de leur mission un recours de son parti (l’APRC) pour contester le résultat des élections ».
Dès lors, il fallait que ce conclave des chefs d’Etat reprenne la main à Yaya Jammeh. Ainsi la CEDEAO rappelle à l’endroit du représentant du gouvernement Gambien à ce sommet le ministre du Travail, de la construction et des infrastructures Bala Garba-Jahumpa qu’elle s’en tient à la déclaration d’acceptation de la victoire de Adama Barrow prononcée par le président Jammeh lui même au soir du 02 décembre, lendemain du scrutin.
Le discours est on ne peut plus musclé, et au delà de l’appel à Jammeh de « respecter cette parole pour éviter des troubles post-électoraux », la CEDEAO s’engage à assurer la sécurité du président Barrow jusqu’à la passation de pouvoir du 19 janvier, et surtout à déplacer l’ensemble des chefs d’Etat pour assister à la cérémonie de passation de pouvoir à Adama Barrow
La cedeao laisse le choix à Jammeh . . . pour deux alternatives
Dès lors, le problème qui se pose est la mise en œuvre de ces directives. Mais la CEDEAO le sait, la situation de statu quo ne peut pas durer jusqu’au 19 janvier. Ainsi l’intérêt de « s’engager à assurer la sécurité de Adama Barrow » signifie forcément que la CEDEAO pense à déployer une mission de police et de gendarmerie qui est dédiée à ce genre d’opérations.
De deux choses l’une : Ou Jammeh accepte la présence de « forces étrangères » (jusque-là de police et de gendarmerie) et tout se passe bien. Le cas échéant d’ailleurs, cela voudrait implicitement dire que Yaya Jammeh reconnaît le statut de Adama Barrow en tant que futur président. Ou alors, Jammeh refuse cette mission de policiers et de gendarmes dédiée exclusivement à la sécurité de Adama Barrow, et dans ce cas, il n’y aura plus mystère sur ses intentions de ne pas « céder » le pouvoir au nouveau président élu. La CEDEAO avec l’appui certainement d’un mandat des Nations-unies fera s’abattre sur la tête de Jammeh le chapitre VII de la charte de l’ONU, notamment l’usage de la force pour entraver la tentative de Jammeh de rompre un processus de transition démocratique et susceptible de créer de la tension dans le pays.
C’est dire que Yaya Jammeh a toujours le choix, comme depuis le début d’ailleurs. Cela ne tient qu’à lui et à lui tout seul de ramener la paix. D’autant que d’ailleurs, Adama Barrow a, faut-il le rappeler, expressément confié à la CEDEAO que sa principale préoccupation, c’est de « préserver la paix et la concorde nationale pour ne pas hériter d’un pays en ruine ». Personne ne semble vouloir la confrontation. L’attitude qu’on connaît le moins, c’est celle de Jammeh et son camp qui n’ont pas encore réagi au communiqué sanctionnant les travaux des ses pairs à Abuja. Tout dépendra certainement du compte rendu que lui fera son ministre Bala Garba-Diahumpa de retour à Banjul et qui lui racontera dans les menus détails la position des différents chefs d’Etat. Ce qui permettra aussi à Yaya Jammeh de peser d’éventuels soutiens . . . ou pas au sein de l’organisation sous-régionale.
ABDOULAYE CISSE
Correspondance particulière-Paris