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Crise post-électorale en Gambie: L’étau se resserre autour de Jammeh
Publié le lundi 19 decembre 2016  |  Sud Quotidien
Ouverture
© Abidjan.net par Atapointe
Ouverture du 44è sommet de la CEDEAO à Yamoussoukro en présence de 14 chefs d`Etat
Le 44è sommet ordinaire de la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) s`est ouvert, vendredi, dans la capitale politique et administrative de la Côte d`Ivoire, Yamoussoukro en présence de 14 Chefs d`Etat de la sous-région ouest-africaine. Photo: Yaya Djammeh, président de la République du Gambie




Le président Yahya Jammeh préfère-t-il attendre la Résolution finale du sommet des chefs d’Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en conclave ce samedi 17 décembre, à Abuja (Nigéria), sur la crise postélectorale dans son pays, pour se prononcer ? Alors que l’on s’attendait à une importante déclaration du chef de l’Etat sortant de la République Islamique de Gambie hier, vendredi 16 décembre, 24h après son tête-à-tête avec les religieux (imams et évêques) de son pays à la suite de celui avec la délégation Cedeao qu’il a reçu trois jours avant, Jammeh a fait faux bond. Pendant ce temps, contrairement aux Nations unies (Onu) qui prônent la fermeté, invitant Jammeh à se préparer à «quitter le pouvoir en janvier», la Cedeao semble jouer la carte de la prudence. L’effectivité du recours de l’ex-homme fort de Banjul (capitale de la Gambie) devant la Cour suprême (fantôme), conformément à la Constitution, bloquerait en effet l’organisation sous régionale qui milite partout pour le respect de la loi suprême en cas de conflit ouvert. Une précaution de la Cedeao qui jure d’avec la volonté affichée de l’Onu de sanctionner le pouvoir de Jammeh, s’il venait à ne pas respecter la volonté du peuple exprimée au sortir de la présidentiel du 1er décembre dernier. D’ailleurs, même si elle est très attendue, la décision de la Cedeao risque d’être prise sans Jammeh qui, à coup sûr, n’effectuera pas le déplacement au Nigéria car, comme l’a confié un diplomate en poste à Banjul à nos confrères de Rfi, «quand ça va mal, c'est le dernier moment pour quitter son pays».

Le grand bluff de Jammeh

On peut bien se demander à quoi joue Yahya Jammeh. Ce qui s’annonçait comme la rencontre de la clarification où les Gambiens espéraient que la sagesse des «hommes de Dieu» (collectif des imams de Banjul et agglomération ainsi que quelques prêtres qui y ont été à titre privé et individuel en dépit des appels au boycott de cette audience lancés par le clergé Gambien) arrive à raisonner l’homme fort de Banjul, n’aura été qu’une opération de communication «savamment» orchestrée par le Palais de State House pour paraître en de meilleurs termes avec cette frange respectée de la société Gambienne.

Le camp de Jammeh a poussé le vice jusqu’à faire croire d’abord à ses hôtes que leur bonne discussion sera sanctionnée par une «importante déclaration» du chef lui-même, hier vendredi. Notre source qui a assisté à cette audience avance que le président Yahya Jammeh «est allé tellement loin devant les hommes de Dieu que nous sommes, qu’il a tenté de nous mystifier avec la symbolique pour lui de prendre la parole un jour de vendredi». Notre source de poursuivre que Jammeh a conclu le conclave par «Aldiouma, diamm rek moo tchi xew. Wa Salam!» (Le vendredi ne peut engendrer que la paix, ndlr) laissant pantois et dubitatif l’assistance qui ne demandais qu’à y croire.

Aujourd’hui, et bien sûr sous le couvert de l’anonymat, des imams confient, sous leur turban, avoir été bernés, utilisés par le président et entrainés dans une «mascarade» orchestrée par le grand imam ratib de Banjul, imam Thierno Ka, ouvertement pro-Jammeh.

MALAISE CHEZ LES IMAMS ET PREMIERE SORTIE PUBLIQUE DU PRESIDENT ELU : Test de popularité de Barrow à la prière du vendredi à Brufut

Finalement ce vendredi, jour de prières chez les musulmans, avait une atmosphère assez lourde dans beaucoup de mosquée à Banjul et sa banlieue. Par curiosité aussi, les prêches des imams qui, pour la plupart ont été à l’audience, étaient scrutés. Mais les fidèles en seront pour leur frais. Pas un mot, pas une référence sur la rencontre avec Yahya Jammeh… Et, finalement, point de déclaration de Yaya Jammeh, non plus, hier vendredi.

C’est peut être d’ailleurs en raison de ce qui s’apparente à un «parti-pris» des imams que le nouveau président élu à choisi sa mosquée pour son acte de dévotion (la prière) du vendredi. Adama Barrow est arrivé presque incognito dans la mosquée de Brufut, une bourgade non loin de l’agglomération Tandjié (50 kms à l’Ouest de Banjul). Mais, une fois que le micro a salué sa présence, nos sources avancent qu’il était difficile à l’imam Karamo Bodian de faire son sermon dans la tranquillité. Tellement les fidèles avaient envie de situer leur champion, tombeur de Jammeh, dans l’enceinte de la mosquée.

C’est la première sortie publique de Adama Barrow, et toujours sans sécurité républicaine. Mais il faut croire qu’il était là à Brufut en terrain conquis car les fidèles, à la fin de la prière, sur invitation de l’imam, ont prié pour leur hôte de président, pour la paix et la concorde en Gambie.

D’habitude, à la fin des prières du vendredi, les fidèles font vite de se disperser. Sauf hier vendredi où chacun voulait voir Barrow ou l’apercevoir. Et, finalement, c’est une horde de fidèles qui accompagnera le président Barrow jusqu’à son nouveau lieu de retraite dans un hôtel particulier du richissime homme d’affaires gambien Tapha Ndiaye, plus connu sous le nom de Taph, comme le nom de sa holding. Un lieu sans vis-à-vis qui peut justifier le choix de Adama Barrow d’y établir désormais ses quartiers. C’est aussi un coin résidentiel qui abrite, à quelques lieux de la nouvelle résidence de Barrow, le complexe hôtelier du Sheraton.

A BANJUL LE STATU QUO

Ce n’est pas faute d’avoir été fortement incité par la foule de fidèles à se déclarer président, Adama Barrow a préféré ne faire aucune déclaration publique, ni donner des indications sur ses intentions dans les prochains jours. Aucun commentaire non plus ni sur l’audience des imams et prêtres au palais, encore moins sur les attentes du côté d’Abuja (Nigéria) pour le sommet des chef d’Etat de la CEDEAO, prévu ce samedi.

Adama Barrow, comme Yahya Jammeh, semble, chacun de son côté, compter ses soutiens. Jammeh a, à n’en pas douter, une main mise sur l’Armée. En dépit des quelques défections, le locataire de la State House a pu penser, entre jeudi soir et vendredi, s’être mis dans la poche les imams. Ça, c’est moins sûr, eu égard au malaise naissant au sein même de leur collectif.

Quand à Adama Barrow, son camp feint de ne pas être à l’origine du mouvement de désobéissance civile qui prend forme en ce moment à Banjul. Depuis les enseignants du supérieur qui ont décidé de boycotter tout enseignement jusqu’à ce que Jammeh rende le pouvoir, c’est le barreau de Banjul et l’école du barreau qui ont rejoint le convoi de la contestation.

Une chose est sûre: pour l’heure, aucun des camps ne veut être à l’origine d’une situation de tension qui va entrainer des violences, même si, du côté de Adama, on a déjà les nerfs à bouts «d’avoir été élu et de ne même pas être en situation de préparer la passation».
En revanche, on peut aisément prédire que Yahya Jammeh ne tiendra pas longtemps sans «bander» les muscles face à ce mouvement de contestations qui prend forme dans les corps de métiers. Statu quo, jusqu’à quand ?

Abdoulaye CISSE
Correspondance particulière
Paris
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