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Fallilou Samb (syndicaliste transport): ‘‘On fait croire aux Sénégalais que nous sommes des tueurs sur la route’’
Publié le lundi 19 decembre 2016  |  Enquête Plus
Baux Maraîchers
© aDakar.com par DF
"Baux Maraîchers": Dakar tient sa nouvelle gare
La nouvelle Gare de Dakar a été inaugurée ce lundi. Cette infrastructure devra permettre de moderniser davantage le transport et de permettre une plus grande mobilité des voyageurs. Construite sur un site de 12 hectares, la gare des "baux maraîchers" a coûté 7,5 milliards de fCFA.




Fallilou Samb est le secrétaire général du syndicat professionnel des transports routiers, et président de la gare routière de Rufisque. Dans cet entretien par téléphone, il interpelle l’Etat sur ses responsabilités régaliennes sans oublier ses congénères chauffeurs sur la série d’accidents qui a endeuillé le pays.

Quels commentaires faites-vous de la sortie du président de la République appelant à une ‘‘tolérance zéro’’ après l’accident survenu à Tambacounda ?

Ça rappelle sa première sortie lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Il n’a fait que réitérer ses propos. Avant lui, il y avait la présidente de la commission transports et infrastructures de l’Assemblée qui a décidé de passer un projet de loi pour le retrait définitif du permis de conduire aux chauffeurs indisciplinés. Cela ne nous dérange nullement que des mesures soient prises contre les fautifs. Il faut seulement qu’il n’y ait pas d’exception. Il ne faut pas viser un corps de travailleurs, les chauffeurs de transport en commun. Quand les autorités font des déclarations, c’est toujours à l’encontre des acteurs routiers. Ce sont des cas qu’on généralise. Le Président a visé un secteur, une corporation, une profession. On fait croire aux Sénégalais que nous sommes des tueurs sur la route. Ce n’est pas le cas. Je ne sais pas où me situer par rapport à la déclaration du président, avec tout le respect que nous lui devons, mais nous regrettons vraiment. Les autorités doivent tenir compte du fait que nous sommes des citoyens sénégalais, que nous avons des charges sociales, que nous avons nos pères, mères, épouses, et fils qui vont à l’école comme tous les autres enfants. Elles doivent savoir que nous faisons partie intégrante de la population.

En tant que syndicaliste, comment expliquez-vous ces enchaînements d’accidents ?

Vous savez, le chauffeur est toujours le premier candidat à la mort en cas d’accident. Quand il est sauf, c’est dans des conditions vraiment miraculeuses. Lorsqu’il obtient un permis, la première chose qu’il fait est d’aller recueillir la bénédiction de son père. Il en fait autant avec son marabout. Si vous remarquez bien, les chauffeurs sont bardés de grigris. Une personne pareille ne veut certainement pas qu’il y ait accident. Il faut voir les conditions qui poussent ces gens à des infractions qui vont jusqu’à l’homicide involontaire. Les causes fondamentales ? La fatigue, le sommeil et la conduite en état d’ébriété. Quand le secteur des conducteurs n’est régi par aucune réglementation, ça pose problème. Un bus qui a 72 personnes à l’intérieur, deux à trois étages de bagages, qui passe devant tout le monde, gendarmes et policiers, sans que l’on trouve à redire.

Il y a une responsabilité engagée de l’Etat car, s’il y a exploitation de l’homme par l’homme, c’est lui qui doit arbitrer, revoir les conditions de travail des chauffeurs. Pourquoi l’Etat prend en charge des maladies comme la tuberculose, le palu, le Sida ? C’est pour protéger les citoyens. Il dépense beaucoup de milliards pour cela, pour les moustiquaires imprégnées par exemple. Le traitement de la tuberculose est gratuit pour un semestre. Les antirétroviraux sont gratuits pour le Vih Sida. L’année dernière, la route a tué 468 personnes. Il faut une politique de communication pour sensibiliser. La route est plus meurtrière que ces maladies.

Les syndicats de transport sont puissants et sont accusés de contrecarrer les initiatives qui visent à la formalisation du secteur.

Moi je dirais le contraire. Au nom de mon syndicat, chaque fois que l’Etat pose des actes allant dans le sens de l’intérêt général, nous adhérons et nous le défendons. Quand il a voulu ouvrir le centre de contrôle technique, beaucoup de syndicats n’étaient pas d’accord, sauf nous. Nous l’avons soutenu sur ce projet car chaque fois qu’il y a accident, c’est nous qui sommes emprisonnés, ou qui perdons nos permis. Il nous faut des véhicules avec des freins, des lumières etc., j’ai mené une campagne avec le DG de la Cetud pour rallier les autres à notre position. Présentement, tout le monde est conscient de la problématique.

Y-a-t-il des avancées sur le renouvellement du parc automobile et le permis à points ?

Le renouvellement est un projet qui tarde à voir le jour. On nous avait promis de renouveler le parc interurbain depuis bientôt six ans, mais ça ne se concrétise toujours pas. Les Maliens transportent leurs concitoyens dans des bus climatisés de 120 millions, tout neufs, conçus pour le transport de personnes. Au Sénégal les ‘‘Ndiaga Ndiaye’’ et ‘‘Cars rapides’’ ne sont pas habilités à faire ce genre de transport. C’est encore à l’Etat d’acquérir tout cela pour mettre les Sénégalais dans des conditions de bien voyager. Quant au permis à points, nous sommes d’accord sur le principe. Lorsque l’Etat prend pareille décision qui concerne toute la population, c’est pour son bien. Nous disons oui mais demandons une formation, un renforcement des capacités car nous nous disons chauffeurs professionnels. Tous les membres du syndicat savent que notre leitmotiv, c’est le renouvellement, la modernisation. Pour cela, il faut changer de comportements, c’est ça mon discours.
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