Toujours à la table de la présidence de la République depuis le 28 février 2016, le projet de décret relatif à l’organisation du ministère de l’Education nationale tarde à être adopté. En attendant d’y voir plus clair, ce projet relatif à la réorganisation des structures du ministère de l’Education présente des incohérences et quelques incongruités. Car, il procède à des nominations à la pelle des responsables de structures du MEN de même ordre par décret ou arrêté, devant déboucher sur des confusions, des anomalies et des collisions.
A l’heure de l’application des décisions présidentielles des Assises nationales de l’Education et de la Formation, le ministre de l’Education nationale propose une réorganisation de son département. En effet, Serigne Mbaye Thiam a estimé que l’organisation actuelle de son ministère ne correspond ni à celle du décret de 1986, modifié, ni à l’organisation globale du système décrit dans la loi d’orientation de 1991, notamment la mise en place d’un cycle fondamental. Ainsi, il propose un décret relatif à l’organisation du ministère de l’Education déposé à la présidence de la République depuis le 28 février 2016. En attendant les observations de la présidence ou bien la signature de Macky Sall, voilà un projet qui présente plusieurs anomalies, incongruités et incohérences dans le fond. Entre les lignes du projet, l’option d’une politique de décentralisation/ déconcentration est loin d’être une réalité avec la création de nouvelles directions générales dont le rôle n’est pertinent que dans un ministère qui a vocation de centraliser.
En revanche, le Men qui a une approche de décentralisation et d’implication des collectivités locales, a fini de mettre 85% du budget entre les mains du niveau déconcentré.
En effet, le projet de décret propose la nomination de trois (3) chefs de cellules par décret : Cellule de Coordination des Réformes et du Partenariat (CCRP), Cellule de Communication et du Dialogue social et Cellule de Développement de l’Education numérique sont nommés par décret (CDEN). Alors qu’au même moment, le chef de la Cellule d’Evaluation certificative des Apprentissages (CECA) et celui de la Cellule de Passation des Marchés sont nommés par arrêté du Ministre chargé de l’Education nationale. Cette «injustice» pose problème à l’heure du PAQUET qui met l’équité au centre de ses préoccupations.
Au regard de ces dispositions de nominations par décret et arrêté, le projet relatif à l’organisation du Men présente des incongruités dans le Cabinet du ministre. D’ailleurs, les patrons des six structures (l’Inspection interne, la CCRP, la CCDS, CDEN, le Secrétariat général de l’UNESCO, les Inspecteurs d’académie) rattachées au cabinet sont nommés par décret à l’exception du doyen de l’Inspection Générale de l’Education et de la Formation (IGEF).
Ce qui est incompréhensibles est que les Inspecteurs généraux, gardiens de programmes et curricula, ont en général rang de professeur d’université, mais ils travaillent avec le Men et le ministère en charge de l’enseignement technique et la formation professionnelle.
Création de directions générales
Dans une dynamique de repositionner des structures centrales laissant les aspects opérationnels de pilotage à la base pour mieux se consacrer à un rôle d’impulsion, de coordination et de contrôle qualité, le projet propose que l’administration centrale du Men comprenne des directions générales. Il s’agit de la Direction générale de l’Enseignement (DGE) et la Direction générale des Ressources humaines (DGRH).
La DGE regroupe toutes les directions pédagogiques et a pour mission entre autres, de coordonner les activités des directions pédagogiques et autres services placés sous son autorité. Ainsi, la Direction de l’Enseignement élémentaire (DEE) devient Direction de l’Enseignement fondamental (DEF) en récupérant le cycle moyen de l’ancienne Direction de l’Enseignement secondaire général (DEMSG) devenue Direction de l’Enseignement secondaire général (DESG) va disparaitre pour laisser place à la Direction de l’Enseignement fondamental qui gérera le cycle moyen. On ne trouve aucune structure en charge de l’Education de base qui a fait l’objet des grandes réformes souhaitées par les assises.
L’inspection des daara sera désormais la direction de l’Enseignement arabe, religieux et des « Daara ». La faiblesse de structures apparait à travers l’absence de nomination de DGA (directeur (trice) général (e) adjoint (e) pour épauler les directions générales dans leurs tâches respectives.
La DPRE et la DFC disparaissent
Maitresse d’œuvre dans la collecte, le traitement et la publication des données statistiques relatives au système éducatif, la direction de la Planification et de la Réforme de l’Education (DPRE) sera éclatée en deux structures, la Direction de la planification et des études de l’éducation (DEPE) et la CCRP Cellule de Coordination des Réformes et du Partenariat qui se chargera d’élaborer les plans de réforme en rapport avec les sous-secteurs et de coordonner les différentes composantes des réformes, rattachée au cabinet.
La Direction de la formation et de la communication (DFC) sera aussi saucissonnée. La Communication est rattachée au cabinet par la CCDS et la Formation, vidée de sa substance, retourne dans le giron de la DGRH.
Chevauchement des missions
A la considération de la réduction de la taille de l’administration, les modifications majeures apportées montrent quelques insuffisances dans la définition des missions.
Plusieurs structures partagent les mêmes missions, ce qui va provoquer des batailles épiques entre chefs de services et de blocages dans le fonctionnement. Il ne s’agit pas de regroupement des structures aux missions voisines ou complémentaires, pour une plus grande synergie des interventions, mais bien évidemment de chevauchement.
Prenons l’exemple de la direction des Etudes, de la Planification et de l’Evaluation (DEPE) qui comprend en son sein la Division Suivi et Evaluation du Programme et des Projets, pendant que la Cellule d’Evaluation certificative des Apprentissages (CECA) qui a pour mission de gérer les bases de données des évaluations d’apprentissage et certificatives et de développer des tests permettant aux enseignants de procéder à l’évaluation formative des apprentissages dans chacune des matières enseignées et d’en assurer le suivi. Une autre mission de la CECA qui pose problème est la formation des personnels des inspections d’Académie et des inspections de l’Education et de la Formation à la validation des diverses productions d’épreuves d’apprentissage et de certification. C’est le rôle dévolu à la direction de la Formation et de la Communication (DFC). La compartimentation des missions des directions n’est pas jusqu’ici clairement établie. Les structures risquent de marcher sur les plates-bandes des unes et des autres. On note aussi que la DEF et la DESG s’occupent de la formation des personnels relevant de leur service au moment où ces missions sont dévolues à la DGRH par les soins de la direction de la formation.
La DAGE qui abrite de la division des marchés publics se voit délester de la cellule de passation des marchés qui est rattachée au cabinet.
L’objectif de rationnaliser est loin d’être une réalité, car la direction de l’alphabétisation et des langues nationales (DALN) et le Centre national de ressources éducationnelles (CNRE) gardent leurs statuts, alors qu’ils ont des missions très voisines dans le secteur de l’alphabétisation. DALN et CNRE n’ont pas été regroupés dans le but d’atteindre les objectifs de rationalisation de l’organigramme du MEN à l’image du regroupement réalisé entre de la Direction des constructions et de la direction des équipements scolaires. C’est le cas de la Cellule de Développement de l’Education numérique (CDEN) et le Service des Technologies et Systèmes d’Information (STSI) qui partagent un rôle commun : booster l’utilisation du numérique dans le système éducatif.
Autre quiproquo relevé dans ce texte est la confusion notée dans le découpage des structures. Aucune clarté dans la position hiérarchique Direction Générale, Direction, division, bureau. Au niveau de la DGRH, certaines directions sont organisées autour de divisions, puis des bureaux.
En revanche, d’autres sont composées exclusivement de bureaux. L’instance de coordination, la division, sont inexistantes. C’est le cas de la direction des affaires sociales et de la direction de la formation.
Qui recrutent des élèves inspecteurs ?
Dans le projet de décret, il est clairement indiqué que la direction générale des Ressources humaines (DGRH) a pour missions entre autres, de coordonner et de superviser au niveau national, le recrutement des élèves maitres et élèves professeurs. En lisant le texte, il n’apparaît nulle part, le recrutement des élèves-inspecteurs.
Ce personnel d’encadrement, garant de la qualité serait en voie de suppression. La question de réforme a-t-elle partagée avec les partenaires et à l’interne de façon objective pour disposer d’un département fonctionnel et opérationnel au niveau central et déconcentré? En attendant le contexte actuel n’augure pas de bonnes perspectives pour les élèves inspecteurs. D’ailleurs, le recrutement de 43 inspecteurs de l’Enseignement moyen et secondaire a été annulé l’année dernière faute de ressources financières, signalent les autorités ministérielles.
En faisant l’économie du présent projet de décret, l’idée d’une réduction de la taille de l’administration centrale et de l’adaptation de l’organisation est une utopie.
La création de nouvelles structures pour une meilleure prise en charge des fonctions stratégiques a augmenté sensiblement le nombre de structures, si l’on se réfère à l’actuel organigramme du ministère.