Le maire de la commune de Mermoz-Sacré-Cœur, Barthélémy Dias, a indiqué hier qu’il allait traduire en justice les coupables de l’accident qui a coûté la vie, avant-hier, à quatre enfants. Il présentait ses condoléances aux familles des victimes.
Mermoz Pyro Technie, la cité est en deuil. La veille, 4 de ses fils ont péri dans l’effondrement d’un mur. Sur les lieux règne un silence de cathédrale. Pour voir quelqu’un, il faut se rendre aux maisons mortuaires qui refusent du monde. Devant l’un des domiciles mortuaires, faisant face à la maison en chantier où les enfants ont trouvé la mort, se sont regroupés beaucoup de riverains. Tous n’en reviennent pas ! ‘’Vous voyez, c’est ce mur en construction, depuis cinq ans, qui a coûté la vie à mon enfant. Le mur de cette maison n’est pas bien fait, parce qu’il n’y a pas de piquets pouvant le retenir. Les enfants étaient juste partis pour arroser leurs plantes quand celui-ci s’est effondré’’, explique Ibrahima Guèye, l’oncle du jeune Mor Talla qui est décédé dans l’accident avec trois de ses autres camarades.
Assis juste à côté d’Ibrahima Guèye, ce père d’un jeune rescapé déplore le fait que les permis de construire soient livrés à ‘’n’importe qui et sans aucun suivi’’. ‘’Le mur est mal construit et cette maison est en construction depuis cinq ans. On ne cessait de le dire. Nos enfants étaient menacés, mais personne ne nous écoutait. Et voilà, le mal étant arrivé, on va en parler, mais après, rien ne sera fait’’, regrette-t-il en jetant parfois un regard sur les décombres. En effet, en ce jour de deuil, le quartier de Mermoz Pyro Technie est pris d’assaut par les habitants et les membres du Conseil municipal de la localité, tous venus présenter leurs condoléances suite à l’effondrement d’un mur ayant entraîné la mort des quatre enfants, âgés entre 6 et 13 ans.
Il est treize heures passées de 20 minutes. Nous sommes à l’entrée de la maison du jeune Mor Talla. Parmi les visiteurs se trouve le maire Barthélémy Dias. Avec quelques membres du Conseil municipal de Mermoz-Sacré-Cœur, il est venu présenter ses condoléances. Visiblement affecté, l’édile souligne qu’il est ‘’urgent d’agir’’. Et pas question, selon lui, d’attendre. Il faut, soutient-il, traduire tous les responsables en justice pour essuyer les larmes des familles des victimes. De l’avis de Dias fils, les choses commencent à devenir une ‘’mauvaise habitude’’ au Sénégal. ‘’Il faut qu’on arrive à élucider cette affaire. Si la responsabilité revient au propriétaire ou à l’entrepreneur, ils vont l’assumer. Si la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur a une part de responsabilité, elle va l’assumer également. De toute façon, nous allons traduire les auteurs en justice pour situer les responsabilités’’, martèle à nouveau l’ex-député socialiste, après avoir présenté ses condoléances aux familles.
Pour lui, ce qui se passe aujourd’hui est une ‘’faute grave’’ de l’Etat du Sénégal. ‘’Au Sénégal, ajoute-t-il, quand ces choses arrivent, on dit souvent que c’est la volonté divine. Moi, je dis que c’est de la négligence de la part de l’État, parce que Dieu n’est pas méchant. C’est la façon dont on traite les choses qui pose problème au Sénégal. Le gouvernement a toujours l’habitude de traiter les dossiers relatifs à la construction avec une certaine légèreté. Et c’est vraiment regrettable’’, blâme Barthélémy Dias.
L’équation du propriétaire
Et pourtant, informe Dias fils, le 10 novembre 2015, les éléments de la Brigade municipale de Mermoz-Sacré-Cœur avaient effectué une descente sur les lieux et ont sommé l’entrepreneur d’arrêter les travaux. Le ciment et le fer, poursuit-il, ont été saisis dans le cadre de cette opération. Cette sommation n’a pas été respectée. D’après Barthélémy Dias, le propriétaire et son entrepreneur ont continué à construire. Il accuse l’État d’être derrière cette affaire. ‘’Je regrette le fait que la Direction de surveillance et de contrôle de l’occupation des sols de Dakar (DESCOS), qui est un service étatique, puisse être amenée à la Primature. C’est de la politique pure et dure. Le Premier ministre n’a pas été nommé pour signer les permis de construire. C’est une structure du ministère de l’Urbanisme. La Descos est une direction. Son rôle est d’assurer et de contrôler l’occupation du sol. Elle devrait être une direction au service des communes et des mairies. C’est cette direction qui devait procéder aux arrêts des constructions illégales’’, estime Barth qui rappelle que 50% des propriétaires de terrain dans la commune de Mermoz ne disposent pas de permis de construire.
Après le drame, les habitants de Pyro Tecnie continuent à se poser des questions quant au propriétaire du terrain. A qui appartient le terrain ? Personne n’est en mesure de donner une réponse concrète. Selon ces derniers, le propriétaire et son entrepreneur ont disparu. Pas d’interlocuteurs avant, pendant et après le drame. ‘’Il faut avoir le courage de dire ce qui s’est réellement passé. Le terrain a été vendu à deux reprises. Le deuxième propriétaire et son entrepreneur n’avaient pas un permis de construire. On ne sait pas là où ils sont. Aujourd’hui, il y a eu perte en vies humaines. Donc, tout le monde sait ce que risquent les auteurs’’, ajoute le maire socialiste tout en précisant que deux avocats ont déjà été saisis pour défendre la cause des familles des victimes. Toutefois, Barthélémy Dias indique que la commune de Mermoz va également se constituer en partie civile dans cette affaire.
Par ailleurs, le maire recommande ‘’vivement’’ à tous ceux qui ne disposent de ce papier ‘’légal’’ d’arrêter leur construction pour éviter que des cas pareils ne se reproduisent dans la commune. Il y va de même, dit-il, pour ceux qui n’ont pas de plans ‘’à béton armé’’. ‘’C’est vrai que ce sont les mairies qui signent les permis de construire. Nos compétences s’arrêtent à ce niveau. Maintenant, il appartient au service de l’urbanisme de procéder à la délivrance du dossier technique. Descos est là tout simplement pour arrêter les chantiers des mairies. Elle ne travaille pas pour le compte des collectivités locales. Elle devrait être à la disposition des maires et non du Premier ministre (Ndlr : Mahammed Boun Abdallah Dionne)’’, fulmine-t-il.
Les populations de Mermoz Pyro Technie n’oublieront pas de sitôt cet accident qui a emporté quatre de leurs enfants dont deux issus d’une même famille. Mor Talla, Pape, Moustapha et Seydou sont partis à jamais.