Dakar - Le Sénégal a perdu jeudi une de ses plus grandes figures dans le domaine de l'art, le sculpteur Ousmane Sow décédé à l'âge de 81 ans, "un géant" et "un monument" qui a fait honneur à toute l'Afrique.
Connu pour ses sculptures monumentales de guerriers qui ont fait le tour du
monde, Sow est né le 10 octobre 1935 à Dakar et n'est devenu artiste qu'à
l'âge de 50 ans, après avoir exercé comme kinésithérapeute en banlieue
parisienne et au Sénégal. Sa connaissance des muscles et de l'anatomie lui
servira pour ses créations.
Selon sa famille, jointe par l'AFP depuis Paris, Ousmane Sow est décédé à
l'Hôpital Principal de Dakar, sans autres précisions sur ce dont il souffrait
et la durée de son hospitalisation.
Il a "été très bien assisté médicalement", a simplement indiqué la même
source, ajoutant: "Il emporte avec lui rêves et projets que son organisme trop
fatigué n'a pas voulu suivre".
Jusqu'à jeudi après-midi, aucune précision n'avait pu être obtenue sur la
date de ses obsèques. Au Sénégal, il menait une vie très discrète.
L'annonce de son décès a suscité une vague d'hommages, tant dans son pays
qu'à l'étranger, particulièrement en France.
"Nous adressons nos condoléances à la famille d'Ousmane Sow, artiste de
génie et premier Africain à rejoindre l'Académie française des Beaux-Arts", a
écrit la présidence sénégalaise sur son compte Twitter.
Sow a rejoint en 2016 cette prestigieuse institution en tant que membre
associé étranger.
Son décès est "une très grosse perte pour la sculpture sénégalaise et
africaine", a réagi à l'AFP le ministre sénégalais de la Culture Mbagnick
Ndiaye, en mission officielle à Abou Dhabi, le qualifiant de "véritable
ambassadeur de la Culture." "Les oeuvres d'art qu'il a exposées à travers le
monde montrent qu'il était un géant de la culture", a-t-il ajouté.
Le chef de l'Etat français François Hollande a salué en Ousmane Sow "un
immense artiste et un ami de la France", rappelant qu'il "y vécut et travailla
à plusieurs périodes de sa vie, notamment entre 1957 et 1961".
Il y "acheva ses études avant de rejoindre le Sénégal qui venait d'accéder
à son indépendance", a-t-il précisé. "De la matière qu'Ousmane Sow appliquait
sur des armatures de fer et de béton puis de bronze, ont surgi des guerriers
venus d'ethnies ancestrales mais, également, le souvenir de grands hommes,
tels que Victor Hugo. Ses oeuvres sont le reflet de ses engagements, et ses
géants se tenaient toujours debout", a-t-il ajouté.
- Sculpteur incomparable -
Le grand public a découvert Sow en 1999 lors d'une rétrospective sur le
Pont des Arts à Paris. Ses guerriers Maasaï du Kenya, lutteurs Nouba du Soudan
du Sud, Indiens d'Amérique, colosses figés dans le mouvement, attirent alors
plus de trois millions de personnes.
Les hommages ont aussi été exprimés dans le milieu artistique ainsi que
dans les médias locaux, le qualifiant entre autres de "monument".
Pour son compatriote plasticien Vieux Diba, professeur à l'Ecole nationale
des arts (Ena) et président de la plate-forme des arts visuels, "c'est le
leadership du Sénégal (en matière de culture) qui prend un sacré coup. Il y a
des gens qui incarnent un pays", et ce fut son cas.
Ousmane Sow a fait montre à travers son oeuvre d'"un humanisme qui met en
scène le corps et qui met l'homme au coeur de la problématique sociale. Il a
poussé l'originalité jusqu'à créer une matière spéciale faite de résine de
paille, une matière nouvelle dont lui seul avait le secret", a rappelé M.
Diba.
Cette matière "est un mélange resté secret, qu'il a réussi à stabiliser au
fil du temps" et parce qu'elle était "stable, pas poreuse", c'était une
manière de "résister au temps", a souligné à l'AFP Massamba Mbaye, critique
d'art sénégalais.
Certains disent que, esthétiquement, "il était très proche de Rodin
[Auguste Rodin, sculpteur français], mais Ousmane Sow est un artiste qui a
produit ses propres bases, on n'a pas besoin de le comparer à quelqu'un", a
ajouté M. Mbaye.
Selon lui, il était "un artiste majeur" et était, au Sénégal, "le plus
coté, avec la potière Awa Seyni Camara, dans le monde de l'art".
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