Malgré les modifications apportées au projet de texte portant sur les statuts de son corps, l’Union des magistrats sénégalais (UMS) est toujours en colère contre l’Exécutif. En Assemblée générale extraordinaire, samedi dernier, l’écrasante majorité des magistrats ont exigé le retrait des textes jugés discriminatoires.
Le projet de loi organique portant Statut de la magistrature, le projet de loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature et le projet de loi organique abrogeant et remplaçant la loi organique n°2008-35 du 08 août 2008 relatif à la Cour suprême. Ces différents textes ont été passés au peigne fin, samedi dernier, par les magistrats au cours d’une assemblée générale extraordinaire convoquée par le bureau de l’Union des magistrats sénégalais, au Palais de justice Lat Dior. Dans une résolution qui a sanctionné la réunion, le bureau exécutif national de l’UMS dénonce ‘’l’absence de concertation dans l’élaboration finale des dits textes’’. Le président Magatte Diop et ses collègues ne comprennent également pas que leurs observations n’aient pas été intégrées aussi bien dans le projet de loi organique relatif au Statut des magistrats que dans celui portant organisation et fonctionnement du CSM. Par contre, les magistrats constatent que le projet de loi organique sur la Cour suprême, examiné en Assemblée intérieure de ladite Cour, a été dénaturé avant son adoption en Conseil des ministres.
L’autre grief porte sur le projet de loi organique portant Statut des magistrats, adopté en Conseil des ministres avec des dispositions discriminatoires sur l’âge de la retraite. Face à tous ces griefs, l’assemblée générale invite solennellement le gouvernement à maintenir l’âge de la retraite à 65 ans pour tous les magistrats. En fait, dans un premier temps, le texte sur la Cour suprême prévoyait dans ses articles 26 et 27, l’allongement de l’âge de la retraite à 68 ans pour le Premier président et le Procureur général de ladite Cour exclusivement. Toutefois, des modifications ont été apportées à l’article 65 du projet de loi organique portant Statut des magistrats consistant à allonger l’âge de la retraite de 65 à 68 ans pour certains magistrats en l’occurrence le Premier président, le Procureur général, les présidents de chambre de la Cour suprême, les Premiers présidents et Procureurs généraux près les Cours d’appel.
Mais cette modification est loin de satisfaire l’UMS qui exhorte le gouvernement à réintroduire les dispositions préalablement adoptées par l’assemblée intérieure de la Cour suprême. Par ailleurs, celle-ci exige la réintroduction de la disposition prévoyant la tenue régulière des réunions du CSM. Déterminée à obtenir gain de cause dans ce combat, l’assemblée générale donne mandat au Bureau exécutif pour mener toutes actions appropriées, tant au plan interne qu’international pour préserver l’indépendance de la magistrature.
Les coulisses d’AG
Les magistrats de la chancellerie ont subi les foudres de leurs collègues des juridictions, lors de l’assemblée générale convoquée par l’UMS.
Comme constaté dans les différentes contributions parues dans la presse, ces derniers jours, les magistrats n’ont pas, à l’unanimité, rejeté les modifications proposées par le gouvernement. Selon nos sources, deux camps se dessinent. D’un côté, il y a ceux qui défendent les textes, il s’agit particulièrement des magistrats de la chancellerie, même si d’ailleurs, précisent nos sources, ils n’ont pas été nombreux. Ces derniers ont tenté, dit-on, de convaincre leurs collègues de la pertinence des réformes. A cet effet, ils ont demandé aux réfractaires de faire confiance aux hauts magistrats qui ont permis à leur corps d’avoir certains acquis. Certains sont même allés jusqu’à demander à l’UMS de laisser passer les textes pour ensuite continuer le combat, notamment l’élargissement de l’augmentation de l’âge de la retraite.
Mais ces arguments ont outré le camp du refus qui, majoritaire, s’en est pris à l’Exécutif accusé de vouloir diviser les magistrats et de créer une discrimination non fondée en droit. Pis, d’après nos informations, ces magistrats n’ont pas mis de gants pour tancer les souteneurs du projet, accusés de tourner le dos à la magistrature pour des intérêts politiques. ‘’Nous leur avons dit que c’est un combat de principe que nous menons et qu’ils ne doivent pas courber l’échine, ni cirer les bottes de l’Exécutif. Qu’ils n’ont pas le droit de tourner le dos à leur neutralité de magistrats’’, confie une source ayant pris part à l’AG qui s’est déroulée à huis clos.
Prenant le contrepied des ‘’magistrats de la chancellerie’’ qui ont voulu attribuer les acquis aux hauts magistrats, plusieurs intervenants ont cherché à rétablir la vérité des faits, en revisitant l’histoire. A ce propos, ils ont rappelé à leurs collègues que le mérite revient plutôt à l’UMS qui ne cesse de se battre pour la défense des intérêts moraux et matériels de leur corps. L’assemblée a aussi battu en brèche l’argument du déficit de hauts magistrats avancé pour justifier la discrimination faite au profit de certains d’entres eux. ‘’C’est un faux argument ! Ces départs à la retraite sont prévisibles, dès l’entrée en fonction. D’ailleurs beaucoup d’entre eux accèdent à des postes par intérim sans avoir le grade nécessaire’’, tonne un magistrat sous le couvert de l’anonymat.
Quoi qu’il en soit, la magistrature, dans sa majorité, est foncièrement contre les textes et reste persuadée que le gouvernement saura raison garder pour reculer. Certains veulent privilégier le dialogue, compte tenu des contraintes liées à leur fonction. A cet effet, l’idée de se concerter avec les parlementaires a été agitée. Mais les radicaux ont préconisé des stratégies de lutte. A cet effet, certains, dit-il, ont rappelé la stratégie adoptée par l’UMS en 2011 en renvoyant pendant plusieurs jours toutes les audiences. C’était pour réclamer de meilleures conditions de travail, une plus grande indépendance, l’augmentation des indemnités de judicature et des terrains qui leur avaient été promis par les autorités étatiques.