Des intervenants à la table ronde sur le développement des médias initiée par l’Union de la presse francophone (UPF) à Antsirade (Madagascar) ont avancé, mardi, la nécessité de s’ouvrir à des investissements privés "transparents" comme solutions pour la viabilité des entreprises de presse dans les pays en développement.
Tidiane Dioh, le responsable des programmes médias de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a, au cours de ces échanges organisés dans le cadre des 45 èmes Assises de l’UPF, retenu que "la solution du modèle économique dépend du contexte économique d’un pays à l’autre".
Dans un petit rappel historique, M. Dioh a souligné qu’en Afrique "les journalistes ne se sont jamais préoccupés de gagner de l’argent".
Selon lui, "c’était plutôt une lutte pour la décolonisation, pour les libertés, il n’ a été jamais question de survie économique, mais de passion et d’engagement".
Aujourd’hui, a-t-il soutenu, ce sont de plus en plus des entreprises privées confrontées à des problèmes de survie économique, de management parce qu’il s’agit maintenant "d’un business avec des questions managériales".
"Juste après la révolution en Tunisie, l’information a été une priorité. Mais il a fallu balayer tout un système médiatique fermé, vide d’expression citoyenne et plein de propagande pour des entreprises de presse avec une dimension économique et sociale" a, pour sa part, expliqué la directrice de l’Agence de Presse Tunisienne, Hamida El Bour.
Elle a ajouté qu’"une refonte juridique a eu lieu avec la mise en place d’une instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication".
Président du Forum des éditeurs africains, Cherif Moumina Sy a considéré que le premier problème des médias africains, c’est "l’organisation".
"A la création des médias en 1990, c’était plus par passion avec des batailles pour défendre des valeurs démocratiques", a-t-il dit, soulignant que "très vite la réalité économique a pris le pas sur les convictions et les engagements citoyens".
Le Forum des éditeurs africains essayent de lutter contre les financements occultes des entreprises de presse qui posent problème dans les pays du Sud, a relevé M. Sy, invitant tous ceux qui travaillent dans les médias, du commercial au distributeur des journaux, à "avoir une traçabilité des ressources financières" pour mettre tout le monde au même niveau d’information.
Le Fonds d’appui à la presse francophone a aidé certains médias à s’équiper pour "travailler plus correctement" a indiqué Cherif Moumina Sy qui regrette qu’"il n’ y avait pas d’autres sources de financement à part les ventes".
Il a cité des contraintes externes en Afrique de l’Ouest avec des radios "incapables de faire des revues de presse" et qui "balancent tôt le matin tout le contenu de votre journal", rendant du coup inutile le recours au support papier.
"Il y a un vol de propriété intellectuelle et économiquement cela nous détruit", a-t-il fait valoir.
Par ailleurs, Cherif Moumina Sy qui plaide pour un Fonds d’appui à la presse a déploré le fait que les entreprises de presse ne font pas toujours l’effort de trouver des solutions dans la captation des Fonds.
Au Burkina déjà, un fonds d’un montant de 1,3 milliards de francs CFA a été mis en place pour assurer l’indépendance et l’autonomie financière des médias, en plus de l’adoption d’une législation largement libérale pour l’accès à l’information au niveau de la presse écrite et audiovisuelle a-t-il indiqué.
"La presse n’est pas un secteur économique comme un autre, c’est tout aussi politique et peut faire face à certaines pressions qui peuvent mettre en péril sa survie", a soulevé la directrice Afrique de Reporters sans frontière (RSF) Clea Kahn Sriber, lors de la table ronde sur "la liberté et la responsabilité des journalistes : facteurs de développement et de discrédit".
Les travaux des Assises se poursuivent jusqu’à jeudi à l’hôtel Thermes d’Antsirabe situé à prés de 180 km de la capitale malgache, Antananarivo.