Le 45ème Président des Etats-Unis d’Amérique n’a pas encore pris fonction que le roi du mbalax pense à lui demander de manière solennelle de regretter ses propos de campagne. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, Youssou Ndour demande à Donald Trump «d’exprimer ses regrets» pour ses fameuses déclarations et les blessures que le candidat d’alors a causées. Le leader de Fekke ma ci boolé revient aussi sur les causes de son engagement en politique et évoque les souvenirs qu’il garde de chefs d’Etat comme Chirac, Obama et le défunt leader charismatique de l’Anc, Nelson Mandela. Tout comme il parle aussi de sa carrière, sa lutte contre le paludisme, l’Apartheid et les raisons de sa présence au Bataclan les 18 et 19 novembre.
Le roi du mbalax n’est pas indifférent à l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Malgré toutes les angoisses, inquiétudes et autres interrogations que l’élection du 45ème Président des Etats-Unis suscite à travers le monde. Se prononçant sur le vote des Américains, Youssou Ndour ne se prive pas d’interpeller le successeur de Barack Obama : «Les Américains ont choisi un candidat antisystème. Mais je demande au Président Trump d’exprimer des regrets pour certaines déclarations qu’il a faites durant sa campagne et pour les blessures qu’il a ainsi occasionnées. Je le lui demande solennellement.»
Il est «urgent» que Trump «soit humble»
Une requête que le lead-vocal du Super Etoile justifie ainsi dans le quotidien français Le Monde : «Il a tenu des propos déplorables sur l’islam, l’immigration, les Noirs et plusieurs communautés. Il a heurté plein de gens.»
Pour autant, Youssou Ndour ne s’arrête pas là. Puisqu’il souligne l’urgence qu’il y a pour le futur locataire de la Maison Blanche de reconnaître «ses erreurs et qu’il mette ça sur le compte d’une campagne électorale outrancière. Urgent qu’il soit humble et qu’il dise clairement ses regrets. La campagne, c’est une chose. Sa présidence en est une autre. En tout cas, c’est ce que j’espère.» Et Youssou Ndour d’insister sur ses attentes qu’il décline ainsi : «Il doit lever les équivoques sur l’immigration et la religion et adopter désormais un discours correct à l’égard du reste du monde.» Des doléances qui, si elles sont satisfaites aux yeux du patron du Super Etoile, permettront d’envisager de revoir «nos relations avec l’Amérique, de tout rediscuter et de repartir à zéro». Youssou Ndour ne manque pas de préciser à propos de Donald Trump : «Il ne connaît visiblement pas l’Afrique. Mais nous, nous savons qui nous sommes. Et nous avons tous besoin les uns des autres.»
Engagement politique : A l’origine, Wade
Sur un autre registre, Youssou Ndour évoque les raisons de son engagement en politique. Ce qui n’était pourtant pas son objectif. «J’étais là pour divertir en disant la vérité. Et puis j’ai gagné de l’argent, créé des emplois, lancé une radio, une télé, un groupe de médias, investi au Sénégal», précise l’enfant de la Médina. Et le troisième Président sénégalais se voit désigné comme l’une des principales causes ayant conduit le chanteur dans le landerneau politique. «(…) Le Président Abdoulaye Wade a voulu se présenter pour un troisième mandat, en dépit de la Constitution. J’ai trouvé ça inacceptable. Et j’ai senti qu’avec ma petite popularité, je pouvais faire quelque chose pour combattre cette régression. J’ai plongé dans les dossiers, discuté et à un moment, j’ai dit : ‘’Basta ! Je suis aussi capable que d’autres de diriger ce pays. Autant y aller pour saper les chances de Wade’’». «Il s’est arrangé pour me disqualifier et m’empêcher de concourir. Mais je me suis rangé aux côtés du candidat Macky Sall qui, une fois élu, m’a demandé de venir travailler avec lui. Et ça se passe bien», apprécie le ministre-conseiller du successeur de Me Abdoulaye Wade.
«On peut construire d’abord sa vie et son succès avant de s’engager pour la Cité»
Expliquant son comportement dans le champ politique, le leader du mouvement Fekke ma ci boolé d’indiquer : «J’ai cassé l’idée que seule une petite caste, issue des mêmes écoles, milieux et familles pouvait diriger le pays. Moi, je n’ai pas fait l’université et je ne possède aucun diplôme. On me l’a reproché au début. Eh bien c’est terminé. J’ai aussi montré qu’au lieu de plonger dans la politique pour s’enrichir et accéder à la réussite personnelle, on pouvait faire l’inverse : construire d’abord sa vie et son succès avant de s’engager pour la Cité et la servir.» Déclarant même ne pas s’être «enrichi» et au contraire avoir «perdu beaucoup d’argent» quand il était au gouvernement, Youssou Ndour estime avoir «apporté une vraie différence au Conseil des ministres. Des préoccupations auxquelles personne ne pensait. Et plus de pragmatisme».
Par ailleurs, le roi du mbalax parle aussi de ses combats aux côtés de l’Unicef et d’Amnesty international, contre le paludisme, l’Apartheid, de son engagement pour la cause des enfants et sa rencontre avec Mandela à Dakar sous le règne de Abdou Diouf. «Après sa libération (Ndlr : celle de Mandela), il a annoncé qu’il viendrait au Sénégal. C’est même Abdou Diouf, le Président de l’époque, qui me l’a annoncé : ‘’Ton ami va venir.’’ J’étais fou de joie. J’ai appelé mes potes du monde entier, et chacun voulait participer à ce concert qui devait le célébrer et qui a rassemblé plus de 100 mille personnes. Dingue ! Hélas, il a eu un pépin et il n’a pu nous rejoindre. Mais il est venu quatre mois plus tard. Je l’ai alors rencontré en tête-à-tête. Et j’ai pleuré. J’ai pleuré comme un enfant», se rappelle Youssou Ndour. «Il a éveillé en moi l’esprit du ‘’fight’’. Vous voyez ? L’idée que les droits de l’Homme ne se respectent pas naturellement et qu’il faut souvent les arracher. Que ce combat doit être pacifique, mais qu’il est exigeant, sans concession et implique des sacrifices. A nous tous, il a transmis une sorte de flambeau», se souvient encore le lead-vocal du Super Etoile. Qui revient aussi sur les souvenirs qu’il garde de chefs d’Etat comme Jacques Chirac et Barack Obama. Au sujet du prédécesseur de Nicolas Sarkozy, Youssou Ndour se remémore : «Ce n’était pas évident, hein ! Chirac m’a marqué. On a longuement parlé ensemble de jonction des cultures. Et sa fondation, dont je suis désormais membre, s’est engagée sur le paludisme.» Avant d’enchaîner avec le 44ème Président américain, «devenu un pote» et «une grande référence pour nous tous» : «Obama est venu au Sénégal en 2013. Entre-temps, j’étais devenu ministre dans le gouvernement de Macky Sall. A sa descente d’avion, après avoir été accueilli par le Président, il m’a longuement serré la main : ‘’Voilà mon idole, Youssou Ndour. Je t’ai écouté dans l’avion. Je suis totalement fan.’’ C’est passé en direct à la télévision, c’était incroyable (…) Mais c’était le Président des Etats-Unis. Pas de l’Afrique.»