La profession pharmaceutique a décidé hier de suspendre les gardes de nuit jusqu’à nouvel ordre. D’autres actions sont prévues pour protester contre l’assassinat de deux employés de la pharmacie Yélitaaré de Ndioum. Les pharmaciens demandent la protection de l’Etat.
Ce sont des pharmaciens chagrinés et très remontés qui ont fait face hier à la presse, suite au meurtre de deux employés de la pharmacie Yélitaaré de Ndioum. La profession pharmaceutique (Ordre des pharmaciens, pharmaciens privés, répartiteurs pharmaceutiques, etc.) dénonce les actes inhumains qui se sont déroulés, dans la nuit du 6 au 7 novembre. Elle appelle tous les pharmaciens à suspendre les gardes de nuit jusqu’à nouvel ordre. En plus, tous les pharmaciens de Dakar avec leurs employés sont conviés à un sit-in devant le ministère de la Santé et de l’Action Sociale, le vendredi 11 novembre. Dans les régions, les acteurs sont priés de tenir leur sit-in devant leur gouvernance respective. Une fermeture de toutes les officines de pharmacie sur l’étendue du territoire national est aussi prévue le vendredi, de 8h à 15h.
Selon la présidente de la section B, Dr Fatou Ndiaye Dème, c’est un cri du cœur des pharmaciens du Sénégal. Car, depuis 2005, une cinquantaine de pharmacies ont été cambriolées, entraînant pour certaines une faillite et des pertes en vie humaine. Ce fut, dit-elle, le cas de l’attaque de la pharmacie Actuelle, la pharmacie de Keur Massar et depuis hier, la pharmacie Yélitaaré. ‘’Ces officines ont été attaquées dans l’exercice de leur mission de santé publique. Tout le monde sait que dans des soucis d’accessibilité des médicaments aux populations, les pharmaciens se sont installés dans les zones les plus reculées du pays. Et s’organisent en garde de jour et de nuit pour une offre ininterrompue en médicaments. C’est dans ce cadre que la pharmacie Yélitaaré a été le théâtre d’une attaque entraînant la mort de deux employés’’, a-t-elle expliqué.
Sécuriser les pharmacies
Pour mener à bien leur mission de santé publique, les pharmaciens exigent la sécurisation de leurs lieux d’exercice, notamment au moment des gardes. ‘’Les pharmacies sont ciblées, pillées, parce qu’il y a un marché entretenu par des réseaux obscurs de vente illicite de médicaments. Nous appelons encore une fois l’Etat à prendre ses responsabilités pour combattre ce marché illicite du médicament. Un fléau pour la santé des populations dont les points de vente sont connus de tous : Keur Serigne Bi, Touba, Diaobé, marché de Thiaroye’’, a-t-elle fustigé.
De son côté, la présidente du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, Docteur Khady Cissé, a précisé qu’ils ont demandé en vain au ministère de la Santé d’être leur interlocuteur au niveau du ministère de l’Intérieur pour le renforcement de la sécurité des officines de garde. ‘’On a même déposé au niveau des préfectures et des commissariats de police, dans certaines zones, la liste des pharmacies de garde, au cours de l’année. Pour qu’au moins, si on ne peut pas avoir un policier devant chaque officine, on ait des rotations régulières et fréquentes. C’est vrai qu’on est des officines privées, mais on joue un rôle de santé publique auprès des populations. La maladie n’a pas d’heure. Chaque fois qu’il y a une ordonnance en urgence, on est de garde. On ouvre des portes à des inconnus. Il faut qu’on soit en sécurité pour faire notre travail quotidien’’, a-t-elle fulminé.
‘’Nous assumons’’
La fermeture des officines sur toute l’étendue du territoire est, déclare Docteur Khady Cissé, une décision extrême due à leur ras-le-bol. ‘’Nous savons qu’il y aura un impact sur la population, mais nous assumons. Ce n’est pas une volonté que nous avons choisie délibérément. On est obligé d’arriver à ces extrémités pour qu’on nous entende. On a dit et redit, on ne nous entend pas. Nous avons fait cela en 2009 et c’était dans les mêmes circonstances. Il y a eu mort d’homme. On est des agents de proximité de cette population. Nous savons le rôle que nous jouons. Nous intervenons au-delà du client et du pharmacien. Donc, il faut qu’on nous mette en sécurité’’, a pesté Dr. Cissé. Avant de poursuivre : ‘’quand il y a cambriolage, tant qu’on nous prend nos biens, nos médicaments, on peut encore supporter. On va vers l’autorité, on échange. Mais quand il y a mort d’homme, c’est le summum de la violence et on ne peut pas continuer comme ça. Il faut qu’on se parle et que l’Etat joue son rôle. Il est chargé de protéger ses populations et nous en faisons partie’’, a-t-elle précisé.