Ancien membre du Parti démocratique sénégalais (PDS), Abdoulaye Sow chemine aujourd’hui avec le président de la République dans son parti. Conseiller technique de ce dernier, il fustige l’attitude de l’opposition qui, selon lui, est dans une spéculation permanente, notamment sur le débat autour du pétrole et autour du processus électoral. Dans cet entretien avec EnQuête, il fait le procès de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye et soutient le gouvernement dans sa posture de maintenir en vigueur l’arrêté Ousmane Ngom récemment brandi par le régime pour circonscrire la manifestation de l’opposition du 14 octobre dernier. Entretien.
Quelle appréciation faites-vous du débat autour du pétrole ?
Le pétrole est aujourd’hui l’un des moteurs de l’économie mondiale. Que le Sénégal puisse être entendu dans le monde restreint des pays producteurs de pétrole est une grâce divine. Tous les Sénégalais devaient s’en réjouir et unir leurs forces pour que l’exploitation du pétrole soit un gage de développement de notre pays.
Ne craignez-vous pas aujourd’hui une malédiction du pétrole avec toute la tension que soulève déjà le débat autour de la question ?
C’est surtout cela qu’il faut éviter. Ce qu’il faut éviter surtout, c’est de faire de ce débat autour du pétrole un débat de politique politicienne. Je ne me prononce que sur des questions que je maîtrise. La question du pétrole est tellement technique que seuls les avertis en la matière peuvent donner des explications plus approfondies. Je reste donc sur le principe de la gouvernance.
Et comment voyez-vous la gouvernance de nos ressources naturelles ?
C’est une question soulevée et agitée par l’opposition. Le gouvernement a pris la responsabilité de publier tous les décrets et contrats qui ont encadré cette gestion du pétrole. Je pense qu’à partir de ce moment, tous les citoyens de bonne foi devaient arrêter ce débat à défaut d’apporter une contribution ou de relever des manquements pour ensuite saisir les juridictions compétentes. Nous sommes quand même dans un Etat de droit. Je salue cette volonté du gouvernement d’être transparent, de dialoguer avec son peuple sur toutes les questions qui l’intéressent. Le reste maintenant n’est pas important. D’autant plus que ceux qui entretiennent ce débat, la plupart du temps, ne sont pas de bonne foi.
Pourquoi vous le dites ?
Parce que cette gestion du pétrole, aujourd’hui toutes les preuves sont palpables, a été entamée par le régime libéral qui a signé les premiers décrets, même si certains Premiers ministres disent qu’ils ne s’en souviennent plus. Une partie de l’opposition a signé. Le Premier ministre Abdoul Mbaye a contresigné un décret. Il ne peut pas dire qu’il a été trompé. C’est une légèreté extraordinaire. Quand tu dis que j’ai été abusé par l’exposé des motifs, cela ne peut pas être sérieux. Un Premier ministre, avant d’apposer sa signature, doit avoir suffisamment de sources d’information qui lui permettent de pouvoir justifier sa signature. Moi qui suis sorti de l’ENA, qui ai appris certains principes comme l’obligation de réserve pendant et après l’exercice de la fonction, je suis choqué de voir un ancien PM avoir une attitude telle que Abdoul Mbaye l’exprime.
C’est contraire à tous les principes de gestion administrative. Il faut quand même préserver l’Etat qui n’appartient ni à Macky Sall ni à Abdoulaye Wade. Fondamentalement, je pense que nous devons revoir nos comportements pour ne pas mettre notre démocratie en danger. Ou était Abdoul Mbaye dans tous les combats pour la conquête des libertés au Sénégal ? Quand les gens votaient sans carte d’identité, où était-il ? Quand Me Abdoulaye Wade se faisait emprisonner parce qu’il a simplement voulu marcher contre l’apartheid où était Abdoul Mbaye ? Où était-il quand Me Wade se faisait emprisonner avant même que les résultats officiels des élections ne soient publiés ? Où était-il quand le président Kéba Mbaye démissionnait en plein milieu d’un processus électoral ? Je ne pense pas que c’est à 60 ans qu’il a commencé à avoir une opinion sur la vie publique sénégalaise !
Est-ce qu’il a une responsabilité dans tout cela ?
Bien évidemment, s’il y a problème. Je trouve même qu’il n’y a pas de problème. On agite un faux débat ; en réalité, c’est pour alimenter l’existence d’une opposition qui n’a pas d’alternative réelle.
Selon le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, le Sénégal peut se retrouver avec 58% de parts de production. Pensez-vous que cela puisse être possible ?
C’est cela le souhait. On peut faire confiance au gouvernement. On peut au moins noter, avec l’attitude du Premier ministre, qu’il y a une volonté de clarification et d’explication. Jamais un PM n’a été aussi présent à l’Assemblée nationale et dans le débat pour défendre l’opinion et les positions du gouvernement. Cela est un courage fondamental. Je crois que c’est là où il faut situer les questions. Les vrais débats doivent être menés dans les lieux adéquats. L’Assemblée nationale est le lieu par excellence du débat parlementaire, du dialogue politique national. Une partie de l’opposition dit que certains contrats ont été cachés. Mais tous les contrats ont été publiés. On ne reproche rien au gouvernement sur la question de la transparence dans la gestion de ce dossier.
L’opposition parle d’impôts de l’ordre de 600 milliards qui auraient pu être tirés des différentes transactions qui ont eu lieu autour de cette affaire. Qu’en est-il réellement ?
Annoncer des chiffres comme ça, c’est trop facile. L’essentiel, c’est de donner les preuves de ce qu’on avance. Le gouvernement a publié tous les contrats et décrets. S’il y a des failles, c’est le travail de l’opposition de les trouver et de les exposer. Mais jusqu’à présent, on est sur des généralités, sur des accusations fortuites, sur un débat politicien mal initié. On a voulu accuser le président de la République d’avoir mis son frère. Ce qui aujourd’hui est totalement démenti par les faits. Ce qui est clair, c’est que le Président Macky Sall ne s’est jamais mêlé de cette question de ‘’gestion privée’’ dont on parle du pétrole sénégalais. C’est le président de la République qui a introduit dans la constitution, à travers le dernier référendum, la question de la gestion des ressources naturelles pour que celles-ci ne soient pas bradées pour des intérêts privés. L’opposition a voulu installer ce débat simplement pour se donner un sujet. Heureusement pour le Sénégal, nous avons une opinion libre, un peuple mature qui sait comprendre les enjeux que pose l’opposition. Vous avez vu l’indifférence que le peuple sénégalais a accordée à la marche du 14 octobre qui, en réalité, n’en était pas une.
Justement, comment appréciez-vous cette marche de l’opposition ?
Nous étions le 14 octobre, c’est-à-dire une semaine presque après la rentrée scolaire marquée par une volonté affichée par le gouvernement de faire de l’école un lieu stable. Le concept ‘’ubi tey jang tey’’ qui est une vision claire devait être accompagné par l’ensemble des forces vives de la nation. Parce que nous avons quand même besoin d’une école apaisée où les différentes forces seraient en convergence pour construire l’enseignement de nos rêves. C’est à ce moment, un vendredi après la prière, qu’une partie de l’opposition a décidé de marcher, de montrer un autre visage de notre pays.
Au moment où cette opposition marchait et débattait sur la seule question du pétrole alors qu’il y a d’autres comme celles de l’éducation et de l’agriculture par exemple, le président de la République était en train de sillonner le Sénégal des profondeurs. Il a fait une tournée économique dans le monde rural où de visu, il a constaté les résultats du PUDC avec plus de 157 forages, 68 châteaux d’eau, 1300 km de routes, 797 km de pistes rurales. Le président répond à travers l’inauguration d’une centrale solaire à Bokhol. En revenant à Dakar, il a inauguré l’autoroute Diamniadio-AIBD-Sindia. En 2019, nous devrions avoir 221 km d’autoroute, soit 50 km par an. Ce qui sera fait en une année va dépasser ce que les gens ont fait en dix ans ou bien en trente ans. C’est cela la bonne réponse qu’il a apportée à l’opposition.
La marche a été réprimée à coup de grenades lacrymogènes. Est-ce que cela participe d’une bonne application de la démocratie ?
La marche a avorté parce que simplement, les responsables de cette manifestation n’ont pas voulu respecter les règles. Vous savez, il y a beaucoup de gens qui parlent d’autorisation de marche, mais on est dans un régime déclaratif depuis 2001. Il s’agit simplement de déclarer et le pouvoir qui en a l’autorité se charge d’encadrer la marche. Ça, c’est une liberté fondamentale consacrée par la constitution. Mais celle-ci ne suspend pas la liberté des autres, la libre circulation des biens et des personnes. Il ne faut pas qu’une liberté entrave une autre. C’est pourquoi l’autorité doit encadrer en trouvant une solution avec les organisateurs pour que chacun des Sénégalais puisse exprimer sa liberté. Le gouvernement a dit de manière claire : voilà l’itinéraire qui est bon et ils ont été d’accord. Malheureusement, sur le terrain, ils ont voulu changer et imposer leur itinéraire. Force est restée à la loi.
Depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, les manifestations de l’opposition et de la société civile sont systématiquement interdites. N’est-ce pas là une manière de restreindre les libertés ?
Non, je ne pense pas. Le ministre de l’Intérieur a récemment donné des chiffres très clairs.
Mais ces chiffres sont contestés par l’opposition et la société civile.
Il faut les contester sur la base de faits. Le ministre de l’Intérieur ne peut pas se mettre à donner des chiffres au hasard. Ce sont des questions factuelles. Ce ne sont pas des questions d’appréciation ou d’explication. Ce sont des faits. Ce sont des chiffres qui peuvent être vérifiés au niveau du ministère de l’Intérieur. Chacun a cette liberté de marcher et d’exprimer librement ses opinions à condition simplement que cette liberté n’entrave pas celle des autres. C’est cela le rôle du gouvernement. Le pays a connu un certain nombre d’évolutions. Notre démocratie a atteint un certain niveau que tous les acteurs, opposition comme majorité, doivent protéger. Il y va de l’image de notre pays et de ses hommes politiques.
Le PDS demande aujourd’hui l’abrogation de l’arrêté Ousmane Ngom. Qu’en pensez-vous ?
Sur cette question, j’ai une appréciation particulière. Quand j’étais candidat à l’ENA en 2011, cette question m’a coûtée une confrontation avec l’ancien préfet de Dakar, Ibrahima Sakho qui était membre du jury. C’est une question de police administrative. Il y a quand même partout dans le monde des lieux protégés. C’est un principe organisationnel. Quand la maturité des uns et des autres aura atteint un certain niveau, je pense qu’il ne coûtera rien au gouvernement de faire disparaître tous ces arrêtés d’encadrement. Mais au point où nous en sommes, je crois que cet arrêté qui a été pris en 2011, et que j’approuvais quand j’étais au PDS, a toujours son importance. Parce que simplement, il faut éviter que par des calculs politiciens, la stabilité de notre pays soit mise en danger. C’est un peu mal venu que d’anciens ministres qui siégeaient au conseil avec Ousmane Ngom et qui ont eu la solidarité gouvernementale sur cette question, puisse aujourd’hui le dénigrer. J’aurais compris que d’autres aient agité la question.
Comment se présentent les rapports de forces à la base ?
Je dois d’abord dire que j’ai été bien admis à l’APR. Parce que ceux qui sont là-bas pour la plupart, nous avons été ensemble au sein du PDS. J’ai été très bien accueilli malgré quelques manipulations de gens extérieurs au parti. Maintenant, je suis arrivé dans le cadre d’une coalition. Il y a la réalité d’un parti qui, en vérité, est majoritaire. Les gens pensent que Kaffrine est un bastion socialiste. Mais cette apparence n’est pas exacte. Sur dix collectivités locales, les sept sont gérées par l’APR, une par l’AFP et deux autres par le PS. Sur les 474 conseillers municipaux et départementaux, l’APR contrôle les 279. Fondamentalement l’APR reste donc la principale force politique dans le département de Kaffrine. Mais malheureusement, au niveau de la communication, on a toujours l’impression que Kaffrine est un bastion socialiste.
L’opposition nourrit des craintes par rapport aux prochaines joutes électorales. Elle dénonce des lenteurs dans la confection des nouvelles cartes d’identité. Y-a-t-il de risques de report des élections de 2017 ?
L’opposition est dans une spéculation permanente. Je pense que le président de la République l’a dit de manière très claire. Les élections auront lieu à date échue. Le calendrier républicain sera respecté. Avant le 29 juin, nous aurons les élections législatives. Le Premier ministre l’a répété à l’Assemblée nationale. Cette carte d’identité à puce est une recommandation de la Cedeao. Cela entre également dans la volonté de mieux gérer la transparence du fichier. Parce qu’en vérité, la carte d’identité et la carte d’électeur mises ensemble, c’est plus commode. Le ministre de l’Intérieur avait quand même pris la précaution : si nous arrivons à terminer le processus avant les élections, nous utiliserons le nouveau fichier. S’il y a des difficultés, nous utiliserons l’ancien fichier. Donc il n’y a pas de difficulté possible à moins qu’on veuille simplement spéculer.