Les députés ont voté hier le projet de loi n°25/2016 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et celle n°26/2016 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale. Si le premier texte a été voté sans grande contradiction, le second a suscité un grand débat lié à la présence de l’avocat, car le gouvernement a voulu modifier le règlement de l’UEMOA. Mais c’était sans compter avec la détermination de Me El Hadj Diouf qui a poussé le Garde des Sceaux à faire un amendement.
Désormais, les avocats peuvent assister leurs clients dès les premières heures de l’interpellation, conformément au règlement de l’Union économique monétaire de l’Ouest africain (UEMOA). Ce règlement relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA stipule à l’article 5 : ‘’les avocats assistent leurs clients, dès leur interpellation, durant l’enquête préliminaire dans les locaux de la police, de la gendarmerie et devant le Parquet’’. Dans le projet soumis aux députés, le Gouvernement proposait la présence de l’avocat dès la garde à vue. Et cette mesure n’était pas étendue aux personnes poursuivies pour actes de terrorisme. Car le texte prévoyait la présence du conseil, après le renouvellement de la garde à vue. Ce qui constitue une violation du règlement, selon les parlementaires qui ont poussé le ministère de la Justice à revoir sa copie.
En effet, après le député Zator Mbaye, Me El Hadj Diouf s’est insurgé contre le fait que le texte parle de garde à vue. ‘’Ce n’est pas parce qu’on est interpellé qu’on est gardé à vue. Une personne peut être entendue et ne pas être gardée à vue. Donc, il y a violation du règlement’’, a fulminé l’avocat parlementaire. Il a rappelé que les textes communautaires sont supérieurs aux textes nationaux et sont d’application immédiate. Il s’y ajoute que le Sénégal n’a pas le droit d’y changer une seule virgule. Poursuivant ses griefs, Me Diouf a laissé entendre que le Gouvernement ne doit pas être obnubilé par le terrorisme, au point de violer les droits de la défense. ‘’La personne accusée de terrorisme est présumé innocente. Il ne faut pas qu’on soit obnubilé, car un rival en colère peut vous accuser de terroriste ; ainsi, vous allez passer 96 heures de garde à vue’’, a lancé la robe noire, plongeant l’hémicycle dans un fou rire.
‘’Le Sénégal ne peut pas faire moins que le Mali et la Guinée’’
Au cours de sa seconde intervention, la robe noire est revenue à la charge pour relever que le règlement ne parle pas d’infraction, mais plutôt de la profession d’avocat. ‘’Le Sénégal ne peut pas faire moins que le Mali et la Guinée’’, a renchéri le député Cheikh Seck. Le président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar a abondé dans le même sens, en soutenant que ‘’l’honneur du Sénégal, c’est d’appliquer le règlement sans le modifier et de ne pas déroger à la règle’’. Face à ces critiques, le Garde des Sceaux a apporté des amendements aux textes. De ce fait, avec le nouveau code, l’assistance de l’avocat intervient dès l’arrestation et même en matière de terrorisme.
En revanche, le gouvernement a campé sur sa position concernant l’augmentation du délai de garde à vue dans le domaine du terrorisme qui passe de 48 heures à 96 heures renouvelables deux fois. Selon les justifications de Me Sidiki Kaba, l’objectif est ‘’de permettre aux enquêteurs de relever des preuves infaillibles et d’éviter des erreurs graves’’. Par contre, la question de l’indemnisation des personnes victimes de longue détention est restée en suspens. Le ministre de la Justice a assuré qu’une réforme sera opérée, lors de la modification du texte sur la Cour suprême, prévue bientôt. Finalement les députés ont voté le texte ainsi que l’amendement à l’unanimité.
Réforme du CCP : ‘’Une protection des dénonciateurs préconisée’’
Le texte relatif à la réforme du Code pénal a aussi été voté à l’unanimité. Majorité et opposition confondues ont salué cette nouvelle réforme qui, selon Omar Sarr, ‘’rendra la justice plus juste’’. Selon l’exposé des motifs, la réforme apporte des modifications au Code pénal par la création de nouvelles incriminations, telles que l’atteinte à la vie privée et à la représentation de la personne par captation d’image ou de son, la mise en danger d’autrui et la fausse alerte. La lutte contre le terrorisme préoccupe beaucoup, puisque les actes en lien avec ce fléau sont désormais incriminés. Il s’agit notamment du recrutement de personnes pour faire un groupe ou pour participer à la commission d’un acte terroriste, de la participation à un groupe terroriste et du recel de terroristes. La fourniture de moyens, l’entente, l’organisation ou la préparation d’actes terroristes sont réprimés, de même que la dénonciation. A propos de la dénonciation, la présidente du groupe parlementaire ‘’Libéraux et démocrates’’, Aïda Mbodj, a invité le Gouvernement à prévoir une disposition pour protéger les dénonciateurs.