Face aux députés de la douzième législature, après-demain jeudi 27 octobre, le Premier ministre devra apporter des réponses sur l’affaire Petro-Tim, la campagne agricole 2016-2017, les exonérations fiscales et douanières, et le respect des libertés, entre autres questions d’actualité.
Le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne fera face aux députés de la douzième législature, après-demain jeudi 27 octobre, dans le cadre des ‘’questions d’actualité’’ posées au gouvernement. Ce face-à-face avec la représentation nationale intervient dans un contexte politique tendu dont le point de crispation est le débat sur les contrats pétroliers et gaziers signés entre l’Etat du Sénégal et Petro-Tim Ltd.
La bombe Pétro-Tim
Dans ce débat qui a fini de polluer l’atmosphère politique sénégalaise, le nom du frère du président de la République Aliou Sall revient très souvent, au même titre que celui de Frank Timis, patron de la société incriminée par l’opposition et une partie de la société civile qui suspectent une nébuleuse dans l’octroi des permis d’exploration du pétrole et du gaz. Et depuis, les manœuvres d’intimidation et les accusations se multiplient. La plus récente est la sortie musclée de l’ancien Premier ministre. Abdoul Mbaye, dans une deuxième lettre adressée au Président Macky Sall, attire l’attention du chef de l’Etat sur des faits qui sont, selon lui, ‘’d’une gravité extrême’’, et qui exigent qu’il fasse diligenter des enquêtes urgentes, tant administratives que judiciaires, pour assurer la sauvegarde des intérêts de la nation et le respect de notre Constitution.
L’ancien chef du gouvernement relève dans les deux décrets pris par le président de la République et contresignés par lui-même des ‘’inexactitudes d’une extrême gravité’’. Il laisse ainsi supposer que ce sont bien des ‘’décrets corrompus’’ par de fausses informations qui ont été signés, et qui appellent donc enquêtes, recherches de responsabilités, sanctions exemplaires et réparation des préjudices subis par la nation sénégalaise, dans le cadre de l’attribution de ces deux blocs.
A en croire l’ancien PM, ‘’Petro-Tim Limited, créée le 19/01/2012 (soit 2 jours après la signature des contrats CRPP ayant eu lieu le 17/01/2012) dans les Iles Cayman sous le numéro 265741 avec un capital de 50 000 US$ (25 000 000 F CFA), est la société signataire des Contrats de recherche et de partage de production d’hydrocarbures (CRPP) conclus avec l’État du Sénégal et la Société des pétroles du Sénégal (PETROSEN)’’. Selon lui, ‘’elle ne pouvait par conséquent respecter les critères fixés par la loi sénégalaise, laquelle exige des bénéficiaires de permis de recherche une expérience avérée dans la recherche et la prospection telle que le stipule l’article 8 de la Loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant Code Pétrolier qui dit : ‘’Nul ne peut être titulaire d’un titre minier d’hydrocarbures ou d’un contrat de services : s’il ne justifie des capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les opérations pétrolières.’’
Or, souligne-t-il, ‘’PetroAsia Resources Limited n’est pas un groupe de sociétés, mais une société au capital de 5 000 000 F CFA. Elle n’est pas contrôlée par des investisseurs, mais par un individu qui en est l’unique actionnaire et n’est pas doté d’une expérience avérée et réussie dans le secteur de l’Energie et notamment dans l’Exploration-Production des Hydrocarbures.’’
Ces ‘’inexactitudes’’ relevées par l’ancien Premier ministre viennent ainsi ajouter à la polémique qui exige aujourd’hui des tenants du pouvoir, des réponses pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne va sûrement apporter des éclairages à toutes ces révélations.
Anarchie dans les exonérations fiscales et douanières
Le débat national reste également dominé par la question des exonérations fiscales et douanières faites au profit de certaines entreprises. Celles-ci font souvent l’objet d’une vaste fraude financière qui fait perdre à l’Etat du Sénégal une manne financière de près de 500 milliards de F CFA par an, d’après des acteurs du secteur. Au Sénégal, malgré tout le dispositif judiciaire qui régit ces exonérations fiscales et douanières, les gens trouvent toujours les moyens de contourner le système, faisant perdre du coup beaucoup de recettes à l’Etat. D’où aujourd’hui l’urgence de sécuriser davantage le système et de rationaliser les entreprises qui bénéficient de ces exonérations fiscales et douanières et qui en abusent souvent.
Inquiétudes dans la campagne agricole
Outre ces sujets susmentionnés, la campagne agricole devrait occuper une bonne place du débat entre le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne et les parlementaires. Déjà avec les irrégularités notées dans la pluviométrie surtout vers la fin de l’hivernage, certaines voix autorisées demandent à l’Etat de prendre les dispositions nécessaires pour assister les paysans en vivres de soudure, parce qu’ils en auront bientôt besoin. Il y a aussi la question du niveau des récoltes qui soulève des inquiétudes, si l’on sait que l’excellent taux de croissance de 6,5% de cette année a été porté par les rendements agricoles records de l’année dernière. Dans ce sens, le PM devrait également renseigner sur Sonacos S.A et son rôle dans la relance de la filière arachidière. Il s’y s’ajoute les problèmes notés dans la distribution et dans la qualité des semences et autres intrants agricoles alloués aux paysans.
Les libertés de manifester en question
Dans les débats entre l’actuel chef du gouvernement et les représentants du peuple, la question du respect des libertés risque de se poser, surtout avec la dernière marche réprimée de l’opposition. Celle-ci regroupée autour du Front pour la défense du Sénégal/Manko wattu Senegaal (Fds/Mws) déplore d’ailleurs, depuis l’avènement de Macky Sall au pouvoir, une restriction des libertés avec les marches de protestations pacifiques qui sont systématiquement refusées. Malgré les éléments de réponse apportés tout récemment par le président de la République, au cours de sa tournée économique, l’opposition reste figée dans ses positions. Avec la constitution de leur groupe parlementaire désormais conduit par Aïda Mbodj, c’est fort probable que les libéraux et leurs alliés mettent la question sur la table pour avoir des éléments de réponse du gouvernement. Quoi qu’il en soit, les débats sont partis pour être tendus entre le Premier ministre son gouvernement et les représentants du peuple.