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Entretien avec l’auteur du rapport sur le Djihad : Bakary Samb déradicalise le débat
Publié le mardi 25 octobre 2016  |  Le Quotidien
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© aDakar.com par DF
La Raddho a tenu un point de presse sur la situation qui prévaut dans la Bande de Gaza
Dakar, le 23 Juillet 2014- La Rencontre Africaine de Défense des Droits de l`Homme a organisé une conférence pour s`exprimer sur la situation chaotique dans la Bande de Gaza. Photo: Dr Bakary Samb, spécialiste du monde musulman




Dr Bakary Sambe, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux au Centre d’études des religions à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et directeur exécutif de Timbuktu Institute, revient sur le rapport sur les facteurs de radicalisation et de perception du terrorisme chez les jeunes. Dans cet entretien, il revient sur les polémiques qui l‘ont escorté, dissèque les chiffres et fait une évaluation de la situation.

Il y a eu une levée de boucliers après la publication de votre rapport, comment l’avez-vous gérée ?
Vous savez quand on veut faire œuvre de science, on ne gère pas les passions, ni les partis pris, ni les subjectivités. Ce qui m’intéressait dans ce rapport, c’était de tâter le pouls et voir l’état de la jeunesse par rapport à une question importante aujourd’hui, qui n’épargne aucun pays. J’ai été surpris un peu par la tournure que les évènements ont prise. Parce qu’il y avait dans ce rapport des tendances rassurantes, qui pourraient inspirer une sage prise de décisions pour l’élaboration de politiques publiques efficaces. A titre d’exemple, 93% des jeunes de la banlieue n’ont pas l’intention de s’engager dans un groupe radical, 76,7% parmi eux se mobiliseraient pour convaincre l’une de leur connaissance qui déciderait de s’engager dans un groupe extrémiste à abandonner. Quand on regarde tout cela, à travers un travail que nous avons voulu plus scientifique que possible, avec une enquête du 1er au 7 juillet 2016 grâce à un questionnaire Cap (Connaissance, attitude et pratique). Et chaque questionnaire avait 40 questions, c’est-à-dire pour nous l’exercice c’était dans la logique d’une étude de perception voir quel est le degré de connaissance de ce phénomène chez les jeunes ? Quelles étaient leurs attitudes ? Quel était probablement leur plan de travail ? L’objectif du travail, c’était de contribuer à comprendre les facteurs conduisant à la radicalisation des jeunes et à évaluer ce qu’ils pensent du phénomène terroriste qui existe afin d’aider nos autorités à prendre des mesures idoines de prévention. Qui dit prévention dit forcément anticipation. C’est seulement dans cet esprit que s’inscrivait ma démarche. C’est pour que véritablement on arrive à mieux connaitre l’état d’esprit de notre jeunesse. Loin de moi tout esprit de stigmatisation, une volonté d’être alarmiste. C’était dans ce but que cette enquête a été menée par 25 enquêteurs qui ont au minimum la licence, mobilisés pour intervenir dans la banlieue. J’ai été frappé par la non-prise en compte d’aspects positifs encourageants tels que me le confient certains spécialistes de la sécurité. 89,7% des jeunes Sénégalais de la banlieue, âgés de 18 à 35 ans, estiment que les confréries au Sénégal représentent l’Islam. Pour 63,7% de ces jeunes les messages des confréries leur conviennent parfaitement. Il faut noter pour ces jeunes-là, le Sénégal peut compter sur cet islam pacifique incarné par nos ancêtres. Il y a eu dans la presse des chiffres qui ont été manipulés. Dans le rapport, on a dit que pour 45% des jeunes interrogés, la cause de l’engagement des jeunes dans ce mouvement c’est la pauvreté et le chômage. Il y a des gens inconscients qui ont dit que Timbuktu Institute estime que 45% des jeunes vont s’engager dans les groupes Djihadistes. De l’autre côté, ce qui nous intéressait c’était le fait d’écouter les jeunes et de recueillir leurs réponses. On parle beaucoup des jeunes mais c’était la première étude qui est allée les écouter. On les a interrogés sur le chômage, 35% sont sans aucune activité rémunératrice, plus de 60% se disent être dans des activités indépendantes, des activités précaires. C’est très normal de rendre compte une telle angoisse existentielle habitant une jeunesse. Et dans la situation internationale aujourd’hui, il serait même irresponsable qu’un institut comme le nôtre ne puisse pas aller jauger, aller sur le terrain et ne rester que sur des suppositions. Les statistiques sont les mathématiques de la décision, l’institut Timbuktu s’est inscrit dans cet esprit. L’esprit selon lequel, on doit de plus en plus décloisonner deux mondes qui sont étanchéistes. On a décloisonné le monde de la production de la connaissance et le monde de la prise de décision. Notre institut s’inscrit parfaitement dans cet esprit afin d’accompagner l‘autorité publique, les décisions qui sont prises. Et il y a eu des précédents, j’ai rédigé un article en 2011 en parlant de la dualité du système éducatif, l’article était intitulé : «Les arabisants sénégalais une élite frustrée à l’heure du changement politique». L’article avait été choisi par les arabisants pour formuler des revendications, qui ont abouti après l’élection de Macky Sall à la création du baccalauréat arabe unique et à la réouverture de la section arabe de l’Ena. Un exemple d’actions menées par des Tink tank comme le nôtre qui a préféré lui-même aller sur le terrain produire des études. Parce que si nous ne contrôlons pas la pensée sur nous même, elle va être produite ailleurs avec d’autres agendas. Nous avons voulu un agenda de la production de connaissance, de la prise de décision, c’est pour cela que nous avons fait cette étude. Loin de nous tout esprit de pyromane, de vouloir semer la zizanie dans ce pays. Nous avons une conscience assez suffisante de l’intérêt supérieur du Sénégal pour lequel nous œuvrons tous les jours dans le domaine de l’éducation, à l’université mais aussi ici où nous avons formé des jeunes gracieusement sur les métiers de la paix, de la médiation. Il faudrait savoir raison garder même si il y a des chiffres qui dérangent notamment sur le rejet catégorique des jeunes par rapport aux hommes politiques. Parce que l’étude dit que l’homme politique le plus proche qui est le maire n’est crédité que 0,7% de taux de confiance. Cela montre qu’il y a une angoisse et que les jeunes sont en demande d’une prise en charge réelle par l’éducation, la formation professionnelle. Ces questions-là sont beaucoup plus urgentes que les autres formes de polémiques inutiles. On doit se concentrer sur l’essentiel.

Est-ce que vous avez été contacté par les autorités pour la prise en charge ou le suivi de ces 25 jeunes qui peuvent être radicalisés ?
J’ai essayé de prendre contact avec les autorités avant la publication du rapport en vain. Mais je suis sûr qu’elles étaient occupées, il y avait l’agenda gouvernemental qui devait être chargé. Je crois à la bonne foi des autorités sénégalaises dans la prise en charge de cette question de la radicalisation. Si on s’en tient aux déclarations du président de la République, si l’on s’en tient aux initiatives au niveau du ministère de l’Intérieur et à la participation du Sénégal dans beaucoup de réunions, de conférence sur ces thématiques. Je crois aussi à la prise de mesures nécessaires, je crois surtout à la capacité de nos forces de sécurité et de défense à prendre à bras le corps ce phénomène en matière d’anticipation, de renseignement et surtout d’organisation. Maintenant l’institut n’est pas là pour s’opposer à ce que fait le gouvernement ou ce que fait l’Etat, il est là pour accompagner les prises de décisions, donner son avis. D’ailleurs après la publication du rapport, nous avons fait un rapport circonstancié envoyé au président de la République avec un exemplaire du rapport, avec le résumé des tendances rassurantes, inquiétantes. Nous avons fait la même chose avec le Premier ministre, idem avec le ministre de l’Intérieur. Nous sommes à la disposition des autorités, de la société civile mais aussi de la population d’une manière générale pour que ce problème complexe qui n’a pas encore de solution définitive et durable puisse être abordé avec la plus grande sérénité. Il faut que les gens soient sereins, il y a des questions qu’il ne faut jamais politiser, les questions de sécurité, les questions d’intérêt supérieur, il s’agit de questions vitales pour l’intérêt national, la stabilité et notre cohésion sociale qu’on nous envie dans d’autres pays. Nous sommes dans cet esprit «d’inclusivité», dans cet esprit de vouloir régler les problèmes, de suggérer des solutions mais pas du tout dans un esprit de dissension et de polémiques stériles auxquelles je ne répondrai pas. Une étude ne peut pas être contestée par une déclaration. Une étude ne peut être contestée que par une contre-étude ou contre-expertise. Je serai très heureux si des études étaient lancées dans ce domaine-là parce que ça permettrait encore de mieux comprendre ce phénomène.

Dans les recommandations, vous avez parlé de résorber le chômage des jeunes, quel est le profil des gens interrogés ?
Nous avons mené cette enquête en nous appuyant sur un échantillon représentatif à partir du dernier recensement de la population en respectant la quotité hommes-femmes, les catégories socioprofessionnelles avec l’aide de statisticiens démographes en élaborant ce questionnaire. On a touché à beaucoup de catégories socioprofessionnelles. Nous avons parmi les sondés 2,7% qui sont des chefs d’entreprises, 23% d’indépendants, 12% de domestiques, de rares cadres moyens, 9,3% d’ouvriers employés ou non qualifiés, 13% d’ouvriers qualifiés, 2% d’apprentis, agents de maitrise malheureusement 36%. Je pense que c’est là où se trouve le cœur du problème et c’est là où il faut agir, parce que vous savez pour lutter contre le terrorisme, vous avez 3 types de solutions. Les solutions à court terme : ce sont les solutions sécuritaire, militaire, policière et ça n’a jamais résolu le problème nulle part, on l’a vu en Afghanistan, au Nord du Mali, au Nigéria. Vous avez les solutions au moyen terme : c’est le développement, l’inclusion sociale, l’intégration des jeunes, l’emploi etc. Il y a aussi les solutions à long terme, la prévention par l’éducation, l’inclusion sociale. Ce sont des choses sur lesquelles notre institut va travailler. Nous avons développé le concept d’auto-réhabilitation par inclusion sociale. Nous avons travaillé avec des jeunes qui avaient certaines idées, certaines orientations. Il suffisait seulement de les réhabiliter socialement, de les encadrer pour qu’ils trouvent leur chemin. Certains poursuivent leurs études, d’autres sont complètement réintégrés. C’est ce type de travail que nous faisons dans le silence et que nous voulons poursuivre avec l’Etat, les partenaires internationaux, la société civile. Au mois de novembre nous allons lancer le programme «Education for peace» avec l’ambassade des Etats unis. Nous irons dans les établissements scolaires parler aux jeunes, les écouter, essayer de les faire travailler sur les discours de paix, d’apaisement social pour que ce luxe que nous avons au Sénégal c’est-à-dire la paix sociale soit préservée. Ce sont là des questions d’avenir, et quand on s’occupe de perspectives d’avenir on n’a pas le temps de petites querelles temporaires. Cela n’aide en rien d’élever le débat, c’est un débat scientifique qui nous intéresse au plus haut niveau dans le sens de trouver une solution à un problème complexe, auquel même les pays les plus développés n’ont pas trouvé de solution. Ces problèmes sont en grande mutation, il faut multiplier ces études. J’ai fait la première étude en 2013 intitulée «Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal», à l’époque c’était la même polémique, le même tollé mais on a vu depuis la réalité s’est invitée avec ce que vous avez vu sur le plan sécuritaire, les différentes arrestations etc. Il ne faut pas tomber dans le déni. Deux ans avant la crise malienne, il y avait des gens au Mali qui disaient que ce n’était pas possible que ça arrive là-bas. Que Dieu préserve le Sénégal, nous avons des ressorts, les chefs religieux qui sont crédités d’un taux de confiance assez important alors que les mouvements anti-confrériques se réclamant du salafisme ou du wahhabisme représentent entre 3 et 4%. Ces mouvements-là développent ces derniers temps un discours d’apaisement, d’appel à la raison, de paix. De sorte qu’aujourd’hui le schéma imaginé par Timbuktu Institute est d’élaborer un cadre inclusif de prévention s’appuyant sur les capacités de résilience des communautés elles-mêmes et toutes les communautés religieuses (confréries, mouvement islamique, société civile, les femmes, les jeunes) pour que le problème soit véritablement traité sérieusement pour que la paix sociale puisse régner dans ce pays.

Dans votre rapport, vous avez relevé la féminisation de la radicalisation, selon vous qu’est-ce qui explique cette tendance ?
Il y a la piste de la précarité qui peut être une bonne piste. C’est aussi, je crois des femmes sans aucune qualification, sans profession bien déterminée. Ça a été un choc et un changement pour nous parce que jusqu’ici les femmes étaient présentées comme des victimes de la radicalisation et de l’extrémisme mais de plus en plus elles deviennent des actrices. Mais, je les considère toujours comme des victimes. Hier elles étaient les premières victimes de l’extrémisme religieux, les Etats ont attendu que ça devienne un enjeu sécuritaire pour qu’ils s’en occupent réellement. Aujourd’hui, elles sont victimes parfois de leur ignorance, parfois d’un manque de formation, d’une forme de domination et d’endoctrinement. Je crois que les femmes en même temps victimes, elles sont aussi la solution, dans le cadre de l’éducation, de la prise en charge des plus jeunes, de notre projet l’éducation pour la paix, il y a un volet intitulé maman pour la paix. Les mamans vont s’impliquer avec nous dans le cadre de ce projet pour tenir une parole de sagesse, une parole d’apaisement à l’égard de ces jeunes pour que le phénomène ne prenne pas plus d’ampleur dans ce pays.

L’islam confrérique a toujours protégé notre pays de certaines dérives, on note que depuis 2000 la donne est en train de changer lentement. Qu’est-ce qui explique cela ?
Il y a une évolution des confréries et de notre jeunesse, nous sommes dans un schéma d’un islam certes local mais à l’heure des appartenances mondialisées. Le discours des confréries et un discours de paix et d’apaisement. Le travail est en train d’être fait, il y a des gens comme Abdou Mbacké Madialiss du côté de Touba et Serigne Cheikh Tidiane Sy, fils d’Abdoul Aziz Al Amine qui a organisé l’année dernière un colloque sur la radicalisation à la veille du Gamou. Ces jeunes sont en train de diffuser ce message de paix pour que la transmission aux nouvelles générations soit beaucoup plus aisée. Ils sont en train de travailler sur l’internet, des sites assez intéressants sur les communautés religieuses sont en train de faire un travail. Mais il faut continuer dans ce travail didactique parce que nous sommes dans un monde globalisé où circulent des offres spirituelles, culturelles, économiques. Il faut diffuser notre offre, cet héritage de l’islam de paix, l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, El Hadj Abdoulaye Niasse, Mame Limamou Laye et tant d’autres. Si cette offre-là n’est pas correctement positionnée, il y a de forts risques que nos jeunes aillent consommer d’autres offres à travers l’internet avec la médiatisation à outrance de certaines idéologies. Je crois que les confréries arrivent à maintenir la situation d’apaisement avec un discours rassurant qui satisfait encore les jeunes à des taux autour de 70%. Des jeunes se réclament appartenant à une confrérie à un taux de 95%. Maintenant, il reste une forme d’adaptation du message aux nouveaux canevas de communication moderne tel qu’Internet. Il faut que nos chefs religieux investissent ces canaux de communication pour que leur message puisse être perpétué.

Surtout que les réseaux djihadistes investissent ce créneau aujourd’hui ?
Le point fort du salafisme dans la communication, c’est qu’il utilise la modernité technologique, les moyens de communication modernes pour mieux combattre la modernité sociale. On l’a vu, c’est ce que j’appelle ce paradoxe de l’élitisation de l’extrémisme. Ce ne sont pas seulement des ignorants mais des gens qui sont en quête de sens, en quête de spiritualité, de sorte que si nous n’arrivons pas à trouver des réponses à ces jeunes-là, ils vont aller s’inspirer d’autres modèles. Ce qui serait dommageable pour cet héritage de paix et de spiritualité.

Est-ce que la politisation de l’espace religieux n’est pas à l’origine de cette érosion de la confiance de certains jeunes envers les chefs religieux ?
J’ai toujours défendu l’idée selon laquelle les confréries sont un rempart contre le danger de l’extrémisme violent, si les confréries arrivent à sortir de l’image qu’on leur donne souvent en accointance toujours répétitive avec tous les régimes politiques qui passent, elles ont un travail de socialisation très important. Si les confréries arrivent à rendre didactique leur message et l’adapter aux nouveaux canevas de la communication moderne. Il faut ces deux conditions, parce que si les confréries continuent à être perçues par les jeunes comme étant aux soldes du pouvoir politique où se mêlant de la chose politique, elles vont finir par être confondues au système. Or dans cette configuration, il arrive qu’on les rejette. C’est à ce danger-là qu’il faut parer. Dans les confréries aussi, il y a un mouvement de réforme, de réflexion profonde. Un travail important est en train d’être fait à travers l’internet, des portails spirituels confrériques qui sont en train de s’adapter à la nouvelle réalité qui est l’investissement des réseaux sociaux.

La dualité de l’offre éducative est-ce quelque chose d’assez compliquée pour notre système social ?
La recommandation la plus importante formulée dans ce rapport, c’est que notre Etat donne toute leur place à ces élites arabophones, facilite leur insertion. Il faut trouver une solution pour ces élites diplômées d’université, spécialisées dans plusieurs domaines et qui n’arrivent pas à s’insérer à cause de la barrière linguistique. La langue officielle étant le français, des efforts ont été faits avec l’instauration du Bac arabe, la réouverture de la section arabe de l’Ena, mais je pense qu’il faut aller plus loin. Je pense à une initiative qui va au-delà du Bac arabe. C’est bien d’avoir un Bac arabe unifié parce qu’avant on pouvait passer plusieurs Bac arabe à Dakar avec des curriculums que nous ne contrôlions pas. Par la grâce de Dieu, nous avons un baccalauréat arabe avec un curriculum sénégalais fait par des Sénégalais. Mais la question n’est pas résolue, parce qu’une fois que ces jeunes obtiennent le Bac arabe, ils n’ont pas beaucoup de choix sinon aller au département d’Arabe ou bien Etudes islamiques. Il faut aller plus loin, il faudrait que l’Etat avec ses partenaires essayent de mettre en place des dispositifs permettant à nos bacheliers arabes, d’être capacités en langue française, suffisamment capacités pour qu’ils puissent suivre à l’université n’importe quelle filière, le droit, l’économie pour que nous puissions former des citoyens sénégalais avec un curriculum unifié. Et que l’école sénégalaise puisse bénéficier de tous ces apports, de tous ces héritages (africain, arabo-islamique, occidental). Je ne crois pas que c’est dans l’opposition des héritages que nous allons régler nos problèmes mais dans la conjugaison des héritages. C’est dans la conjugaison des accords que l’homo Senegalensis dont on parle avec la citoyenneté modèle pourra enfin émerger.

Dans votre étude, vous soulignez que selon certains jeunes la présence militaire étrangère constituerait une menace, en quoi pourrait-t-elle l’être ?
C’est une étude de perception, Timbuktu Institute n’affirme ni infirme, il rend compte d’opinions, données, formulées par des jeunes à travers un questionnaire ouvert. Les jeunes sont assez partagés sur la question il y a environ 48,3 % qui pensent que la présence militaire étrangère peut constituer un facteur de risque pour le pays. Dans cette perception, là on voit que c’est de la même manière que les jeunes sont partagés parce que quand il s’agit d’apprécier l’efficacité des mesures prises par l’Etat pour combattre le terrorisme ils sont 49% à dire que les mesures de l’Etat sont efficaces. Il y a aussi une surprise du point de vue des institutions auxquelles ils font confiance pour la résolution de la crise au Sahel, on positionne les Nations unies à hauteur de 35%, l’Union européenne environ 4% de taux de confiance, derrière la Chine et l’Arabie Saoudite et les pays du Golf.

Pourquoi le choix de la banlieue pour mener une telle étude ?
Certains ont dit qu’avec ce choix nous étions en train de stigmatiser la banlieue, loin de nous cette idée. Au contraire, je dis chapeau à ces jeunes, je suis impressionné par ces derniers. Etant dans une situation de précarité, de chômage, d’enclavement, d’absence de perspective, et rejetant à 90,3% l’engagement dans un groupe Djihadiste, l’extrémisme. Loin de moi toutes formes de stigmatisation de ces jeunes de la banlieue qui ont cette forme de lucidité, des opinions très claires sur un phénomène assez complexe et en répondant calmement, avec honnêteté sur le chômage, la précarité etc. Nous avons choisi la banlieue parce que ça fait un moment qu’on en parle, des quartiers ont été évoqués, nous avons voulu tâter le pouls pour voir. Pour nous ce qui était plus important c’est surtout ce que les jeunes ont dit à Timbuktu et qu’il a voulu transmettre aux autorités. Le Sénégal a cette chance de demeurer dans un ilot de stabilité dans un océan d’instabilité qui est la région Ouest africaine, grâce à des acquis considérables, des chefs confrériques, des mouvements islamiques qui de plus en plus produisent un discours de paix et qui veulent même s’impliquer dans la prévention de la radicalisation et l’engagement de la société civile. Et surtout un système éducatif qui fonctionne bien. Pour demeurer cet ilot de stabilité, il faut qu’on préserve ces acquis et que le Sénégal ne suive pas un chemin va-t-en guerre du terrorisme, qu’on mise sur la force de nos résiliences communautaires qu’on est en train de construire. Et qui apparemment fonctionne et que les partenaires au développement comprennent que les mesures strictement sécuritaires ont montré leur limite en Afghanistan, au Mali. On ne peut pas vaincre une idéologie par une kalachnikov, ni par un code pénal. Nous sommes dans une région où l’achat d’un char de combat vieux modèle coûte plus cher que la construction d’une école. Le choix doit être vite fait, entre la prévention aujourd’hui avec un système éducatif performant et lutter contre les inégalités sociales dans la prévention de tous ces phénomènes, ou bien attendre que ça arrive. Les interventions militaires ont toujours eu des effets non-souhaitables, elles ont même aggravé le phénomène de la radicalisation.

Est-ce que ces jeunes radicalisés doivent bénéficier d’une politique de déradicalisation ?
Beaucoup parlent de déradicalisation, je n’aime pas le mot, ça a été forgé ailleurs et il ne faut pas qu’on accepte qu’on nous l’impose. Nous travaillons sur le concept d’auto-réhabilitation par inclusion sociale. Ces jeunes-là autant les conditions sociales sont dures, les conditions économiques sont dures mais ce sont des jeunes courageux ambitieux qui veulent travailler servir leur pays et s’intégrer. Ils ne sont pas dans une forme de rejet de leurs pays, ils sont dans un ardent désir d’inclusion et d’intégration il faut les aider sur ce chemin-là.
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