C’est en marge de la tournée économique du président de la République qui l’a conduit à Kaolack, Kaffrine, Koungheul et Tambacounda que le Secrétaire d’Etat en charge de la mise en œuvre et du suivi du PUDC s’est prêté aux questions de EnQuête. Selon Souleymane Jules Diop, loin du débat politicien des cités urbaines, le Gouvernement est en train de transformer le monde rural pour booster l’économie du pays.
Le président de la République vient de boucler une tournée économique qui l’a conduit à Kaolack, Kaffrine et Tambacounda. Quel bilan faites-vous de ce périple ?
Il est allé à la rencontre du pays profond, de ce que Senghor appelait, le Sénégal des profondeurs, et qui a été oublié par toutes les politiques publiques menées jusqu’ici. Il s’agit de la majorité de la population, 57%, touchée par la pauvreté dans les mêmes proportions. Le marqueur de ce régime, son ADN, c’est le libéralisme solidaire.
Pouvez-vous être plus clair?
Vous savez, pendant plus de 50 ans et même plus de 5 siècles si on y ajoute la colonisation et l’établissement des premiers comptoirs, nous avons oublié le monde rural alors qu’il représente la majorité réelle, qui n’a pas accès aux routes, à l’eau potable, aux écoles, aux hôpitaux au même titre que les citoyens des centres urbains. Le seul moyen pour eux d’échapper à la pauvreté était l’exode. Les masses paysannes, pour 60% de la population active, contribuent pour moins de 10% des richesses. Parce que ces gens sont pauvres, parce qu’ils travaillent trois mois sur douze, parce qu’ils n’ont pas accès aux infrastructures et parce que leur activité n’est pas assez autonomisée, assez développée, assez mécanisée. Il n’y a pas une technicité suffisante pour pouvoir en tirer le maximum de richesses. Mais aussi ce qu’on appelle les chaînes de valeurs. C’est-à-dire quand on produit, on achemine vers les routes, vers les marchés et vers les centres.
Donc il faut faire des pistes rurales pour acheminer la production. Une fois que la production est acheminée, il faut des circuits de transformation. Ce sont les matériels agricoles, les décortiqueuses, les entrepôts de stockage, les séchoirs, c’est l’agro-industrie pour les produits finis. Evidemment en amont, il y a eu les machines agricoles, les tracteurs, etc. Le Premier ministre met bien en évidence le fait que nous exportons du coton et nous importons du tissu. C’est bien cela le problème à régler.
Il y a également un programme spécial qui s’appelle PUMAF pour les agglomérations frontalières. Puisque nos frontières, nous les avions oubliées. Vous allez dans des zones de la frontière gambienne où des Sénégalais vont à l’école gambienne et échangent le dalasis. Quand vous venez ici par exemple (l’interview a été réalisé à Laboya dans la région de Tambacounda), vous n’avez pas le réseau. Il n’y avait pas d’école, il n’y avait pas de police ni de gendarmerie encore moins de douane. Il n’y avait essentiellement rien. Vous voyez les pistes que nous traversons. Je trouve qu’on n’a pas assez fait. Nous avons oublié notre pays. Donc il faut créer les conditions d’une production agricole suffisante pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
En quoi faisant, selon vous ?
Nous venons d’inaugurer un forage multi villages. Ce forage a coûté à lui seul 230 millions de francs CFA. Nous sommes en train de faire 200 forages et nous en avons déjà fait 127. Juste pour les forages dans la zone de Kédougou, nous en avons fait 60 avec le génie militaire. Nous avons visité des bananeraies dans lesquelles le président de la République a décidé, in situ, de mettre deux milliards et demi. Cela veut dire plus de 2 000 emplois créés, des milliards en exportation. Cela est fait parce qu’il y a une maîtrise de l’eau à travers les ouvrages. Nous en avons fait juste 200 dans le cadre du PUDC. Il y a un programme de 50 milliards avec la Chine déjà ficelé.
Nous allons faire de l’électrification rurale. Parce que pour transformer, il faut une maîtrise de l’énergie. Nous allons électrifier plus de 450 villages parce qu’il y a des zones où les lignes de la Senelec n’arrivent pas et où il faut utiliser du solaire. Nous allons le faire dans 150 villages. Il y a déjà un programme de 2 000 villages à électrifier avec l’Aser et la Senelec grâce à un financement trouvé dans le cadre de la recherche de financements innovants. Donc il y a des choses extraordinaires qui sont en train d’être faites. C’est ce qui a permis aujourd’hui de faire que quand vous allez dans le bassin arachidier comme à Nioro ou à Kaffrine, on cultive du riz et nous allons bientôt atteindre l’autosuffisance dans ce domaine.
Au-delà de l’aspect économique de cette visite, on a vu le président de la République communier avec les populations. Quel impact cela peut avoir sur les orientations de sa politique ?
Je l’appelle le Sénégal réel qui n’est pas le Sénégal virtuel des débats sur internet, qui n’est pas le Sénégal des médias ou le Sénégal virtuel de quelques personnes qui ne connaissent pas le pays, qui n’ont jamais marché, pas même pour aller à l’école. Ils se débattent en costume cravate, entre deux avions et deux séjours dans des hôtels parisiens, new-yorkais, dans des débats complètement futiles à Dakar. Encore une fois, nous avons un pays qui a énormément de potentialités. Si nous allions vers Kédougou, vous auriez vu les mines d’or, tout ce qu’on a comme marbre, comme fer. Et tout cela reste à être exploité.
Est-ce que toutes ces potentialités dont vous parlez profitent aux populations ?
La croissance, c’est la résultante de l’activité économique. C'est vrai, les gens disent que ça ne se mange pas. Mais elle est tout de même la résultante d’un accroissement de l’activité économique qui génère de l’emploi, qui génère un salaire qui, à son tour, occasionne une augmentation du pouvoir d’achat. Les populations rurales deviennent des gens qui ont un potentiel économique qui est plus grand et plus élevé. Aujourd’hui, ce que nous sommes en train de faire, notamment dans le cadre du PUDC, c’est l’expérience de villages pilotes, donc qui agrègent l’activité économique autour de grands centres. Le forage de Saré Bamol desserre 7 villages environnants et ce sont des centaines de kilomètres de tuyauterie à travers les zones que nous avons visitées. Cela, ce n’est qu’ici. Quand vous allez dans la région nord, nous avons mis, juste avec le PUDC, treize moissonneuses batteuses. Cela permet d’aller vite dans la récolte et la transformation. Cela permet également de libérer les champs pour la culture de contre-saison qui, aujourd’hui, permet à elle seule de faire 300 000 tonnes de riz. C’était notre production totale en 2 000. C’est cela la réalité.
Le président, depuis Koungheul, a appelé à une interaction entre le PNUD et les différents ministères qui interviennent dans le cadre du PUDC. Y-a-t-il des problèmes entre ces institutions ?
En réalité, le PUDC est l’expérience d’une transversalité dans l’exécution des programmes autour de grappes d’actions prioritaires. C’est-à-dire qu’en même temps, au même moment où nous faisons de l’électrification, des pistes, nous faisons de la distribution de matériels agricoles, de la mécanisation avec les moissonneuses batteuses et les tracteurs. Mais nous faisons aussi de l’encadrement des populations rurales. En même temps, nous travaillons avec les organismes de financement pour financer l’activité agricole. Ce sont des grappes d’actions que nous faisons simultanément pour faire en un an ce que d’autres n’ont pas fait en soixante ans. Samedi (Ndlr aujourd’hui), le président de la République inaugure la centrale solaire la plus importante jamais réalisée en Afrique de l’Ouest. Début 2017, nous aurons doublé la capacité de production d’énergie, je dis bien, en quatre ans, doubler ce qui a été fait depuis 1960.
Parlons un peu de politique avec la dernière sortie du président de la République sur la marche réprimée de l’opposition. N’avez-vous pas l’impression que Macky Sall brandit la carotte et le bâton quand il soutient qu’il ne saurait laisser le désordre régner dans le pays et dans le même temps dire que ce qui s’est passé avec l’opposition est un simple quiproquo ?
Moi j’ai entendu un homme généreux parler. J’ai vu un président de la République s’élever au-dessus des conjectures mais surtout de la classe politique. Il a parlé en homme d’Etat en parlant même de malentendu, assurant qu’il sera le garant des libertés fondamentales, en disant : ‘’je garantis les libertés, elles ne sont pas menacées. Je me porte garant du respect des libertés fondamentales, notamment la liberté d’association, la liberté de manifestation’’. J’ai vu aussi un chef de l’Etat qui a la responsabilité de veiller sur la stabilité et la sécurité du pays en disant : ‘’ces libertés sont encadrées et normées. Il faut respecter les normes’’. Parce que si vous voulez marcher, il y a une enquête de sécurité qui se fait, surtout dans un contexte de terrorisme. Ce n’est pas seulement la sécurité des personnes qui circulent mais la sécurité même des opposants. Il faut savoir où ils passent, pour veiller à leur sécurité. Quand l’autorité dit : ‘’prenez tel itinéraire’’ et demande à la police et à la gendarmerie de vous encadrer, si vous allez ailleurs, si un chef de l’opposition se fait agresser par exemple, la responsabilité revient à l’Etat qui doit veiller à leur sécurité. Donc, très franchement, il faut savoir qui a provoqué qui.
Qu’est-ce qui a dérangé l’autorité dans l’itinéraire initialement choisi par l’opposition ?
Je suis en train de vous dire que la police fait une enquête de terrain à chaque fois sur la sécurité de certaines voies en fonction des informations qu’elle reçoit et des menaces qui peuvent peser sur les manifestations, sur les biens publics et sur les personnes. A partir de là, elle vous propose tel ou tel itinéraire. Comme l’a dit d’ailleurs le jeune Barthélemy Dias (Ndlr le maire socialiste a dit : ‘’ce qui compte, c’est la mobilisation, ce n’est pas l’itinéraire. Si le préfet nous dit prenez tel itinéraire, prenons-le. Cela n’est pas compliqué. Parce que ce qui compte, c’est que les gens voient qu’on a mobilisé. Ce sont les pancartes, c’est le discours, les échanges, la communication qui importent’’.
Dans ce débat sur le pétrole et sur le gaz, le nom du frère du président de la République revient tout le temps. Aliou Sall a-t-il quelque chose à avoir avec tout ce qu’évoque l’opposition comme nébuleuse ?
Je ne veux même pas parler de cela parce que ce n’est pas un débat. Il n’y a pas de débat. C’est quoi le débat ? Moi je ne comprends pas. C’est un non-débat. Le vrai débat, c’est un débat sur le développement économique du Sénégal.
Qu’est-ce que l’opposition propose comme alternative à ce qui est en train d’être fait ? Qu’est-ce que qu’elle propose pendant que le budget passe à 3050 milliards, pendant que la part allouée à l’investissement dépasse les mille milliards, pendant qu’on met en place un programme énergétique qui va doubler la capacité énergétique du Sénégal en termes de production, avec un mix énergétique qui fait de nous des leaders en matière environnementale ? Qu’est-ce qu’elle propose pendant qu’on est en train de doubler la production de riz et d’arachide au Sénégal, pendant que nous sommes en train de multiplier par 200, je le confirme, les infrastructures routières au Sénégal ? D’ici à 2019, nous allons doubler le nombre de villages électrifiés au Sénégal sans compter les forages, les châteaux d’eau.
Aujourd’hui, le rêve, c’est de transformer le Sénégal en circuit autoroutier pour créer les conditions d’un développement soutenu et durable. Pendant ce temps, on nous tympanise avec Frank Timis, Frank gudi, Frank bëcëg, Frank fajar. Cela n’a pas de sens. Ce n’est pas cela le vrai débat.
Ceux qui disent que le pays ne change pas, je leur demande de prendre l’autoroute jusqu’à Sindia, de regarder à leur gauche, à leur droite. Ils verront ce qui est fait en quatre ans. Ils verront des cités entières s’élever vers le ciel. On n’a même pas besoin de discourir. Qu’ils y aillent, ils verront. Evidemment, quand on passe son temps dans les suites royales parisiennes et les hôtels, on ne peut pas s’apercevoir que le visage de ce pays est en train de changer. Dire que ce pays n’avance pas, c’est faire preuve de mauvaise foi.