Le procès relatif au meurtre de Ndiaga Diouf pour lequel Barthélémy Dias comparaissait hier, jeudi 20 octobre, a été finalement renvoyé sine die. Le Procureur a en effet exigé, peu avant le début de l’audience, la levée de l’immunité parlementaire de Barthélémy Dias avant sa comparution.
La famille de feu Ndiaga Diouf, tué lors de l’attaque de la mairie de Mermoz-Sicap-Sacré Cœur le 22 décembre 2011, sous Abdoulaye Wade, doit encore patienter quelques jours voire des mois avant de connaitre la vérité autour de ce drame.
En effet, appelée à la barre du tribunal correctionnel de Dakar hier, jeudi 20 octobre, l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf dans lequel le maire de Mermoz-Sicap-Sacré Cœur, Barthélémy Dias, comparait n’a pas finalement été vidée. Malgré la présence de tous les acteurs à la salle 3 du Palais de justice Lat Dior de Dakar, prise d’assaut dès les premières heures de la matinée par des militants et responsables politiques pour cette première audience, Barthélémy Dias a vu son procès renvoyé à une date ultérieure sur demande du Procureur.
Le maitre des poursuites a, en effet, requis la levée de l’immunité parlementaire du député Barthélémy Dias, avant sa comparution. Et, pour motiver sa décision, le procureur de la République, estimant que cette affaire n’est pas une affaire de flagrant délit, mais un dossier d’instruction, a indiqué que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale interdit la convocation d’un parlementaire sans l’accord au préalable du président de l’institution parlementaire.
C’est dans ce sens qu’il a requis un sursis à statuer jusqu’à ce que la levée de l’immunité parlementaire du député soit prononcée par l’Assemblée nationale qui est en session.
Vêtu d’un boubou blanc, Barthélémy Diaz, arrivé dans la salle où devait se tenir son procès quelques minutes avant 9 heures juste avant son camarade de parti, le maire de Dakar Khalifa Sall, visiblement pas d’accord avec ce rapport, a pris la parole pour signifier au juge Seck Diouf, qu’il a déjà renoncé à son immunité parlementaire. «Par voie épistolaire, j’ai saisi le bureau de l’Assemblée pour renoncement à mon immunité parlementaire. Je veux être jugé », a notamment lancé le maire de Mermoz-Sicap-Sacré Cœur au juge qui a répliqué : «Ce n’est pas au prévenu de renoncer à son immunité parlementaire pour être jugé, dans une affaire en justice». Toutefois, Dias n’est pas le seul à s’offusquer de ce renvoi. En effet, du côté des avocats de la famille du défunt, on est même allé jusqu’à convoquer le jugement du numéro 2 du Parti démocratique sénégalais (Pds), Oumar Sarr du Pds, jugé alors qu’il était député pour demander la poursuite de l’audience. Mieux, les avocats de la partie civile estiment que les faits pour lesquels Dias fils et co-prévenus comparaissent, ont été commis avant que ce dernier ne soit député.
Il faut souligner que lors de cette audience, Dias fils n’était pas seul à comparaitre devant la barre du tribunal correctionnel de Dakar lors de l’audience d’hier. À la barre, étaient également appelés ses co-prévenus poursuivis pour les délits d’association de malfaiteurs, rassemblement illicite suivi d’actions diverses, détention d’armes sans autorisation administrative, menaces verbales de mort, coups mortels, coups et blessures. Il s’agit de : Seydina Omar Mangane, Ameth Guèye, Abdoulaye Diène, Samba Diouf alias Ndiol, Babacar Sy Doucouré, Habib Dieng, Malick Thiombane, Badara Guèye, Boubacar Faye, Cheikh Makiyou Siby, Bocar Sy et Cheikh Diop. Lors de cette audience, plusieurs leaders du front Manko Wattu Senegaal ont effectué le déplacement au tribunal pour manifester leur soutien à Dias fils dont Malick Gakou, le professeur Malick Ndiaye, le député Mamadou Lamine Diallo, leader de Tekki pour ne citer que ceux-là.
REACTIONS… REACTIONS… REACTIONS…
ME EL HADJI DIOUF, AVOCAT DE BARTHÉLÉMY DIAS : «En le convoquant, il savait pertinemment qu’on ne pouvait pas le juger»
Comme vous le savez, la Constitution sénégalaise et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale protègent les députés du peuple sénégalais. Barthélémy Dias bénéficie d’une immunité parlementaire. En le convoquant, il savait pertinemment qu’on ne pouvait pas le juger. C’est à la limite même une violation de la Constitution et de la loi sénégalaise. Le Tribunal était dans l’impossibilité de juger cette affaire. C’est pourquoi, il a ordonné le sursis et renvoyé sine die cette affaire.
Barthélémy Dias a toujours demandé à ce que son immunité soit levée pour qu’il soit jugé mais la loi est plus forte que lui. Barthélémy n’est pas au-dessus de la Constitution. L’immunité parlementaire est une disposition constitutionnelle d’ordre public qui protège tous les députés donc supérieure à sa volonté. C’est cette dernière qui le protège. Il veut être jugé certes mais ce serait une violation de la loi. Il doit attendre que cette immunité soit enlevée. Le poursuivant peut demander la levée de l’immunité parlementaire, mais seulement si ses arguments sont fondés. N’importe quel député peut demander mais c’est à l’Assemblée de voir.
PAPE MOR NIANG, AVOCAT DE LA FAMILLE NDIAGA DIOUF : «On n’a pas été vraiment surpris par cette position du parquet»
C’est une exception qui n’a même pas été soulevé par les avocats de Barthélémy Dias. C’est ce qui parait un peu bizarre, c’est l’immunité parlementaire de monsieur Dias. Ce dernier a toujours soutenu qu’il veut être jugé. Il s’est présenté lui-même devant la barre. Donc, rien ne s’opposait àce que le jugement ait lieu. On a été vraiment surpris par cette position du parquet. Mais, nous gardons notre calme et nous avons toujours confiance en la justice. Nous attendons que cette affaire soit amenée devant la barre. Nous voulons l’éclatement de la vérité. Nous allons faire les démarches pour que l’immunité parlementaire de Dias soit levée.
MAMADOU LAMINE DIALLO, DÉPUTÉ DE TEKKI : «Il y a des relents politiques dans cette affaire»
Ma position par rapport à cette affaire est constante. À l’époque, nous nous battions pour l’approfondissement de la démocratie au Sénégal. Je continue ce combat. Je suis avec lui sur ce dossier. Et je crois que tous les démocrates devraient le faire parce que ce qui s’est passé, nous le savons, c’est une organisation visant à agresser les leaders de Benno Siggil Sénégal et du M23. Donc, ce qui s’est passé s’est passé, il y a eu des aspects regrettables mais en ce qui le concerne, nous le soutenons jusqu’au bout. C’est clair qu’il y a des relents politiques dans cette affaire. Macky Sall ne fait que ça. Moi-même, pour avoir dit, pendant la campagne électorale en tant député, que le directeur général du port a une ambition présidentielle, on m’a trainé en justice pour me condamner. Il faut être le régime de Macky Sall pour faire ce genre de chose. Il utilise la justice pour faire des règlements de compte politique. C’est inacceptable pour quelqu’un qui a signé la charge de gouvernance démocratique des Assises nationales. C’est une honte.
KHALIFA SALL, MAIRE SOCIALISTE DE DAKAR : «On a voulu un peu le mettre dans une posture de faiblesse»
D’abord, il faut rendre grâce à Dieu, prier sur le prophète, prier pour le défunt Ndiaga Diouf, renouveler nos condoléances à sa famille. Il faut aussi se féliciter de ce que Barthelemy Dias ait eu gain de cause. Il n’a de cesse depuis cet évènement à demander à être jugé. Quand il a été député, il a demandé à être jugé. Pourquoi a-t-on attendu jusqu’à maintenant ? C’est un procès politique, d’autant que depuis 2011, Barthélémy Dias a toujours demandé à être jugé et il a fait la prison pour cela. Maintenant, on l’attrait tout en connaissant sa situation spécifique. Si on laisse libre cours à notre esprit, on subodorerait une velléité, une volonté de casser un homme politique. Le contexte ayant changé, sa posture ayant évolué, on a voulu un peu le mettre dans une posture de faiblesse. Qui connait l’homme sait que ce sera vain.Le combat qu’il mène est un combat de conviction, un combat pour lequel nous sommes tous là. Nous ne voulons pas que la situation de Ndiaga Diouf reste non éclaircie. Il faut qu’on le fasse dans des conditions qui soient conformes avec la loi.
DÉPUTÉ SEYNABOU WADE DU PDS : «Depuis deux ans, il a demandé à ce qu’on enlève son immunité»
Depuis deux ans, il a demandé à ce qu’on enlève son immunité parlementaire. Il faut aussi que la justice nous permette de renoncer à notre immunité parlementaire si nous le voulons. Je pense que ce dossier doit être classé. Vous vous rappelez du contexte politique qu’il y avait en ce moment-là. Je ne parle pas de la situation actuelle car le problème de Bennoo Bokk Yaakaar est le cadet de mes soucis. En 2011, c’était vraiment la grande bataille entre politiciens et ce qui s’est passé s’est passé. C’est regrettable parce qu’il y a eu mort d’homme mais on doit classer ce dossier sans suite. Vous avez vu aujourd’hui, autant qu’ils ont convoqué Barthélémy Dias, ils ont convoqué aussi les gens du Pds. Et, ce n’est pas la première fois qu’un homme est mort dans des échauffourées.
BANDA DIOP, MAIRE DE LA COMMUNE DE PATTE D’OIE : «Il faut arrêter de politiser les institutions»
Cette affaire remonte en 2012 et l’opposition d’antan qui est aujourd’hui au pouvoir avait fait le serment d’en tirer toute la lumière. Aujourd’hui, ce balbutiement qui a eu dans ce dossier apparaitrait comme une mainmise du ministère public qui est une force régalienne sur cette affaire. Je lui adresse mon soutien en tant que collègue maire et lui apporte le soutien de l’ensemble des maires de Dakar. Malgré cette affaire, Barthélémy Dias avait été investi sur les listes des députés avec un casier judiciaire vierge. Il est aujourd’hui dans le parlement et avait même un poste de responsabilité au niveau du bureau de l’Assemblée nationale. Ils doivent laisser tranquille le maire Barthélémy Dias pour qu’il continue à vaquer à ses occupations. Il faut arrêter de politiser les institutions. L’avenir politique de Barthélémy ne dépend pas de son immunité parlementaire. Parce que connaissant son courage et son engagement, je sais que même si l’Assemblée voulait se prononçait sur cette affaire Barthélémy ne va pas laisser ce débat prendre place à l’Assemblée nationale. Il va lui même enlever sa casquette. Jusqu’à présent, nous pensons qu’il est innocent. Il a été victime d’une agression. Nous ne pouvons pas comprendre que ce dossier soit appréhendé de manière politique.