Mettre en place un dispositif régional de recherche et de formation à la recherche pluridisciplinaire sur les mobilités. C’est l’objectif de l’atelier de lancement du laboratoire mixte international MOVIDA (Mobilités, voyages, innovations et dynamiques dans les Afriques méditerranéennes et subsahariennes) tenu hier, mardi 18 octobre, à Dakar sous l’égide de GERM de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, de l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) et de l’IRD.
Le projet MOVIDA est lancé hier, mardi 18 octobre à Dakar par GERM de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) et l’IRD. «Le Sénégal, comme les autres pays Ouest africains, sont exposés aux migrations des jeunes, des femmes, et aux migrations en général. Malheureusement, les études existantes portent sur les transferts d’argent alors qu’il serait bien aujourd’hui de voir à travers le MOVIDA comment on peut avoir une meilleure connaissance des migrations féminines, et comment la migration peut tout bonnement être une plus value», a signalé Professeur Aly Tandian, maître de conférences à l’Université Gaston Berger. Dr Cheikh Oumar Ba, directeur exécutif de l’IPAR, partenaire de ce programme, a signalé qu’il y a beaucoup de fausses idées sur les migrations. Ce qui nécessite une implication des chercheurs, des parlementaires et des journalistes pour servir de relais à ces questions extrêmement complexes des migrations internationales. «On nous parle aujourd’hui de jeunes qui envahissent Europe alors qu’on se rend compte qu’il ne représente même pas 1% de la population immigrée. Donc, c’est des fausses vérités. Il faudrait que les chercheurs africains et européens se mobilisent», a signalé Cheikh Oumar Ba qui a rappelé au passage qu’entre «1810 et 1960 il y a eu 65 millions d’Européens qui sont allés à l’assaut du monde».
Pour sa part, le journaliste Tidiane Kassé a rappelé l’importance de rendre disponible les résultats de recherche à la presse pour disséminer la bonne information. Le laboratoire MOVIDA a pour ambition, en effet, de constituer sur le continent africain un pôle de référence sur les questions de mobilités et de migrations, en dépassant les frontières géographiques, culturelles et disciplinaires qui font obstacle à une compréhension renouvelée de la complexité des mobilités et des dynamiques migratoires en Afrique.
MOUSTAPHA DIOUF, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES JEUNES RAPATRIES DE THIAROYE S/MER : Témoignage d’un rapatrié d’Espagne
Moustapha Diouf digère mal le rapatriement forcé qu’il a vécu en 2006 grâce à un accord signé par le gouvernement sénégalais avec l’Espagne. Rapatrié avec plusieurs centaines de jeunes, avec la promesse de bénéficier d’un accompagnement à leur arrivée, ils attendent toujours. Meurtri par les affres du voyage mouvementé en mer, et aigri d’avoir perdu beaucoup d’argent non remboursé, le président de l’Association des jeunes rapatriés de Thiaroye sur mer sensibilise les jeunes à rester travailler au Sénégal, au lieu de risquer leur vie en mer ou dans le désert.
Moustapha Diouf a toujours en travers de la gorge le rapatriement forcé qu’il a vécu en 2006 après avoir risqué sa vie dans l’océan atlantique pour regagner l’Espagne. Après avoir rassemblé toutes ses économies, il avait payé 400 000 FCFA pour avoir le droit d’embarquer dans une pirogue. Au moment où le phénomène «Barça ou Barsax» avait fini d’installer le scandale au niveau international avec des vagues successives de jeunes qui débarquent sur les côtes espagnoles, le président Abdoulaye Wade avait signé des accords avec l’Espagne et l’Union européenne pour rapatrier les jeunes Sénégalais identifiés dans les centres d’accueil. «J’ai quitté le Sénégal en 2006. J’avais pris les pirogues pour regagner l’Espagne. Arrivés à destination, nous avions été nombreux à être rapatriés, suite aux accords signés par le gouvernement du Sénégal avec l’Espagne. En nous faisant rentrer, ils nous avaient promis de financer des projets pour nous», se rappelle Moustapha Diouf, président de l’association des jeunes rapatriés de Thiaroye sur mer.
Très remonté contre le gouvernement de Maître Wade, Moustapha Diouf rappelle que rien n’a été fait pour eux. «Les promesses n’ont pas été tenues. Ils n’ont rien fait pour nous, sauf les 10 000 FCFA, le sandwich et la canette de boisson qui nous avaient été remis à notre descente à l’aéroport», signale-t-il, en se rappelant des dures conditions de voyage qu’il a vécues et ses investissements perdus. «Tout le monde sait que pour voyager à l’époque par les pirogues, il fallait vendre tout ce qu’on avait, avec la contribution de nos parents, pour partir jusqu’en Espagne. J’avais payé 400 000 FCFA pour mon premier voyage», renseigne-t-il, en soulignant qu’il a entendu parler de financements de l’Union européenne. Après avoir constaté la situation, Moustapha Diouf avait encore tenté l’aventure, en passant cette fois par la voie terrestre. Arrivé jusqu’au Maroc, en passant par la Mauritanie où il a vécu le calvaire, il sera encore embarqué dans un avion pour rallier le Sénégal de force. C’était la fin de l’aventure. Il créé avec des amis une association pour prêcher la bonne parole en sensibilisant les jeunes sur les dangers de l’émigration clandestine.
DANGER PERMANENT DE PERDRE SA VIE
Selon lui, les dangers de l’émigration clandestine sont énormes, aussi bien en passant par la mer que par la voie terrestre, dans le désert. Son témoignage est éloquent. «Sur 100 personnes qui voyagent dans une pirogue, 75 perdent presque la vie. La voie terrestre est pire. Ce qui se passe dans le désert est très grave. C’est un crime organisé. C’est même pire que ce qui se passe actuellement en Syrie où il y a la guerre. En passant par le Mali, le Niger et la Libye on rentre dans la guerre», déclare-t-il. Avant de poursuivre : «Beaucoup de jeunes meurent sur le trajet du désert en Libye. On les attrape pour les livrer à des individus qui font un trafic de reins. Que les gens aillent voir ce qui se passe là-bas. On n’en parle jamais alors que c’est un drame réel». Aujourd’hui, après ce qu’ils ont vécu, ils sont convaincus qu’ils peuvent rester au Sénégal, travailler et réussir. Mais encore faudrait-il qu’ils puissent bénéficier de financements et d’accompagnement de l’Etat.