Bouclier de Ousmane Tanor Dieng durant plusieurs années, Barthélemy Dias multiplie aujourd’hui les sorties au vitriol contre le secrétaire général du Parti socialiste. Moins d’une semaine après sa plainte contre Tanor et la direction du Ps, le maire de Mermoz-Sacré Cœur voit resurgir comme une épée de Damoclès sur lui la tragique journée de la fusillade du 22 décembre 2011. Explications de la déchéance d’un «fils» auprès de son «père» protecteur qu’il tente de «tuer».
Ousmane Tanor Dieng, 69 ans, Barthélemy Dias, 40 ans. C’est l’histoire d’un «père» affectif à l’endroit de son «fils» qui s’est retourné contre lui pour perpétrer un parricide. Le pater, en bon stratège, use de son expérience de près de 40 ans sur la scène politique - opère une contre-attaque fatale à son «fils». Le resurgissement de l’affaire de la fusillade Mermoz-Sacré Cœur du 22 décembre 2011 marque le grand fossé qui sépare aujourd’hui le leader du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, à son jeune camarade Barthélemy Dias. Ce dernier a-t-il eu la mauvaise idée de s’attaquer à Tanor, son ange protecteur depuis son entrée au Parti socialiste ? En tout cas, sa comparution prochaine devant le Tribunal correctionnel de Dakar donne du crédit à cette thèse. Pourtant, en fouillant dans le passé, la relation entre Tanor et le fils de Jean-Paul Dias s’assimilait à la formule d’amour : «Je t’aime, moi non plus».
Entré au Ps au début des années 2000, Dias-fils, parachuté par Tanor, gravit les échelons jusqu’à devenir le patron de la Convergence socialiste, une structure de jeunes de l’ancien parti unique. Partisan à souhait du premier secrétaire d’alors du parti, Barth’ est vite estampillé par les observateurs «Tanor’s boy». Un statut qu’il assume fièrement. Il est l’un des rares responsables à en découdre avec le puissant pouvoir libéral. Des positions qui vont lui valoir des déboires judiciaires. Emprisonné en août 2006 pour outrage à magistrats et diffusion de fausses nouvelles sur la santé du Président Wade, Barthélemy Dias touche le fond. Après le jugement rendu le 22 août 2006, condamnant à 6 mois de prison ferme le jeune Socialiste, Tanor étale son «incompréhension» : «Barthélemy Dias n’a jamais reconnu les propos incriminés, d’autant qu’il ne les a jamais dits en public. Ce jugement donne une image qui fait honte à notre pays et porte atteinte à la démocratie.»
Tanor en 2012 : «La place de Barthélemy n’est pas en prison»
Tanor tient jalousement à son protégé qui, dans les débats, n’hésite pas à descendre en flammes les détracteurs du boss des Socialistes dont Me Aïssata Tall Sall et Khalifa Sall. Sur la candidature du parti en 2012, lorsque ces anti-Tanor semblaient contester en interne la candidature du patron du Ps, Barthélemy Dias vole au secours de son «père» comme il aime appeler l’actuel secrétaire général du parti. «On cherche toujours à divertir les Socialistes. Au Ps, il y a un candidat naturel, il s’agit de Ousmane Tanor Dieng», déclarait le leader du Mouvement national des jeunesses socialistes de l’époque, à l’émission «Grand jury» de la Rfm du 31 janvier 2010.
Son penchant pour Tanor lui vaut une séparation d’avec son ami Malick Noël Seck, hostile à la gestion du patron des Verts de Colobane. Sur la fusillade de la mairie de Mermoz-Sacré Cœur, Tanor lave à grande eau son poulain, arrêté et placé sous mandat de dépôt. «Il a été attaqué par des dizaines de nervis armés, arrivés en pick-up et décidés à lui faire sa fête… Quiconque le sait devrait comprendre ce qu’il a éprouvé et reconnaître qu’il a dû se défendre. Nous exigeons sa libération dans les plus brefs délais. La place de ce garçon n’est pas en prison», confiait M. Dieng à Jeune Afrique dans son édition du 18 janvier 2012. Près de 5 ans après, on n’est pas sûr que le secrétaire général du Ps ait aujourd’hui le même point de vue.
2014, Tanor «trahi» au profit de Khalifa Sall
Après le départ du régime libéral à la suite à l’alternance politique du 25 mars 2012, Barthélemy Dias est consacré. Tanor use de tout son poids et de son influence d’allié de Macky Sall pour le sortir de la prison de Rebeuss. Il est même investi député qu’il deviendra en juin 2012 sur la liste Benno bokk yaakaar. Cerise sur le gâteau, il est membre du Bureau de l’Assemblée nationale en tant que Secrétaire élu.
Cependant, l’idylle entre le «père» et le «fils» va s’effriter peu à peu après les élections locales de 2014. Membre de la coalition Taxawu Dakar de Khalifa Sall qui lui a permis de rempiler à la mairie de Mermoz-Sacré Cœur, Barthélemy Dias change de fusille d’épaule. A la surprise générale, Tanor est désormais l’homme à abattre. Barth’ anime la fronde contre son ancien mentor. Il décide de ne pas cautionner, malgré l’aval du Ps, la modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale en juin 2015. Il est rejoint par des détracteurs de l’enfant de Nguéniène comme Me Aïssata Tall Sall et le député Aminata Diallo. Dans la dualité qui existe au sommet du Ps entre Tanor et Khalifa, il choisit le second. Tanor rumine sa colère et accuse le coup. Il se sent «trahi». «Barthélemy Dias devait être l’un des derniers à trahir Tanor. Avec tout ce que ce dernier a fait pour lui, comment peut-il lui faire ce coup-là», s’interroge un proche un membre du Bureau politique du Ps, proche du Sg du Ps. Au fil des jours, Barth’ poursuit sa défiance. «Khalifa Sall est l’espoir de Dakar et du Sénégal», déclarait-il lors du meeting du Ps à Grand Yoff en janvier dernier.
Procès de la fusillade, Barth’ crie au complot, silence bruyant de Tanor
Au référendum de mars dernier, il préfère suivre le «Non» de Khalifa Sall au «Oui» de Tanor. Il est clairement pour le départ du Ps de la coalition Benno bokk yaakaar. Summum de son hostilité à Tanor, Barthélemy Dias, Bamba Fall, Idrissa Diallo et des élus proches de Khalifa Sall décident, la semaine dernière, de porter plainte contre Tanor pour «faux et usage de faux». Ils reprochent à ce dernier d’avoir «tripatouillé» les statuts du parti en vue de le maintenir dans la coalition Benno bokk yaakaar. C’est la provocation de trop pour Tanor qui décide de son remplacement comme Secrétaire élu à l’Assemblée nationale (Barth l’a anticipé par une démission).
Trois jours après l’annonce de cette plainte, Barthélemy Dias est annoncé au Tribunal demain pour le meurtre de Ndiaga Diouf. Un procès qui suscite beaucoup d’interrogations au sein de l’opinion. Pourquoi avoir attendu près de 5 ans pour juger le député ? N’y a-t-il pas une sorte de règlement de compte politique ? Si Barth’ était du côté du pouvoir comme lors des premières années du régime, serait-il inquiété ? Dias-fils accrédite ces questionnements : «La Justice n’est pas une coordination de l’Apr ni une section du Ps. On m’a mis en prison par politique, on m’a sorti de là-bas par la politique et on veut m’y faire retourner par politique. Ceux qui crient pour l’organisation du procès me défendaient hier, y compris le Président Macky Sall.» Pour le moment, Tanor s’emmure dans un silence assourdissant et Barth’ devra répondre de ses actes de cette fameuse journée du 22 décembre 2011. Sans le soutien du «père» qui crie à la tentative de parricide…