La déclaration de Moustapha Niasse faisant acte d’allégeance à Macky Sall témoigne, si besoin en était, de la «démocratie consensuelle» ou forcée à la malienne, d’Amadou Toumani Touré, que le président de l’APR a installée au Sénégal. Comme son hôte malien, Macky Sall a fini de «vassaliser» certains membres de la société civile, «domestiquer» les hommes politiques et réorienter les chapelets des marabouts. Seuls certains organes de presse font office de contre-pouvoirs. Pour le reste, c’est l’APR face à l’APR.
L’Alliance pour la République(Apr), seule au monde ! Même si la «démocratie consensuelle» à la malienne, sous le règne d’Amadou Toumani Touré, n'est pas encore à l'ordre du jour, force est de reconnaitre que la démocratie sénégalaise est dans le creux de la vague.
Et pour cause, le président de la République a réussi à administrer un véritable contrôle sur la classe politique la plus représentative.
Le secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP), Moustapha Niasse ne dira pas le contraire. Lui qui a fait allégeance au Chef de l’Etat, en lui offrant sur un plateau d’argent son parti qu’il a créé en juin 1999.
Pis, le président de l’Assemblée nationale dont la carrière politique est déclinante, du fait de son âge, étouffe et menace toute ambition progressiste de faire face à son «mentor», Macky Sall. «Je ne l’accepterai pas et je ne soutiendrai personne qui va tenter de se mesurer à Macky Sall», tonne l’ancien premier ministre qui avait refusé catégoriquement, à une certaine époque, toute fusion entre l’AFP et le PDS.
Selon certaines indiscrétions, ce refus lui avait valu son poste de Premier ministre sous Abdoulaye Wade. Entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et l’électorat de l’AFP s’est effrité passant de presque 18 % en 2000 à 5 % en 2007. Le progressiste en chef revoit alors ses ambitions à la baisse. A défaut de fusionner avec l’APR, il renonce à la raison d’être de l’AFP : conquérir le pouvoir. Mais Moustapha Niasse n’est pas le seul à oublier cette raison.
Sous Macky Sall, la mode est à l’alliance stratégique, ce qui va considérablement affaiblir les contre-pouvoirs et diluer le jeu classique entre majorité et opposition.
Le PIT ne se fait plus entendre depuis que le «Lion» Amath Dansokho a remis les rênes du parti à Maguette Thiam. La LD de Mamadou Ndoye est aussi rentré dans les rangs. Une audience avec le Chef de l’Etat serait passée par là. Il n’y a qu’Ibrahima Sène qui garde sa liberté de ton, via des sorties dans les médias.
L’autre «Jallarbiste», Abdoulaye Bathily, semble en avoir assez de s’opposer. Il a ainsi accepté de céder le fauteuil à Mamadou Ndoye, alors que beaucoup d’observateurs s’attendaient à une alternance générationnelle. L’ancien professeur d’histoire, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) est aujourd’hui plus préoccupé par son poste de Représentant spécial adjoint pour la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Quant au Parti socialiste, il est impensable, compte tenu de son histoire, qu’il ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle de 2017. Toutefois, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la succession d’Ousmane Tanor Dieng et sa collaboration (OTD est considéré à tort ou à raison comme le vrai chef de la diplomatie sénégalaise) actuelle, risque de freiner l’envol des socialistes.
Le PDS, à la recherche d’un leadership
Le seul parti politique qui aurait pu jouer son rôle d’opposant est le Parti démocratique sénégalais (PDS). Hélas, la formation de Me Abdoulaye Wade, est plus confrontée à une guerre de leadership depuis sa perte du pouvoir le 25 mars 2012. Wade ayant laissé un vide derrière lui en se réclamant toujours comme la «seule constante», a mis son parti dans une léthargie inédite.
Omar Sarr reste coordonnateur en attendant juste « le choc des ambitions ». Me Ousmane Ngom, Me Madické Niang, Samuel Sarr, Aïda Mbodji, Me El Hadji Amadou Sall, Modou Diagne Fada etc., affûtent leurs armes et lorgnent le fauteuil du chef. Sans occulter Me Souleymane Ndéné Ndiaye qui, lui, a gelé ses activités en attendant d’y voir plus clair.
Pis, avec le déclenchement de la traque des biens supposés mal acquis, les ténors du PDS sont plus préoccupés à sauver leur tête et à libérer leurs camarades qui croupissent en prison.
La société civile «vassalisée»
Véritables sentinelles de la démocratie sénégalaise, les organisations de la société civile sont vassalisées par Macky Sall qui a offert des fromages à certains leaders charismatiques.
Jadis, Maîtres es-opinion publique, beaucoup d’entre eux ont récolté le gain politique et ont accepté d’être bâillonnés pour garder leurs avantages matériels, compromettant ainsi leurs raisons de vivre.
L’énigmatique Idrissa Seck
Par la force des choses, Idrissa Seck avait fini d’être l’opposant naturel de Macky Sall. Le rewmiste en chef qui a soutenu au second tour de l’élection présidentielle le candidat de l’opposition le mieux placé face à Wade, voyait et continue de voir en Macky Sall, un chef de l’Etat par défaut.
Pour Idrissa Seck, Macky Sall est assis sur «son » fauteuil. Véritable bête politique, connu pour sa capacité à hypnotiser les foules, le président de Rewmi pouvait faire office de challenger du président de la République en 2017. D’ailleurs, il n’a raté aucune opportunité pour marquer son territoire. On se souvient encore de sa sortie au vitriol le 25 mars 2013.
Mais depuis, l’ancien Premier ministre, s’est emmuré dans un silence inquiétant. Alors que Rewmi est à vau-l’eau avec les départs de ténors tels les ministres Oumar Guèye et Pape Diouf, mais aussi Nafissatou Cissé, Idrissa Seck brille par son absence.Donné malade par ci, en contact avec Wade par là, le maire de Thiès reste muet. Curieuse attitude pour un homme politique de sa trempe, mais aussi et surtout qui ambitionne de diriger le Sénégal.
Des marabouts tels des girouettes
Après avoir «domestiqué» la société civile, fait capituler les partis politiques, il ne restait à Macky Sall que le maillon le plus faible du champ politique sénégalais : les marabouts.
La preuve, la plupart d’entre eux qui soutiennent aujourd’hui le président Macky Sall ou qui lui font des appels du pied, avaient d’une manière ostensible ou occulte, pris fait et cause pour Abdoulaye Wade. Comme jadis, pour Abdou Diouf et Léopold Sédar Senghor. Des marabouts qui soutiennent le plus offrant, quitte à se dédire. Dieu reconnaîtra les siens !
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