Les élections locales, initialement programmées pour le 16 mars et finalement « décalées » au 29 juin prochain se tiendront-elles à date échue ? Voilà la question qui taraude tous les observateurs, au regard des ingrédients explosifs qui semblent militer pour un second report de ces joutes, avec le blocage de la revue du code électoral, un Acte III de la décentralisation en passe d’être retourné à l’Assemblée nationale pour réexamen, sans oublier l'omniprésente directive de la Cedeao interdisant toute modification du code électoral à moins de 06 mois des élections. Au même moment, du côté de la classe politique et de la société civile, les avis sont très controversés et on semble, en réalité, tirer dans tous les sens. Surtout quand on note que les partisans tout comme les détracteurs d’un second report se recrutent aussi bien dans la mouvance présidentielle que dans l’opposition.
Déjà agitée par beaucoup d’acteurs du jeu politique, l’idée d’un second report des élections locales « décalées » une fois de trois mois par Macky Sall, est en train de prendre progressivement forme en suscitant polémique et cacophonie. La dernière structure en date à réclamer le report des Locales du 29 juin prochain est la coordination des organisations de la société civile. Elle a indiqué qu’une telle initiative allait permettre non seulement à la classe politique de s’entendre après les blocages constatés au niveau de la revue du code électoral mais surtout d’éviter un arbitrage du chef de l’Etat qui pourrait être synonyme de sanctions de la Cedeao.
Et pour motiver son vœu de report des prochaines Locales, la société civile a envoyé des correspondances aux différentes organisations politiques afin de permettre aux trois composantes de la Commission technique de révision du code électoral de pouvoir s’entendre sur le principal point de discorde, à savoir le mode de scrutin. Le consensus pourrait permettre, selon cette coordination, de se passer de l’intervention du chef de l’Etat et de préserver le Sénégal de la directive de la Cedeao interdisant toute modification du code électoral à moins de 06 mois des élections, sauf en cas d’entente des acteurs concernés.
Cette invite de la société civile à un second report des Locales est également partagée par d’autres acteurs de la vie politique (comme le Ppc de Me Mbaye Jacques Diop, favorable à un report jusqu’en mars 2015) qui évoquent diverses autres raisons pour justifier leur position. A côté des blocages de la révision du code électoral où les parties prenantes s’adonnent pour l’heure à un véritable dialogue de sourds, pour ce qui concerne le mode de scrutin, on évoque également le flou qui semble accompagner le nouveau Code général des collectivités locales, pierre angulaire des prochaines élections et fondement de la nouvelle réforme territoriale. Pour cause, l’Acte III de la décentralisation qui a provoqué par certains côtés une véritable levée de boucliers, du fait de son manque de consensus, selon ses détracteurs, pourrait très prochainement retourner à l’Assemblée nationale pour modification.
Selon certaines informations, cette éventualité aurait été même évoquée par le ministre de l’Aménagement du territoire et des collectivités locales, Oumar Youm. Parmi les points de discorde, on relèverait la disposition très controversée relative à l’exigence faite aux futurs candidats conseillers de savoir lire et écrire en langue officielle (le français).
« LA SOCIETE CIVILE PRECHE DANS LE DESERT »
Du côté des autres acteurs politiques, l’idée d’un nouveau report des prochaines élections locales est carrément balayée d’un revers de la main. Réagissant déjà à la sortie de la coordination des organisations de la société civile qui œuvre pour le report des élections, le Pds a fait savoir par Modou Diagne Fada, le président du groupe parlementaire libéral, qu’ « il ne faut même pas y penser ».
Pour l’ancien ministre de la Santé sous Me Wade qui se prononçait sur la question, « la société civile prêche dans le désert » car le Pds n’est « pas ouvert pour discuter d’un quelconque report des élections locales ». Et de préciser sur les ondes de la Rfm (radio privée) : « il faut en finir avec ces élections-là. Depuis un an, on en parle ; les conseillers municipaux élus sont à la fin de leur mandat, il est important qu’ils puissent se représenter devant les électeurs pour regagner leur confiance. Le Sénégal doit travailler à respecter le calendrier républicain ».
L’ancien parti au pouvoir n’est toutefois pas la seule organisation politique à récuser tout second report des élections de juin prochain. Le respect du calendrier républicain et l’organisation des élections à date échue sont les choses les mieux partagées dans l’opposition, à l’instar de l’Urd de Djibo Kâ qui milite pour une organisation de ces joutes à la date déjà arrêtée. Dans ce dialogue de sourds, même des mouvements supposés proches du pouvoir réfutent toute volonté de report des Locales. Ainsi en est-il des jeunes du M23 qui qualifient tout report comme une « violation manifeste de la Constitution sénégalaise ».
Quelle attitude le pouvoir en place va-t-il adopter face à cette polémique qui bruit de plus en plus ? Il faut dire que, malgré les assurances du camp présidentiel à organiser ces joutes à date échue, une zone d’ombre persistante environne les prochaines locales. D’autant que des ingrédients piquants essaiment au voisinage de leur tenue à date échue, comme nous les signalons ci-dessus : blocage de la révision du Code électoral, Acte III de la décentralisation à parachever, voire injonction du protocole de la Cedeao de 2001.
Le dernier mot semble toutefois être entre les mains du maître du jeu, en l’occurrence Macky Sall, le chef de l’Etat et président de l’Apr. Lequel soutenait clairement, samedi dernier seulement en réunion du directoire de son parti, selon certaines sources, que l'Apr « n'a pas le droit de perdre ces élections pour des considérations subjectives ». Non sans demander à ceux qui ont souscrit à ses idéaux de ne pas faire de ces locales « une question de vie ou de mort ».