La loi sur la parité, promulguée par le Président Abdoulaye Wade le 28 mai 2010, souffre dans le cadre de son application effective et absolue dans certaines sphères de décisions comme l’Assemblée nationale. ‘’Déplorable’’, cette situation irrite certains parlementaires, y compris des analystes politiques. Pourtant, à ses débuts, elle a soulevé beaucoup d’enthousiasme au Sénégal. Malgré tout, elle a vu pour la première fois, sous la douzième législature, le nombre de femmes parlementaires passer de 27 à 64 sur 150 députés.
De manière globale, le principe de la parité a pour projet de lutter contre les disparités dans le domaine de la représentativité dans les institutions. Il vise aussi l’équité par rapport au traitement salarial entre l’homme et la femme. Ainsi, lorsqu’il est allégué que certaines catégories sociales connaissent une forte inégalité entre leur nombre et leurs représentants élus, et qu'il existe parfois un handicap de rémunération dans les emplois occupés, notamment dans le secteur public, le principe de parité tente donc, par des lois, de redresser cette situation souvent perçue comme une ‘’injustice’’.
Dans le cadre de la défense des droits des femmes, la parité a été avancée pour défendre l'égalité, organisée en nombre de sièges ou de postes occupés (publics ou privés). C'est ainsi que l'on en parle dans un parti politique, à l'Assemblée nationale, dans une profession. Au Sénégal, promulguée par le Président Abdoulaye Wade, la loi n°2010-11 du 28 mai 2010 s’inscrit dans cette dynamique. Théoriquement, elle institue la parité absolue Homme-Femme. Une manière de rendre effective (l’application) de la Constitution de 2001 favorisant ‘’l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions’’ électives. Votée par l’Assemblée nationale en sa séance du vendredi 14 mai 2010, le Sénat le mercredi 19 mai 2010, elle stipule : ‘’Article premier. -La parité absolue homme-femme est instituée au Sénégal dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives. Art. 2. -Les listes de candidatures sont alternativement composées de personnes des deux sexes. Lorsque le nombre de membres est impair, la parité s’applique au nombre pair immédiatement inférieur. Les listes de candidatures doivent être conformes aux dispositions ci-dessus sous peine d’irrecevabilité’’.
A l’époque, c’est le ministre de la Justice, El Hadji Amadou Sall, qui défendait cette loi, et les associations regroupant des femmes indiquaient qu’elle était une ‘’grande avancée démocratique’’. Mais, malgré l’euphorie qu’elle a suscitée à ses débuts, cette loi sur la parité soulève aujourd’hui beaucoup de controverses. Son application dans certaines instances de décisions laisse voir des failles. D’où le non-respect des principes qu’elle édicte. Parlementaires et analystes politiques sont déçus quant à son application effective à l’Assemblée nationale. De ce point de vue, des grincements de dents, il en existe autour de cette loi. D’ailleurs, lors du vote du bureau du Parlement en 2012 et de son renouvellement en octobre 2013, les parlementaires Aïda Mbodji et Hélène Tine avaient dénoncé la non-application de la parité absolue.
En substance, la libérale Aïda Mbodji lançait : ‘’La loi sur la parité ne vise pas seulement l’entrée des femmes à l’Assemblée nationale. Elle concerne l’ensemble des institutions des instances électives dont le bureau de l’Hémicycle. A cet égard, elle doit s’appliquer dans toute sa rigueur.’’ Forte de cette conviction, la camarade d’Oumar Sarr invitait le Président Macky Sall à ne pas faire moins que son prédécesseur dans ce domaine. Et les sorties pour exiger le respect de cette loi n’ont pas été uniquement portées par les politiques. Sensible à cette situation, la société civile s’est également jointe à ce concert de critiques. En écho au renouvellement du bureau de cette institution, la présidente du Caucus des femmes leaders du Sénégal, Fatou Sow Sarr, alertait : ‘’Nous voulons prendre à témoin l’opinion nationale et internationale, pour manifester notre désapprobation pour la non-application de la loi sur la parité(…).’’
13 femmes maires sur environ 600
A l’occasion de sa rencontre intitulée ‘’Conférence nationale sur la parité au Sénégal’’, le Collectif des femmes parlementaires (Cfp) a jeté un regard critique sur la parité. Une posture pour mesurer les avancées de cette loi au niveau des instances électives et semi-électives, et de formuler des recommandations. Et il a été noté que l’application de cette loi a vu le nombre de parlementaires femmes passer de 27 à 64 sur 150 députés. Cet effectif, souffle-t-on, ne reflète pas la réalité dans les collectivités locales, puisque le Sénégal ne compte que 13 femmes maires sur environ 600, et aucune d’elles n’est édile de ville. En croisade contre ces déséquilibres qui plombent l’application de cette loi, la deuxième vice-présidente de l’Assemblée nationale, Awa Guèye, de renseigner : ‘’Nous avons introduit un amendement qui a abouti. D’ailleurs, c’est ce qui a fait qu’au niveau des secrétaires élus, nous avons 3 femmes et 3 hommes. La seule difficulté se trouve au niveau du bureau avec les vice-présidents où le mode alternatif n’est toujours pas respecté.’’
Mme Fatou Sow Sarr, qui abonde dans le même sens, estime que la présence ‘’significative’’ des femmes dans les instances électives, comme l’Assemblée nationale, est essentielle. Parce que, détaille-t-elle, c’est le lieu où l’on décide de l’utilisation des ressources de la Nation, vote les lois. A ses yeux, l’enjeu de cette loi porte sur le développement du pays. ‘’Le dernier rapport de la Banque mondiale sur le genre montre qu’en Inde, quand les femmes sont à la tête des conseils locaux, la corruption diminue de 30% (…). Quant à l’Assemblée nationale, l’incompétence n’est pas que du côté des femmes, puisque le pourcentage de femmes avec un diplôme d’enseignement supérieur, allant du Bac au Doctorat, est de 37,5 %. Ce qui est proportionnellement plus important que celui des hommes’’, compare-t-elle.
Aussi, la parité renvoie donc à des choix de société, par-delà la représentation politique. Au fond, elle reste favorable aux femmes en tant qu’individus, mais aussi une source profonde de modification de leur place dans la société. Il convient donc, à travers la parité, de faire évoluer certains comportements ou visions de la société. Les droits étant les mêmes, reste à les faire comprendre, accepter et appliquer. ‘’La parité pose un débat éminemment politique de transformation sociale. Et cela, Abdoulaye Wade l’a très vite compris. C’est un intellectuel curieux ouvert aux idées nouvelles. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’en 2002 à Durban, interpellé par des Africaines, il a accepté de porter le combat de la parité à l’Union africaine. Il l’a fait avec le soutien du ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio’’, rappelle Docteur Fatou Sow Sarr. Avant de signaler que Me Abdoulaye Wade a amené la présence des femmes au Sénat à 40% et au Conseil économique et social (Ces) à 43%. ‘’Il ne lui restait plus que l’Assemblée nationale’’, avance-t-elle.
Pour Mme Fatou Sow Sarr, le Sénégal a incontestablement innové avec cette loi (…). Mais malheureusement, il a raté une opportunité d’en tirer avantage par manque de perspective des nouvelles autorités. Préoccupée par cette question de parité, elle déplore l’attitude des gouvernants actuels par rapport à cette loi. La sociologue de motiver : ‘’Si le Président Macky Sall s’était donné les moyens de se faire expliquer la parité, comme en 2006 pour le genre, peut-être qu’il aurait pu aider le pays à progresser. Car elle dépasse la seule question de la représentation homme-femme (...). Et tant qu’Abdoulaye Wade était au pouvoir, ceux qui pensaient qu’il en était l’instigateur ont joué le jeu. Ils ne juraient que par la parité. Une fois au pouvoir, ces mêmes personnes ont enfourché une autre trompette.’’