Alors que l’extension de l’autoroute qui va jusqu’au nouvel aéroport est prêt et ne semble attendre que son inauguration, la voie qui mène de Diass à Mbour semble se chercher encore un tracé, au grand dam des usagers. Le constructeur chinois qui a en charge ce marché ne semble pas pouvoir le livrer dans les délais. Et le black-out du côté des autorités n’aide pas à trouver son chemin. Et comme pour narguer les autorités, le concessionnaire Senac Eiffage a, de son côté, déployé ses équipes partout sur le tracé.
Le prolongement de l’Autoroute à péage. Le commun des usagers sénégalais pense que cette nouvelle voie, qui va partir de Diamniadio, devrait le conduire à Mbour, ou à tout le moins à la Somone ou à Sindia, pas trop loin de la capitale de la Petite côte. Las ! Pour beaucoup, le réveil risque d’être assez douloureux, si la route est inaugurée le samedi 15 prochain, tel qu’il a été prévu. Ceux qui viendraient de Mbour, se rendront compte qu’il leur faudrait, à partir de la Somone, emprunter à un moment, une voie secondaire pour leur permettre d’accéder au nouvel ouvrage.
Mais comme dit plus haut, cela reste encore dans le domaine des hypothèses. Car le travail est très loin d’être achevé. Il semblerait que l’entreprise chinoise qui a en charge la construction de ce tronçon de route qui va de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) à Sindia, soit très largement hors délai, contrairement à la partie réalisée par la société Eiffage qui va de Diamniadio à l’aéroport en construction. Celle-là est prête depuis bien longtemps. «Le contrat qui nous lie à l’Etat du Sénégal, nous obligeait à ouvrir la voie au plus tard le 19 août 2016, sous peine de pénalités. Depuis cette date, nous sommes prêts», assure un cadre de l’entreprise. D’ailleurs, des affiches publicitaires annonçaient déjà l’ouverture pour cette période, avant d’être enlevées. Le Quotidien avait informé (n°4052 du 10 août 2016) ses lecteurs que c’est une bouderie de Macky Sall qui a obligé au report de cette ouverture. A ce niveau, il avait été dit que le chef de l’Etat trouvait les tarifs du péage trop élevés, et souhaitait qu’ils soient revus à la baisse. Ce à quoi, des personnes proches de la Direction de Eiffage/Senac font remarquer qu’aucune autorité ne les a jamais saisis officiellement, «ni par courrier ni verbalement», pour demander la baisse du prix du péage. Contacté, le ministre de l’Economie et des finances qui, avec le ministre des investissements et des partenariats, exerce la tutelle sur la concession de l’autoroute à péage, n’a pas daigné répondre aux sollicitations du journal.
Les Chinois gondolent la route
Quoi qu’il en soit, si l’ouverture de ce prolongement de l’autoroute à péage devait se faire aujourd’hui, il ne pourrait avoir de sens que pour les usagers qui iraient à l’aéroport de Diass. Au-delà des limites imparties et réalisées par la société Eiffage, l’automobiliste roulerait dans l’incertitude. D’abord, il faudrait que les pouvoirs publics précisent sur ce point, jusqu’où s’étendrait la concession du péage. Et si cette concession est confiée à Senac/Eiffage, l’entreprise devrait uniformiser les normes de transport et de sécurité sur la partie dite chinoise. Et là, il y aurait beaucoup à faire.
D’abord, l’état de la route. Ceux des automobilistes de Dakar qui empruntent l’Autoroute pour aller vers le Plateau, en passant par le pont de Hann, connaissent cette sensation. A partir du pont de Hann, il faut bien tenir le volant, car on a l’impression que la route se gondole et fait danser la danse de Saint Guy. A l’époque de la grande querelle entre Wade et l’entrepreneur Bara Tall, les autorités riaient sous cape en faisant remarquer que «le champion de la préférence nationale n’a même pas été en mesure de nous fournir une voie confortable pour la circulation». Ces mêmes personnes tentaient de se consoler en assurant que c’est grâce au partenariat avec l’entreprise chinoise Henan Chine que le travail de Jean Lefebvre n’a pas été totalement nul. Quand on dépasse Diass et la limite du chantier de Eiffage, on se demande si c’était Bara Tall qui avait handicapé les Chinois, ou le contraire.
Infrastructures inachevées
Par ailleurs, l’état de la route n’est pas la seule contrainte qui risque de se poser si l’Etat voulait faire respecter les délais. Les ouvrages d’infrastructure n’étaient pas encore achevés le mercredi dernier, au passage du journal Le Quotidien. Plusieurs ponts et passerelles avaient encore leurs échafaudages qui les enserraient, tandis que sur d’autres, la plate-forme du dessus n’était tout simplement pas fixée. Et on voyait des employés chinois en train de superviser quelques ouvriers locaux soit dans la fixation des glissières, ou dans le revêtement de quelque couche de bitume sur la chaussée. Interpellé sur le manque de guérites de péage sur ce «tronçon chinois», un cadre de Eiffage répond benoîtement : «Tout simplement parce que cette route ne fait pas partie de la concession ! Le gouvernement semble vouloir nous en confier la gestion, mais il faudrait pour cela en préciser les modalités avant tout !» Et l’obstacle qui risque d’empêcher d’arriver à cet accord, c’est la dispersion institutionnelle. Si Eiffage/Senac travaille sous la supervision de l’Agence présidentielle chargée des investissements et des grands travaux (Apix), l’entreprise chinoise elle, conduit ses travaux sous l’autorité de Ageroute, qui est une agence sous la tutelle du ministère des infrastructures et des transports terrestres. D’ailleurs, c’est à Ageroute que Le Quotidien s’est adressé pour trouver une explication au manque de confort sur ce tronçon de route et la solution pour y remédier. Malheureusement, la chargée de communication de cette structure, Mme Awa Sarr, semble s’être donné pour raison d’être de ne jamais prendre les journalistes au téléphone, et encore moins de répondre à leurs messages écrits (sms).
Bref, ce samedi 8 octobre, peu de personnes sont en mesure de renseigner si, au-delà de Toglou, où se trouve le dernier poste de péage de Senac, les usagers se rendant à Mbour ou Sindia par cette voie, seront astreints à un paiement, à l’instar de ceux qui iraient vers Dakar. Une simple question de justice sociale semble commander l’équité, mais il faudrait, assurent les cadres de Eiffage, que les autorités sénégalaises disent clairement ce qu’elles veulent. «Même le fait que le président est mécontent du niveau de prix, on l’entend par la bande et on le lit dans la presse. Mais personne, ni le président ni aucun ministre, ne nous a jamais saisis pour nous en parler», se plaint l’un d’eux.
Et il en est de même de beaucoup d’autres choses. Ainsi, de ceux qui parcourent l’autoroute et décaissent leur argent au péage, très peu savent qu’en dehors des 18% de Tva, l’Etat perçoit en plus 310 francs Cfa sur chaque 1000 francs encaissés. Et quand l’autoroute ira jusqu’à Aibd, ce montant passera à 800 francs Cfa. Mais, le plus important, indiquent les cadres sénégalais de la boîte, c’est que l’on doit savoir que «les tarifs ont été fixés lors de la signature du contrat, et ils ont été négociés sous l’autorité du chef de l’Etat, par les ministres Amadou Ba de l’Economie et Khoudia Mbaye des Ppp». Certains ajoutent même que la volonté des autorités sénégalaises à un moment, avait été de mettre 400 francs Cfa supplémentaires sur les montants actuels ; sans doute ont-elles dû reculer devant l’impopularité d’une telle mesure. Malheureusement, ces assertions n’ont pu être vérifiées, les autorités sénégalaises préférant faire le mort.
Un personnel paré pour le travail
Néanmoins, s’il y en a qui ne seront pas pris par surprise au jour de l’ouverture du second tronçon, c’est bien l’équipe de Senac
Oumar Ka, le chef opérateur Pc trouvé au Poste de contrôle de Rufisque, assure que les caméras de surveillance ont été déjà placées tout le long de l’autoroute. «Ces caméras nous permettent de surveiller l’autoroute en temps réel et de manière permanente. L’opérateur qui se trouve dans la salle peut localiser un véhicule immobilisé sur n’importe quel point de l’autoroute. L’opérateur Pc coordonne et lance les opérations sur le terrain. On a des patrouilleurs qui travaillent nuit et jour ainsi qu’une équipe de dépannage, en plus des patrouilleurs.» Le champ des caméras de surveillance a été étendu jusqu’à l’Aibd, et les équipes de surveillance couvrent déjà la zone en question.
Cette préparation s’étend jusqu’aux postes de péage. Clientèle ou pas, les agents péagers sont sur les lieux, fidèles au poste. Et ce métier de péager, qui semblait être au bout de la chaîne de responsabilité, est pris très au sérieux au niveau de la Senac. Parce que c’est celui qui est directement en contact avec les usagers. L’un de ces agents, Lucie Gomis, explique que le travail est aussi exaltant qu’il est stressant. «Nous devons toujours accueillir l’usager par un bonjour ou un bonsoir, accompagné d’un sourire et le gratifier d’un Au revoir à son départ. Le péager doit toujours être prêt à renseigner le passager et à le remettre sur sa voie s’il s’égare». Lucie Gomis est très consciente de son rôle et de l’importance du travail qu’elle accomplit pour la bonne marche de l’entreprise, et le bénéfice des automobilistes, qu’elle se dit prête à accueillir, même en grand nombre.