Doit-on aller jusqu’à instituer une loi criminalisant le déballage et le non-respect de l’obligation de réserve au Sénégal ? Interpellés par la rédaction de Sud Quotidien hier, mardi 4 octobre, Hélène Tine, député non-aligné et Pape Diallo, alias Zator Mbaye, parlementaire progressiste (Bby) pensent qu’un homme d’Etat doit savoir raison garder. Les deux parlementaires estiment pour autant qu’il ne vaut pas la peine d’arriver à la criminalisation du déballage. Toutefois, si Zator Mbaye souhaite la mise en place d’un cadre réglementaire pour décourager ceux qui seraient tentés de s’adonner à cette pratique, Hélène Tine qui trouve que les dispositions juridiques et règlementaires sur la bonne gouvernance existent déjà, propose plutôt une Commission d’enquête parlementaire pour les questions de l’heure que sont le pétrole, le gaz et Pétro Tim, etc.
PAPE DIALLO ALIAS ZATOR MBAYE, DEPUTE AFP : «Peut-être pas aller jusqu’à criminaliser mais...»
Je comprends parfaitement les préoccupations de mon cher collègue, Moustapha Diakhaté qui tente vraiment de moraliser la vie politique qui, de plus en plus, est en train d’aller vers la dérive. Parce que les hommes politiques devraient comprendre que tout le monde n’a pas la chance d’accéder à certaines fonctions de l’Etat. Par conséquent, les rares Sénégalais sur les 13 millions qui y accéderont devraient faire don de soi pour dire peu de choses de ce qu’ils savent. Un homme d’Etat devrait savoir raison garder. Il est quand même désolant qu’on en arrive à ces déballages interminables. Il faudra que les uns et les autres se penchent là-dessus pour voir quel est le meilleur modus operandi. Pour que les uns et les autres qui veulent s’adonner à cette pratique puissent être découragés à jamais.
Maintenant, nous sommes dans un pays qui s’appelle le Sénégal. Nous avons nos valeurs, notre culture politique qui font que les uns et autres devraient pouvoir raison garder. Peut-être pas aller jusqu’à criminaliser mais avoir un cadre réglementaire pour que les hommes d’Etat ne soient plus appelés à faire ce genre d’exercice.
La gestion dans la transparence n’a rien à voir dans les déballages très désordonnés, brouillons à la limite. Quand on est responsable de quelque chose, d’un secteur important de l’Etat, on y connait assez de choses importantes de sorte qu’on devrait pouvoir se taire. Ce n’est pas à chaque fois qu’on a l’occasion de parler de le faire. C’est un problème d’éducation qui devrait faire que les uns et les autres puissent s’abstenir sur énormément de questions qui pourraient conduire notre pays à la dérive.
PR MOUSSA DIAW SUR LA PROPOSITION DE MOUSTAPHA DIAKHATE : «Ce n’est pas une bonne idée»
Peut-on aller jusqu’à criminaliser le déballage ou autre non-respect des obligations de réserve pour une personnalité politique au fait des affaires jugées «secrets de l’Etat» ? La proposition ébauchée par le président du groupe parlementaire de la majorité, Bennoo Bokk Yaakaar, à savoir Moustapha Diakhaté, ne semble pas trouver l’approbation de certains observateurs de la sphère politique. Ou du moins, l’idée n’ébranle pas l’enseignant chercheur en science juridique et politique à l’Ugb, Moussa Diaw. En effet, M. Diaw pense que «ce n’est pas une bonne idée». La cause, selon lui, «c’est parce qu’on est en démocratie et il faut respecter les règles du jeu». Mieux, l’enseignant à l’Université de Saint-Louis trouve que «si chaque fois que quelqu’un dit quelque chose qui ne colle pas avec les règles démocratiques on crée une loi, on n’en finira pas». En termes clairs, il reste convaincu qu’une loi proposant la criminalisation du déballage n’est pas la bienvenue.
Pour autant, Moussa Diaw se dit d’avis que le comportement qui consiste à déballer tout ce qu’on sait pose en réalité problème. A son avis, «il pose problème sur la personnalité des hommes politiques». Ainsi, M. Diaw reste convaincu que cela montre qu’il y a quand même des faiblesses dans le comportement des hommes politiques. Pour lui, «pour être homme d’Etat, il faut avoir de la hauteur et garder les secrets de l’Etat». D’ailleurs même, il indique que cela fait partie des critères les plus importants pour un homme d’Etat. Parce qu’il estime que si on profite de sa position pour récolter quelques informations pour ensuite les divulguer, «on n’est plus un homme d’Etat». Pis, soutient-il, «on ne doit pas les utiliser à des fins politiques, ou pour séduire ou encore pour se rapprocher de telle ou telle personnalité politique».
Par conséquent, pour trouver le juste milieu entre la nécessité de respecter le devoir de retenue et le respect du jeu démocratique, Moussa Diaw est d’avis qu’il faut poser le débat. Parce que, selon lui, «si chacun, compte tenu de sa position, se permet de déballer, on n’est plus dans un Etat qui a besoin de garder certains secrets qui sont dans la logique de son fonctionnement, sa stabilité, sa cohérence». Il conclura que «la politique n’est pas une fin en soi. C’est un moyen pour rendre service aux populations et à son pays».
HELENE TINE, DEPUTE NON-ALIGNE : «Ce n’est pas à cause d’Ousmane Ngom qu’on va aller criminaliser le déballage»
J’ai lu hier, la déclaration d’Ousmane Ngom. Par rapport à cette question, on aura beau légiférer, même criminaliser dans le Code pénal, si les gens n’ont pas d’éthique, on n’y pourra rien. Je pense que c’est fondamentalement une question d’éthique. D’abord, le fait d’utiliser des condoléances, pour déballer, c’est indécent. C’est contre la morale. Je ne comprends pas qu’on aille dans les condoléances et qu’on saisisse l’occasion pour essayer de tirer la couverture de son côté. En tout cas, de faire plaisir au prince. C’est une question d’éthique et il faut que les gens sachent raison garder. La tradition appelle à la décence quand on va présenter des condoléances. Ce n’est pas la première fois. On a vu qu’à chaque fois que le président va présenter des condoléances, on en profite pour essayer de parler de politique politicienne. La dernière fois, c’était par rapport à ce qui s’est passé entre Wade à Macky. Ces gens-là ne sont pas des hommes d’Etat. Je pense que ce qu’Ousmane Ngom nous a montré, en tout cas nous la génération qui l’a suivi de Wade à Diouf, à Wade encore, et aujourd’hui à Macky, nous ne sommes pas surpris par son comportement.
Toutefois, je ne pense pas qu’on aille jusqu’à criminaliser le déballage. Aujourd’hui, nous avons tellement de dispositions juridiques et règlementaires sur la bonne gouvernance. Mais, on ne les met pas en œuvre. Ce n’est pas le fait que ces dispositions manquent dans le Code pénal. Je pense que ça ne vaut pas la peine parce que ce sont des gens qui sont déjà dans les poubelles de l’histoire, depuis longtemps. Parce qu’ils se sont retournés dans toutes les situations pour aller rejoindre le camp gagnant. Donc, ce n’est pas à cause de ces gens-là qu’on va aller criminaliser le déballage. D’ailleurs, c’est quoi le déballage ? Comment va-t-on le qualifier ? Ce sont des gens qui manquent d’éthique et de morale. Ce ne sont pas des hommes d’Etat.
Maintenant, je pense qu’il ne faut pas qu’on nous divertisse. Aujourd’hui, il y a des questions fondamentales qui interpellent le Parlement. La question du pétrole, de Pétro Tim, du gaz : l’Assemblée doit prendre ses responsabilités et aller vers une Commission d’enquête parlementaire. Depuis 2012, cette législature n’a jamais mis en place une Commission d’enquête parlementaire. On s’est focalisé sur des déclarations qui ne méritent même pas une attention. Je demande au président du groupe parlementaire de porter cette question-là. Parce que c’est dans l’intérêt du régime actuel qu’on clarifie cette question du pétrole, de Pétro Tim. Pour qu’on retourne au travail et qu’on s’occupe d’autres choses. Il ne faut pas qu’on se laisse divertir par des gens qui ne méritent pas qu’on punisse un enfant.