La cybercriminalité au Sénégal n’est pas l’apanage des étrangers que certains indexent souvent à tort ou à raison. Il existe aussi des Sénégalais qui s’activent dans des pratiques peu orthodoxes sur internet. Hier, deux compatriotes ont été attraits devant la barre du Tribunal des flagrants délits de Dakar par la banque Microcred. Il s’agit de El Hadji Thierno Mouhamed Lamine Ba, administrateur du système informatique et de son acolyte Mame Mor Asta Kébé.
Il ressort du procès-verbal d’enquête que les deux prévenus ont frauduleusement retiré plus de 5 millions de francs Cfa dans les comptes de clients de l’institution financière. Grand connaisseur du réseau, El Hadji Thierno aurait trouvé les moyens de modifier l’empreinte digitale et de changer des mentions de plusieurs propriétaires de compte. A la place, il a introduit l’empreinte de son complice, Mame Mor Asta Kébé, qui finira par entrer en action. Il aurait effectué plusieurs retraits dans des comptes d’autrui à Dakar. Mais c’est à Kaolack qu’il sera démasqué grâce à la vidéo-surveillance qui veille sur les entrées et sorties des gens.
Devant les juges, l’auteur principal supposé de ces faits qui ont eu lieu entre avril et juin les a reconnus à moitié. D’emblée, il a avoué avoir agi de la sorte pour se venger de ses employeurs pour «licenciement abusif» au moment où il était en «convalescence» après un accident. Autre élément, il dit avoir accédé à un seul compte et non à plusieurs, comme indiqué.
Dans leurs plaidoiries, les avocats de la partie civile ont soutenu le contraire. Selon les conseillers de l’institution financière, Microcred avait constaté d’abord une opération frauduleuse sur le compte d’un tiers en avril. Ses soupçons s’orientent vers la personne de El Hadji Thierno. Interrogé, ce dernier a nié toute implication dans cette affaire. Ce qui est plus curieux, selon les robes noires, l’employé aurait supprimé l’historique du système de son ordinateur afin de brouiller les pistes aux contrôleurs. C’est alors qu’il sera renvoyé de l’entreprise. Non content de cette décision, il va porter son combat devant le Tribunal du travail pour réparation.
Situation troublante ! Quelques mois après, un autre client subit le même forfait par le même modus operandi que lors de la première affaire. Un coup qui sera fatal à l’ami du principal prévenu qui est allé retirer l’argent à la banque. Interpellé, Mame Mor n’a pas tardé à livrer le nom de El Hadji Thierno Mouhamed Lamine Ba aux enquêteurs. «C’est tout un système de confiance qui a été ruiné», avancent les avocats de la partie civile faisant référence aux préjudices subis. Ils ont réclamé 25 millions francs Cfa pour réparation.
Pour le Parquet, les deux mis en cause sont de mauvaise foi en voulant nier partiellement les faits. Par conséquent, le procureur a requis 6 mois d’emprisonnement ferme pour chacun d’entre eux. Devant l’aveu de ses clients, la défense a laissé entendre qu’ils «ont commis une grosse bêtise et une erreur de jeunesse, qu’ils ont tort, qu’ils sont coupables». Ces avocats ont plaidé l’application «extrêmement bienveillante de la loi pénale». Ils ont été par la suite reconnus coupables d’association de malfaiteurs, d’accès frauduleux dans un système informatique, d’introduction frauduleuse de données dans un système informatique, de complicité d’escroquerie via un système informatique. Les prévenus ont écopé de 3 mois de prison ferme et sont condamnés à payer solidairement 4 millions 500 mille francs Cfa en guise de dommages et intérêts.