Si les détenus de Rebeuss réclament un jugement, ceux du Camp pénal, particulièrement les personnes inculpées pour terrorisme, réclament un meilleur traitement. L’isolement, la privation de visite, sont entre autres le régime auquel sont soumis imam Alioune Badara Ndao et ses coïnculpés que, à ce qu’on dit, la dépression guette.
La Maison d’arrêt et de correction de Camp Pénal de Liberté IV est considérée par les détenus comme un paradis par rapport à la Maison d’arrêt de Rebeuss. Cette vision n’est pas partagée par les personnes inculpées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elles se croient plutôt en enfer. D’ailleurs, les conditions sont telles que les familles de ces détenus promettent de se faire entendre. En effet, d’après nos sources, Imam Alioune Badara Ndao et ses coïnculpés sont en train de vivre un calvaire à cause de leurs conditions draconiennes de détention. D’après nos sources, non seulement ils sont confinés dans des cellules exigües, mais ils n’ont droit qu’à une promenade de 30 minutes, alors qu’habituellement, les promenades durent deux heures. ‘’Ils sont confinés 23h30/24’’, confie une source proche du dossier qui dénonce également la restriction dans les visites autorisées seulement aux parents proches des détenus.
Encore que ce n’est pas le cas pour tous les détenus, d’après un avocat qui dit avoir bataillé ferme pour que son client puisse recevoir la visite de son épouse. Cet isolement a impacté négativement sur la santé de certains détenus qui, d’après nos sources, sont obligés de faire un tour à l’infirmerie de la prison. Certains auraient même commencé à faire des dépressions. C’est le cas, nous dit-on, de l’étudiant Ousseynou Diop inculpé pour apologie au terrorisme, suite à un message posté sur sa page Facebook. Il aurait été interné à l’hôpital psychiatrique de Fann.
Outre les conditions de détention, les conseils et proches des présumés terroristes dénoncent la manière dont le dossier est géré. ‘’C’est scandaleux ! Tous les dossiers des personnes arrêtées pour présumé terrorisme et blanchiment d’argent sont confinés par le Doyen des juges sans distinction, alors qu’il n’y a forcément aucun lien’’, fustige un des avocats des inculpés qui déplorent le fait que leurs clients soient trimbalés de prison en prison.
En fait, incarcérés à Rebeuss, Imam Ndao et Cie avait été transférés à la prison de Saint-Louis, avant d’être ramenés à Dakar et emprisonnés au Cap Manuel, pour certains. Par la suite, les inculpés ont été incarcérés au Camp pénal de Liberté VI où ils ne sont pas traités comme les autres prisonniers, car considérés comme des terroristes. D’ailleurs, il est même envisagé leur transfèrement à Sébikotane. Toujours est-il que les avocats dénoncent la violation des droits de la défense.
‘’Le traitement qu’on leur inflige est contraire aux règles minima de détention et à la présomption d’innocence. Il s’y ajoute qu’il n’y a jamais eu d’attentat au Sénégal, même si c’est avéré que certains d’entre eux ont séjourné chez les djihadistes’’, dénonce un conseil qui fait savoir que parmi ceux qui sont accusés de terrorisme, il y en a qui fument de la cigarette et n’ont pas de connaissance islamique. ‘’On a mélangé de vrais terroristes à des gens qui n’ont rien à voir avec le terrorisme et ceci risque de créer une radicalisation que le gouvernement craint’’, met en garde une robe noire. Sur sa lancée, il pense que si ses confrères ne font pas attention, leurs clients vont croupir longtemps avant d’être jugés.
La lettre de Me Borso Pouye au ministre de la Justice
D’après ses explications, à cause des différents recours, le dossier est éclaté entre les différentes juridictions (la Chambre d’accusation, la Cour suprême). Or, tant que les recours ne sont pas vidés, le Doyen des juges ne peut pas clôturer l’instruction. D’ailleurs, il y a un mois, Me Borso Pouye, avocat de l’inculpé Ibrahima Ly, avait adressé une correspondance au ministre de la Justice pour l’interpeller sur les conditions de détention de son client.
‘’Les conditions actuelles de détention au Camp Pénal étant, selon notre client, inhumaines, il nous a informé qu’il entend ne plus s’alimenter. En effet, le sieur Ibrahima Ly nous a déclaré, lorsque nous l’avons rencontré en présence de gardes pénitentiaires, qu’il est dans une petite cellule qu’il partage avec un codétenu poursuivi des mêmes chefs, laquelle n’est pas ventilée et ne comporte aucune commodité. Il s’y ajoute que les détenus admis dans ce secteur ne bénéficient que de 30 minutes de «cour»’’, écrivait la robe noire.
L’imam de Kaolack et ses présumés complices, dont plus d’une dizaine, sont inculpés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, acte de terrorisme, apologie du terrorisme, financement du terrorisme, blanchiment de capitaux dans le cadre d’activités terroriste en bandes organisées et complicité.