Dans les hôpitaux le vendredi, puis à la Maison d’arrêt de Rebeuss le samedi. Le ministre de la justice a rencontré les détenus et les blessés dans le week-end. D’après Me Sidiki Kaba, les mutins de mardi dernier ont présenté des excuses pour leurs actes, tout en formulant des doléances. Une série de mesures est annoncée allant dans le sens de rendre la vie carcérale plus humaine au Sénégal.
Le ministre de la Justice a été, samedi dernier, à la prison centrale de Rebeuss. Me Sidiki Kaba s’est entretenu avec les détenus, après avoir rendu visite, la veille, aux blessés de la mutinerie de mardi dernier qui sont toujours hospitalisés à l’hôpital Principal et au pavillon spécial, afin de les réconforter, dit-il. Face aux journalistes, le patron de la Justice a confirmé l’identité de la victime déjà révélée par Wal fadjri dans son édition du week-end. Le détenu décédé s’appelle donc bien Ibrahima Fall, déclare-t-il, sans plus de détails. Selon la tutelle, le corps du défunt est en attente d’une autopsie qui aura lieu lundi (aujourd’hui). De même, une enquête est ouverte pour connaître les circonstances de la mort de M. Fall. Les résultats seront portés à la connaissance des médias, donc du grand public, promet l’autorité.
S’agissant du contenu de sa visite, d’après le ministre, les manifestants ont présenté leurs excuses pour ce qui s’est passé. Ce qui ne les a pas empêchés de formuler des exigences. Le ministre Sidiki Kaba, qui a rapporté leurs doléances, soutient qu’elles sont au nombre de trois essentiellement : la fin des longues détentions préventives, la permanence des chambres criminelles et la question du surpeuplement. Sur ce dernier point, le ministre s’est livré à un aveu clair. ‘’La surpopulation carcérale est une réalité. Il faut reconnaître le mal et apporter une solution’’, admet-il. Même si pour lui, cette situation n’est pas exclusivement sénégalaise, puisque, ajoute-t-il, en France, son collègue en charge du même département a fait savoir récemment que le pays de Marianne a besoin de 10 000 à 20 000 places supplémentaires pour la population carcérale.
Mais le ministre sait que cette comparaison ne dédouane nullement le Sénégal. Place donc aux mesures prises par le gouvernement. D’abord la suppression des cours d’Assises. D’après l’ancien patron de la FIDH, le résultat de cette décision est que 4 sessions sont désormais organisées par an, depuis deux ans. Ce qui n’a pas suffi. Ainsi, dans l’immédiat, Sidiki Kaba a promis aux prisonniers que 3 sessions seront organisées, d’ici la fin de l’année, après les vacances judiciaires. Dans la durée, il est prévu de rendre permanentes les chambres criminelles. Le ministre espère que le conseil des ministres du 28 septembre adoptera le projet de réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. Ce qui serait un pas décisif.
En plus, le 29 de ce mois, il procédera à l’inauguration et à l’installation de la Cour d’appel de Ziguinchor. En fait, jusqu’ici, les dossiers en appel dans les régions enclavées de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou sont examinés dans la capitale sénégalaise, à des centaines de kilomètres. ‘’Avec l’installation de cette cour, ces affaires ne seront plus jugées à Dakar. C’est l’autonomie judiciaire, c’est la proximité des citoyens avec la justice. C’est un accès plus direct à la justice et un des points importants du programme de modernisation’’, fait-il remarquer.
44 gardiens pour 2 090 détenus
Ensuite, il y a le volet infrastructure. La prison de 1 500 places à Sébikhotane a du mal à trouver financement. L’autorité a déclaré que l’arbitrage budgétaire permettra d’avoir une partie des fonds pour procéder à la construction. Mais en attendant, ajoute-t-il, un pénitencier de 500 places est déjà construit dans l’ancienne prison. Autant de faits qui, aux yeux du ministre, sont la preuve que le gouvernement n’a pas été attentiste. ‘’Nous n’avons pas attendu les évènements pour agir. Il y a une stratégie bien établie de lutte contre la surpopulation carcérale’’, soutient-il.
Sur le plan sanitaire, le président de la commission des Etats partie a indiqué que le centre médico-social inauguré en février dernier vient d’acquérir une chaise dentaire. Un équipement qui, souligne le ministre, peut paraître banal aux yeux de l’opinion. Mais, précise-t-il, 500 détenus attendent de recevoir des soins médicaux. ‘’Il fallait les amener à l’hôpital. Désormais, ils seront soignés sur place’’, se réjouit-il.
Revenant sur la mutinerie, Sidiki Kaba affirme que la situation était particulièrement grave. Et il le dit avec insistance. ‘’Retenez bien le chiffre ! Ils étaient 44 (gardiens) devant 2 090 détenus. S’il n’y avait pas de professionnalisme, il y aurait eu des morts. Ils ont eu à tirer en l’air. Ils ont usé de toutes les ruses, de tous les actes qui leur ont permis de maintenir le flot de détenus qui avait déjà cassé une porte pour sortir’’, interpelle-t-il. Malgré tout, dit-il, il n’y a pas eu d’évasion. Ce qui, le cas échéant, mettrait tout le quartier de Rebeuss en danger. La mutinerie a eu lieu mardi dernier vers 11h. 600 détenus ont foncé vers la sortie à l’heure de visites et de promenade, d’après l’administration pénitentiaire. Il y a eu un mort et 27 blessés. Aujourd’hui il reste 6 parmi eux à l’hôpital Principal et 3 au pavillon spécial.
Sidiki Kaba, porte-parole des détenus
A l’origine, on pensait que ce serait un exercice de transparence. Mais à l’arrivée, il s’est révélé être une opération de communication. Dans le communiqué du département de la Justice, il est dit que le ministre rencontre les détenus à Rebeuss pour ensuite aller rendre visite aux blessés dans les hôpitaux. Annoncé à 9h, Sidiki Kaba est arrivé à la prison au-delà de 10h 30 mn. A l’intention de l’assistance, il souligne qu’il a fait, la veille, le déplacement à l’hôpital avec ses services. Un premier coup de bluff.
Pour rencontrer les détenus, Sidiki fait savoir aux cameramen qu’ils ne peuvent pas filmer pour des raisons de dignité. Ce qui se comprend aisément. On lui propose alors de ranger caméras et appareils photos pour écouter ce que diront les ‘’révoltés’’ de mardi dernier. Mais là aussi, c’est un refus certes courtois, mais catégorique. L’entretien a donc eu lieu en huis clos. Et à la sortie, puisqu’il s’agit d’une rencontre bipartite, on s’attendait à ce que chaque camp parle pour son compte. Autrement dit, qu’il y ait un porte-parole des détenus pour parler aux médias. Mais non, le ministre a été le seul à s’être placé devant les micros. À l’absence des détenus, aperçus nulle part par les journalistes, le ministre s’est fait leur porte-parole. A-t-il rendu compte de tout ce qu’on lui a dit ? Allez savoir !