Au Sénégal, 14 ans après le naufrage du Joola au large de la Gambie qui a fait près de 2.000 morts, "beaucoup de familles ont encore du mal à faire le deuil" de la disparition de leurs proches et espèrent que "la vérité" soit dite sur cette catastrophe.
Le 26 septembre 2002, le Joola, ferry sénégalais qui assure la liaison entre Ziguinchor, en Casamance, dans le sud du pays et Dakar, a fait un naufrage au large de la Gambie. Le bilan officiel fait état de 1.863 morts et 64 rescapés.
Depuis cette date, "beaucoup de familles ont encore du mal à faire le deuil" de leurs proches disparus et espèrent surtout le "renflouement" de l’épave du bateau et que la lumière soit faite sur cette tragédie.
Député-maire de Dalifort, dans la banlieue dakaroise, Idrissa Diallo a perdu ses trois fils âgés de 15, 13 et 8 ans, dans le naufrage causé, entre autres, par le dépassement du nombre maximal admissible de passagers.
"C’est tout ce que j’avais comme fils", soupire le maire socialiste. "Nous souffrons, jusqu’à présent, la douleur est là", affirme t-il le regard absent.
A son domicile, c’est encore "pénible". Son épouse "passe son temps à pleurer des journées durant" tandis que ses deux filles nées après le drame "réclament leurs frères qu’elles n’ont jamais connus".
Vêtu d’un grand boubou blanc, le maire de Dalifort accuse le gouvernement de n’avoir pas "donné le minimum aux parents de victimes, c’est-à-dire un lieu de recueillement".
"Le bateau on l’attendait pour ça, on n’a pas eu la vérité, c’est une perte sèche à tout point de vue", martèle-t-il, accoudé à l’un des fauteuils de son bureau.
Le gouvernement sénégalais "a fait deux choses" dans ce dossier du Joola. L’indemnisation "de 1.400 à 1.500" parents de victimes soit 10 millions Fcfa chacun, et "une prise en charge en retard" depuis 2012 des orphelins encore mineurs.
La loi, votée en 2006, a été appliquée en 2012, dix ans après le naufrage "sans rétroactivité". Les enfants qui "avaient huit ans en 2002 n’ont pas bénéficié de cette indemnisation, la plupart ont perdu papa et maman, et l’Etat ne s'est jamais soucié de ça, c’est ce qui fait le plus mal", se désole le président des victimes.
Ce qu’il reproche surtout au gouvernement, c’est la "non assistance aux personnes" qui étaient en danger dans ce ferry.
"Je n’ai pas de problème avec l’accident ça peut arriver à chaque instant, ce que je reproche à l’Etat, c’est la non assistance aux personnes qui étaient en danger, un navire qui coule les gens ne meurent pas tous en même temps, estime Idrissa Diallo, évoquant un "crime organisé".
Pour lui "Abdoulaye Wade a organisé un sacrifice humain pour se maintenir au pouvoir. Le navire a coulé vers 23H00, (l’ancien président) a été informé à minuit", déplorant un secours tardif aux victimes.
En 2003, la justice sénégalaise a classé le dossier du Joola, en concluant à la seule responsabilité du commandant de bord disparu dans le naufrage.
Aujourd’hui "incapable de se rendre en bateau" en Casamance pour ne "pas passer à côté de ses enfants bloqués" sous l'épave du Joola, Idrissa Diallo attend "le musée mémorial" en hommage aux victimes à Ziguinchor, l’une des "revendications des familles".
"Si Macky Sall le fait, ce serait peut être un pas dans cette affaire, mais entre le projet et la réalisation, moi j’attends que les choses se réalisent pour apprécier", affirme le député qui soutient la candidature du maire socialiste de Dakar Khalifa Sall à la présidentielle de 2019 contre l’actuel président.
EFI