Après les révélations de l’enquête de l’ONG suisse Public Eye sur le carburant toxique, les associations de consommateurs sont sur le pied de guerre.
Sitôt le scandale sur le carburant toxique soulevé, les consuméristes sénégalais sont montés au créneau pour exprimer leurs craintes. Et c’est le directeur exécutif de l'institut panafricain de recherche, de formation et d’action pour la Citoyenneté, la Consommation et le Développement en Afrique (Cicodev Africa), qui s’est le premier rebiffé. Furax, Amadou Kanouté estime que les associations consuméristes doivent marquer le coup après le scandale du diesel frelaté.
‘‘Je serai pour que toutes les associations de consommateurs se retrouvent, et qu’à partir de l’étude de Public Eye (ONG suisse), elles puissent ester en justice et demander que les dommages et intérêts soient payés à l’Etat et aux citoyens qui ont été fraudés. Il faut obtenir quelque chose, même si c’est symbolique’’, déclare-t-il. Et de poursuivre : ‘‘c’est tout le développement qui est remis en cause car on sape la santé, qui est mère de tout. Sa centralité dans les politiques de développement en Afrique n’est plus à démontrer. Il faut une grande coalition consommateurs, environnementalistes, développementalistes, droit-de-l’hommiste pour mettre fin à ces pratiques’’.
Du côté de l’association des consommateurs sénégalais (Ascosen), l’éventualité d’une action en justice n’est pas à exclure. ‘‘Nous n’excluons pas des poursuites judiciaires mais il faut que l’on ait des résultats incontestables d’analyse prouvant que les produits au Sénégal ne sont pas conformes d’une part ; et d’autre part de faire la traçabilité pour situer toute le chaîne de responsabilités qui sont à la base de ces manquements’’, confirme Momar Ndao.
Les associations de défense des consommateurs ne semblent pas surprises par les pratiques dolosives des négociants pétroliers suisses dont le diesel d’une teneur excessive en soufre, entre 1340 et 2940, a inondé le marché africain, selon une étude menée par Public Eye Suisse entre 2013 et 2015. Si le directeur exécutif de Cicodev se souvient de l’interdiction de l’importation des ailes de dinde, le président de l’Ascosen, Momar Ndao, se rappelle du lait frelaté en provenance de Hollande, qui malgré les certificats de conformité apparents ne respectaient aucune spécificité mentionnée sur les documents officiels. ‘‘Nous ne pouvons pas comprendre que quand nous exportons des produits dans l’Union européenne, on nous impose des normes extrêmement draconiennes alors que dans le sens inverse, il n’y pas pratiquement aucun regard sur la qualité’’, s’insurge M. Ndao.
Trafigura, 10 ans après
Addax & Oryx, Vitol, et Trafigura sont les négociants suisses incriminés par le rapport ‘‘dirty diesel’’ de Public Eye. La dernière société citée n’est pas à son coup d’essai en Afrique de l’Ouest. Il y a une décennie, elle était impliquée dans l’Affaire du Probo Koala en Côte d’Ivoire. Ce navire pétrolier rempli de déchets toxiques avait déchargé au port d'Abidjan 581 tonnes de déchets toxiques en août 2006 (un mélange de pétrole, de sulfure d'hydrogène, de phénols, de soude caustique et de composés organiques sulfurés). Un geste qui avait occasionné la mort de 17 personnes et l'intoxication de dizaines de milliers d’autres.
Malgré ses dénégations, Trafigura a été condamnée à un million d’euros d’amendes en juillet 2010, par un tribunal d’Amsterdam. ‘‘Je suis surpris que des entreprises qui clament haut et fort qu’elles respectent les chartes comme la Responsabilité sociétale d’entreprise puissent se jouer des populations et des Etats de cette manière. Ce sont ces mêmes entreprises qui importent ce pétrole au point de dire ‘‘qualité Afrique’’, comme quoi on peut envoyer des produits sous-standard dans le continent qui devient finalement le dépotoir’’, se plaint le secrétaire exécutif de Cicodev Africa.
Le président de l’Ascosen ne comprend pas non plus ce ‘‘préjugé qui veut qu’une certaine qualité pour l’Afrique n’en vaille pas la peine. C’est un système mis en place et ils ont même qualifié cela de ‘‘qualité Afrique’’. Nous pensons que c’est un scandale c’est inacceptable ! Nous ne sommes pas des consommateurs de seconde zone mais des consommateurs tout court. Nous devons avoir les mêmes droits et avantages quels que puissent être les produits qui nous sont servis’’, fustige Momar Ndao qui appelle l’Etat du Sénégal à opérer des prélèvements aléatoires dans les stations des enseignes concernées.
Santé publique
Par-dessus tout, ce sont les conséquences qui inquiètent, dans le domaine de la santé publique particulièrement. Après la bataille pour l’interdiction de l’importation des voitures de 5 à 8 ans, l’opposition à la Convention de Cotonou, la pollution à Dakar, et le constat de la faiblesse des législations ouest-africaines dans le secteur des hydrocarbures, Amadou Kanouté s’inquiète des implications sanitaires. ‘‘Cette approche de toujours sacrifier la qualité de la vie, de l’environnement sur l’autel de la pauvreté n’est pas quelque chose qui est durable.
On ne peut pas dire que les gens sont pauvres, on les laisser consommer de l’essence ou du carburant toxique. Les cas de maladies respiratoires ou cardiovasculaires vont augmenter. En définitive économiser 10 francs sur le litre d’essence pour se retrouver à payer des factures à l’hôpital de 50 milles francs, n’en vaut pas la peine. L’Etat doit agir en bon père pour protéger ses enfants contre ce qu’il estime bon pour lui aujourd’hui et qui, à long terme se révèle nocif’’, poursuit M. Kanouté. Son organisation estime qu’à quelque chose malheur est bon. ‘‘Il faut qu’il y ait des cas comme ça pour que les gens sursautent. Il va falloir mettre la pression sur nos gouvernants pour qu’ils s’assurent qu’on n’est pas en train de vendre des produits toxiques aux citoyens. On ne sera plus des prêcheurs dans le désert. Les gens vont devoir nous écouter et prendre en compte ce que nous disons’’, conclut-il.
SOUFRE-DOULEUR
Impact sur la santé
On peut facilement trouver le soufre dans l'environnement sous forme de sulfure. Lors de différents procès, on rejette dans l'environnement des composés soufrés qui peuvent avoir des conséquences néfastes pour les animaux ou pour l'homme. Ces composés soufrés gênants sont aussi formés dans la nature lors de divers réactions, la plupart du temps lorsque des substances qui ne sont pas naturellement présentes ont été ajoutées. Ces liaisons sont indésirables car elles ont souvent une mauvaise odeur et elles sont souvent toxiques.
Globalement, les substances sulfuriques peuvent avoir sur la santé les effets suivants:
Effets neurologiques et modification du comportement ; perturbation de la circulation sanguine ; problème au cœur ; problèmes aux yeux, problèmes de vision ; problème de reproduction ; dommages sur le système immunitaire ; désordre gastro-intestinal ; problème de fonctionnement du foie et des reins ; défaut de l'ouïe ; perturbation du métabolisme hormonale ; problème dermatologique ; suffocation et embolie pulmonaire.