Depuis son accession à la magistrature suprême en 2012, le chef de l’Etat, Macky Sall a mis sur pied un certain nombre d’institutions, dont le Conseil économique, social et environnemental (Cese), le Haut conseil du dialogue social (Hcds), tout comme la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt), sans oublier le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct). Ces organes ont pour mission, soit d’améliorer la concertation entre les différents acteurs territoriaux (Cndt), soit de faciliter ou procéder à des médiations entre acteurs sociaux (Hcds), ou encore de favoriser la coopération des différentes catégories professionnelles entre elles (Cese), ainsi que de concourir au renforcement du dialogue entre l’Etat et les acteurs territoriaux (Hcct). Toutes ces institutions, ou presque, cherchent en fait à instaurer la culture du dialogue.
Sous peu, le chef de l’Etat, Macky Sall va procéder à l’installation du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), créé par la loi organique n° 2016-24 du 14 juillet 2016. Une Institution, comme toutes les 3 autres créées par le président en exercice, à savoir le Conseil économique, social et environnemental (Cese), le Haut conseil du dialogue social (Hcds), ainsi que la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt), qui a, entre autres missions, de faciliter le dialogue.
HCCT : un œil sur les politiques de décentralisation
En effet, le Hcct est une assemblée consultative qui a pour mission d’étudier et de donner un avis motivé sur les politiques de décentralisation, d’aménagement et de développement du territoire. Composée de 150 membres, dont 80 élus parmi les conseillers municipaux et départementaux et 70 nommés par le président de la République, cette nouvelle institution de Macky Sall a, entre autres missions, de concourir au renforcement du dialogue entre l’Etat et les acteurs territoriaux. Elle élabore un rapport annuel destiné au Président de la République, qui peut, par ailleurs, la saisir pour avis.
CNDT : S’intéresser au mécanisme de coopération territoriale
Cette prérogative est tant soit peu prêtée aussi au Cndt, crée par décret présidentiel n°2015-1971, en date du 21 décembre 2015. Présidée par Djibo Leyti Ka, cet organe consultatif est chargé d’assister le président de la République dans la définition de mécanisme de coopération territoriale, d’accompagner le Gouvernement dans la promotion des groupements d’intérêt communautaire et d’aider les collectivités locales à la mise en place de groupements d’intérêt communal et d’établissements publics territoriaux. Mieux, ladite institution a pour objet de faciliter les relations entre gouvernement et collectivités locales d’une part, et d’autre part entre collectivités locales afin d’améliorer la concertation entre acteurs territoriaux. Ladite commission nationale regroupe diverses entités, dont un représentant de la primature, des représentants de différents ministères, ainsi que ceux de l’hémicycle, du Cese, de l’Ams, etc.
HCDS : facilitations et médiation sociales
Parlant toujours d’Institutions qui ont pour mission de faciliter la concertation entre acteurs, il convient de citer aussi le Haut conseil du dialogue social, qui s’est substitué au Comité national du dialogue social. Sous la présidence de l’ancienne ministre, Innocence Ntap Ndiaye, cet organe tripartite national de dialogue social regroupe des représentants du gouvernement, du patronat, ainsi que ceux des organisations syndicales. Le Hcds a, en outre, pour mission de procéder à des facilitations et à des médiations sociales entre les acteurs sociaux. Il doit aussi mettre en place des mécanismes adaptés de dialogue social à l’échelle nationale et sectorielle, notamment au niveau des branches et des entreprises. Chaque année, Mme Ndiaye et son équipe sont tenues de produire un rapport sur l’état du dialogue social, à soumettre au président de la République. Lors de la présentation du premier rapport 2015 du Hcds, Macky Sall a décidé de renforcer les moyens dudit conseil en portant le budget à 200 millions de Fcfa.
CESE : rôle d’expertise dans les domaines économique, sociale…
Dans la même veine, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) reste une assemblée consultative disposant d’une expertise dans les domaines économiques, sociaux, culturels et environnementaux. L’institution dirigée par Aminata Tall est consultée par le chef de l’Etat, le gouvernement, tout comme l’Assemblée nationale, pour avis sur l’ensemble des questions d’ordre économique, social et culturel. Auprès des pouvoirs publics, le Cese constitue un médiateur dans les conflits sociaux. Il favorise, par son activité, une collaboration harmonieuse entre les différentes communautés. Logé dans le budget de la présidence, le Cese pèse, pour l’exercice de l’année 2016, 9 milliards 102 millions 087 mille F Cfa contre 9 milliards 353 millions 961 mille 724 F Cfa, en 2015.
RAPPORTS OU AVIS PRODUITS PAR LES INSTITUTIONS CREEES PAR MACKY : Quid des recommandations faites à l’Etat et au gouvernement ?
Toutes considérées comme des organes ou assemblées consultatives, les institutions créées par le chef de l’Etat, Macky Sall ont pour vocation, entre autres, de produire des rapports annuels, ou tout simplement des avis ou recommandations. Cependant, force est de reconnaitre qu’il n’existe aucune lisibilité sur la suite réservée aux documents produits par ces institutions, comme indiqué dans la loi organique de certaines de ces institutions.
Le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), le Conseil économique, social et environnemental (Cese), tout comme le Haut conseil du dialogue social (Hcds) et la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt), sont tous des organes ou assemblées consultatives. Chaque année, ces institutions, crées par l’actuel président de la République, doivent produire des rapports à soumettre à Macky Sall. En effet, dans ses missions, le Cndt doit fournir au président de la République et au Gouvernement, les analyses nécessaires au renforcement des ressources humaines, matérielles et financières des collectivités locales. Il en est de même pour le Hcds qui a l’obligation d’établir le rapport annuel sur l’état du dialogue social et de le soumettre au président. Il n’en est pas moins pour le Cese qui, lui aussi, peut se saisir de l’examen de questions économiques, sociales et financières, entreprendre à cet effet les études et enquêtes nécessaires et émettre en conclusion, les avis et suggestions de réforme. Il est ainsi saisi par le Président de la République, par le Parlement ou le Gouvernement, de demandes d’avis ou d’études.
Quid cependant de ces avis ou études produits par ces différents organes consultatives ? Si, pour le moment, l’on ne peut parler de rapport du Hcct ou du Cndt, car nouvellement mis sur pied ou encore en voie d’être mis sur orbite, il n’en demeure pas moins que le Cese et le Hcds ont tous rendu leurs rapports annuels. Le 26 mai dernier, Innocence Ntap Ndiaye, patronne du Hcds avait présenté un document à Macky Sall, qui met l’accent sur la mise en place de mécanismes de veille, d’alerte et de prévention des conflits. Les services d’Aminata Tall comptent à leurs actifs 14 rapports et avis, tous remis à Macky Sall. Lors de la présentation des rapports annuels 2014-2015, le 26 mai dernier, le Cese a formulé 8 recommandations, dont le financement de l’entreprise sénégalaise et la participation des nationaux au Pse, une prévention et une gestion des crises dans l’espace scolaire et universitaire en vue d’une paix sociale durable, etc. Qu’en est-il à ce jour ? Les opposants au régime actuel diront, à tort ou à raison, que tous les rapports produits par ces Institutions, comme les autres, sont rangés aux oubliettes. Des critiques qui ne trouveront jamais l’assentiment du camp au pouvoir. Toutefois, dans la loi organique relative à la création du Cese, il est clairement indiqué, en son article 6, que «chaque année, le Gouvernement fait connaître au Conseil économique et social, en assemblée, les suites données à ses études et avis». L’on n’a pas souvenance du respect de cet article 6, qui devait permettre d’avoir une lisibilité sur la suite réservée aux avis, recommandations, et autres études ou rapports produits.
REACTIONS SUR LES INSTITUTIONS SOCIALES
MOUSTAPHA SOURANG, PRESIDENT DE L’UNP, MEMBRE DE L’EFOP : «On n’a pas besoin d’avoir autant d’institutions dédiées au dialogue social»
À mon avis, ces institutions ne servent pas à grand-chose sinon à caser une clientèle politique. Au Sénégal, la politique est souvent perçue comme un partage de gâteau surtout pour les gens du pouvoir. En plus, il y’a beaucoup de frustrations dans le camp présidentiel, certainement, c’est ce qui justifie cette prolifération des institutions en vue de caser un personnel politique afin d’atténuer les conflits qui pourraient surgir lors de la confection des listes pour les législatives de 2017.
Aujourd’hui, il suffit de demander à n’importe quel citoyen sénégalais, il vous dira qu’il ne voit pas concrètement l’utilité de ces institutions. Mieux, il vous dira que ce sont des institutions budgétivores qui consomment beaucoup d’argent qui pourraient servir à autre chose. Moi, je pense qu’à la place du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), on aurait pu simplement, chaque année, tous les six mois, organiser quelque part, au Sénégal, une réflexion sous forme d’un séminaire avec quelques conseillers pour recueillir leurs avis sur la politique de la décentralisation d’autant plus que le Hcct n’a pas le pouvoir de décision, mais de donner des avis.
Cette option est plus rentable que la création d’une institution qui mobilisera beaucoup de moyens financiers pour assurer son fonctionnement et la prise en charge de son personnel. Je rappelle que, juste, après son accession au pouvoir, l’actuel président de la République avait évoqué la problématique des inondations pour supprimer la Senat. Quatre ans après, je pense que ces urgences sont toujours d’actualités. Cependant, en lieu et place, on crée une institution qui va utiliser 150 conseillers alors que le Senat comptait 100 membres. Donc, c’est une institution qui va utiliser plus de membres mais aussi plus de budget que la Sénat que Macky Sall avait supprimé. Pour moi, cette démarche du président de la République pose un problème de cohérence. Mieux, je crois qu’on n’a pas besoin d’avoir autant d’institutions dédiées au dialogue social.
BOUBACAR BA, LE PRÉSIDENT DU FORUM DU JUSTICIABLE : «On n’a pas besoin de cette pléthore d’instances qui ont pratiquement le même objectif»
Dans la forme, ces différentes institutions, comme le prévoit les textes, peuvent être d’une grande utilité pour le peuple sénégalais, à l’exception de quelques-unes comme le Hcct et la Commission nationale du dialogue des territoires. À mon avis, ces instances sont vraiment inutiles. Sinon, pour les autres, dans l’esprit, c’est des institutions qui agréent tout ce qui favorise la compréhension entre les composantes de la société. En plus, ces institutions peuvent formuler des avis, des recommandations à l’endroit du président de la République et de son gouvernement.
Toutefois, je précise que c’est dans la forme, mais dans la pratique, il en est autrement. On se rendra compte que c’est des instances qui n’ont pas d’utilité pour les sénégalais. D’ailleurs, ces institutions sont inconnues de la grande partie de nos compatriotes. Tout simplement parce que ces instances ont été détournées de leur sens originel pour devenir des cadres pour caser une clientèle politique, en dépit de ce qu’elles représentent comme coût au contribuable. Car, chacune à un budget de fonctionnement qui est vraiment important. Je pense donc que cet argent pourrait servir à la résolution d’autres priorités, d’autant plus que le Sénégal est un pays de dialogue où des acteurs comme des chefs religieux jouent un rôle important alors qu’ils ne sont dans aucune institution. Donc, je pense qu’on n’a pas besoin de cette pléthore d’instances qui ont pratiquement le même objectif.
MOUSTAPHA FALL «CHE», COORDONNATEUR DE MACKY 2012 : «La démocratie n’a pas de prix mais elle a un coût»
Je l’ai toujours soutenu et je continuerais à le dire : en politique, il n’y a pas de dialogue. Le dialogue, c’est dans le social : au niveau des syndicats de travailleurs, des employeurs, de l’État etc. On dit que le gouvernement renoue avec le dialogue, avec les travailleurs, les syndicats renouent le dialogue avec le patronat…Il faut que ceci soit très clair : l’opposition doit s’opposer, le pouvoir doit gérer. Donc, je suis d’accord qu’on crée des institutions de concertation. Et je considère que le Conseil économique, social et environnement est plus qu’une institution de dialogue social. Idem pour le Haut conseil des collectivités territoriales qui est la courroie de transmission entre les collectivités locales et l’appareil de l’État. On ne doit pas confondre les fonctions de ces institutions. En plus, je dirais même que le Sénat a sa place dans notre dispositif institutionnel actuel. Car, pour moi, tout dépend des rôles et des missions qu’on assigne à ces institutions mais aussi des résultats qu’elles produisent. La démocratie n’a pas de prix mais elle a un coût. Ailleurs, dans les grandes démocraties, on voit plus d’institutions que celles qu’on a ici. Donc, il ne s’agit pas de dire que l’argent pourrait servir à la construction des salles de classe parce que cela est un faux problème. Car même l’argent de celui qui le dit peut également servir à financer la construction de salle de classe.
DR MAMADOU WONE, ADJOINT AU MAIRE DE PIKINE ET RESPONSABLE AU GRAND PARTI : «La priorité, c’est de traduire en acte les engagements et non la création des institutions...»
De mon point de vue, toutes ces institutions ne servent à rien. Si vous prenez le cas du Conseil économique, social et environnementale, c’est une institution qui produit des rapports qui n’ont pas d’impact réel sur le vécu des sénégalais, idem pour la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt). À mon avis, le pouvoir, à travers la création de ces institutions, cherche tout simplement à faire croire aux gens qu’il est ouvert au dialogue avec tous les acteurs, mais cela n’est pas le cas. Car, pour installer un climat de dialogue, le régime en place, en plus de tenir compte des avis que lui donnent ces institutions, devait également respecter notre Constitution qui consacre le statut de l’opposition et de son chef. Cela me parait important pour créer un consensus sur l’opportunité de la création de certaines institutions pour assurer leur pérennisation au-delà des régimes en place.
Pour moi, toutes ces institutions ne sont là que pour caser une clientèle politique. Je pense également qu’on devait plutôt procéder à l’évaluation de l’acte trois de la décentralisation avant de se précipiter à mettre en place le Haut conseil des collectivités territorial qui n’est pas une institution délibérative. Car la priorité est plutôt, de traduire en acte les engagements du président et non la création des institutions dédiées au dialogue sociale. Mieux, je crois que le président est en train de s’enfermer lui-même en confiant l’Assemblée nationale à Moustapha Niass, la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt) à Djibo Leity Ka et le Hcct à Ousmane Tanor Dieng.