Récurrence des divorces au Sénégal : le sociologue Bamba NDIAYE se prononce #aDakar

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Récurrence des divorces au Sénégal : le sociologue Bamba NDIAYE se prononce

Publié le jeudi 15 septembre 2016 | Walf Fadjri L’Aurore

Le phénomène est devenu récurrent au Sénégal. De nombreux mariages durent le temps d’une rose. Et contrairement à l’idée répandue, les femmes sont souvent initiatrices de la séparation. Le Professeur Bamba NDIAYE, dans cet entretien, tente d’en donner les explications.

Walf Quotidien: Pourquoi autant de cas de divorce au Sénégal?

Bamba NDIAYE: Les divorces sont nombreux au Sénégal car nous sommes dans une société en phase de transition, de restructuration. Nous tendons à une nouvelle société qui a changé de normes. Les anciens choisissaient à leurs enfants des maris ou épouses. Quand un garçon arrivait à l’âge de se marier, il s’adressait la plupart du temps à son oncle qui se chargeait soit de lui donner sa propre fille, soit de lui choisir la fille qu’il doit épouser. En général, les conjoints ne se connaissaient pas avant le mariage. Les parents ne prenaient pas n’importe quelle décision. Pour choisir par exemple une femme à leur fils, les parents remontaient jusqu’aux aïeuls de la fille pour savoir si elle est respectueuse aux règles du mariage. Il y avait donc beaucoup de critères à mettre en avant pour choisir une épouse a son fils ou un époux à sa fille. Dans la société traditionnelle, il revenait aux parents de prendre l’initiative du mariage. Cela permettait à l’union d’être solide.

Qu’en est-il si l’un des conjoints réclamait le divorce?

Les problèmes de divorce étaient réglés chez les parents. Et c’est l’un des conjoints qui devait se confier aux parents qui ont scellé l’union. Au Sénégal, le mariage n’est pas seulement une question d’amour entre l’époux et l’épouse. Il est également un élément qui remplit une fonction hautement sociale. C’est-à-dire que la femme joue une fonction stabilisatrice dans la famille. Elle n’est pas seulement perçue comme une simple épouse. Par exemple, on entend le frère ou les amis du mari considérer la femme comme leur épouse alors qu’il en est rien en réalité.

Cela a-t-il changé maintenant ?

Nous ne pouvons plus respecter les règles qui régissaient le mariage auparavant. Maintenant la famille est en train de changer de nature. De familles parentales qui donnent de l’importance aux proches, nous en sommes aujourd’hui aux familles professionnelles. Cela veut dire que les relations familiales se forment à partir des lieux de travail où naissent souvent des relations à partir des bureaux, des entreprises. A tel point que la plupart des mariages célébrés sont ceux de la même promotion. Nous vivons dans une société mobile. Avant, quand on se mariait, on restait dans la famille parentale. Maintenant, ce n’est plus le cas. Une fois mariés, ils louent un appartement pour y vivre en couple. C’est l’ère des familles nucléaires. Les jeunes couples vivant seuls dans leur appartement n’ont pas souvent des facilitateurs qui leur permettent de se réconcilier en cas de difficulté.

Pourquoi tant de mariages basés sur l’aspect matériel ?
Autrefois, le mariage dans la société sénégalaise, couvrait un caractère sacré. En effet, il unissait deux êtres humains appelés à vivre ensemble dans le bonheur comme dans le malheur, et au-delà, des familles voire des communautés entières. Ce qui conférait aux ménages une durée, dans la parfaite homogénéité et la solidarité. Une fois l’union fixée, les deux partenaires comprenaient qu’ils avaient le devoir moral de s’aimer, de s’entre-aider et de se respecter mutuellement. Aujourd’hui, le mariage n’est plus perçu de la même façon par la plupart des jeunes sénégalais. Le constat, c’est que les gens ont tendance à se marier par intérêts plutôt que par amour. Avant de se marier certains prétendants ont tendance à consulter d’abord la capacité financière de leur conjoint. Cet acte est valable aussi chez les hommes que chez les femmes.

Qu’est-ce qui fait que les femmes demandent plus le divorce ?

La femme a changé de statut. Elle a plus d’indépendance dans la société. Avant, la fille se mariait à l’âge de 16 ans. Maintenant, la plupart des femmes se marient au-delà de cet âge. L’école aide beaucoup d’entre elles à réfléchir et à analyser les problèmes à tel point que beaucoup de femmes n’acceptent plus les conditions de vie que leurs grands-parents acceptaient. Le mariage est devenu une association d’égalité qu’il faut négocier. Il est considéré comme une entreprise gagnant-gagnant ou les deux conjoints doivent s’entendre sur tout, alors que les hommes n’ont pas encore cette mentalité d’échange et de partage. Ce qui fait que les femmes n’acceptent pas certaines conditions. Donc la société sénégalaise n’a pas beaucoup évolué parce qu’elle continue à être exigeante à l’égard de la femme. Et de son côté, la Sénégalaise d’aujourd’hui n’accepte pas qu’on la maltraite. Elle rejette la polygamie. Il y a beaucoup de conditions qui font que les femmes sont devenues plus exigeantes parce qu’elles connaissent mieux leurs droits. Tant que les hommes ne changent pas de mentalité, il leur sera difficile de rester avec leurs femmes.