Après l’élection des 80 membres du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) ce dimanche 04 septembre 2016, quid de la directive à suivre pour que cette nouvelle institution remplisse pleinement les missions qui lui sont assignées? Le directeur du Centre de formation, de documentation et de communication (Cfdc) de l’Alliance des forces de progrès (Afp), Mawloud Diakhaté, ainsi que le porte-parole de la Ligue démocratique (Ld), Moussa Sarr, sans oublier l’administrateur de l’Alliance pour la République (Arp), Maël Thiam, livrent leur recette pour que le Hcct ne soit pas une Institution de trop.
MAEL THIAM, ADMINISTRATEUR DE L’APR : «Chacun doit être investi de cette mission de production intellectuelle, de réflexion»
Je pense que le président de la République a déjà donné le ton. Il a en fait, conformément à sa vision, mis en place l’Acte III de la décentralisation qui est une chaine très complexe, mais pas compliquée, avec beaucoup de maillons dont le Haut conseil des collectivités territoriales. Ce Hcct, contrairement à ceux qui le confondent à un Senat bis, a pour vocation d’accompagner l’Etat dans la politique de décentralisation, la gouvernance locale et l’aménagement du territoire. Ce qui, au passage, me permet de dire que ce n’était pas la vocation du Senat. Ce Hcct a été soumis à la validation du peuple sénégalais, à travers le référendum.
Maintenant que nous en sommes à sa mise en place, il est important, dans un premier temps, qu’il y ait une compréhension suffisamment claire de la mission du Hcct. Ce n’est pas pour le président de la République, contrairement à ce que disent certains, une opportunité de place pour ses soi-disant responsables politiques, une largesse de la part du président de la République. C’est en fait une nécessité de gouvernance, une nécessité dans le parachèvement de la politique publique de développement de ce pays, telle qu’édictée par le chef de l’Etat. Il est important que tous les hauts conseillers aient une compréhension claire de la mission de cette institution. La deuxième chose est qu’il faut que les membres de ce conseil déploient leur intelligence. A savoir, l’intelligence qui leur a permis d’être parmi les élus de leur localité. Il faut que chacun, en ce qui le concerne, amène du soi-même. Chacun doit être investi de cette mission de production intellectuelle, de réflexion. Chacun d’entre eux doit développer des capacités suffisamment aptes à pouvoir identifier les différentes difficultés de ces localités, et à pouvoir formuler des besoins afin de les poser au sein du Hcct. Il faut que les hommes et les femmes qui composent ce Hcct aient toujours en tête qu’ils n’ont pas plus de mérites que leurs concitoyens. Il faudrait qu’ils pensent toujours à retourner l’ascenseur par l’humilité, le respect des autres citoyens, mais également par un engagement ferme pour le succès de l’Acte III de la décentralisation. Cet engagement-là implique que chacun fasse preuve de dépassement, de solidarité, et de patriotisme, parce que c’est une institution parmi tant d’autres et son rôle est aussi important que celui de l’Assemblée nationale ou du Conseil économique et social. Il est essentiel que les uns et les autres prennent conscience de l’importance de cette institution et fassent preuve d’un engagement sans faille pour le succès du Hcct.
Comme je l’ai dit, le Hcct est un maillon dans une panoplie de chaines, je crois que chaque institution en ce qui la concerne a pris les dispositions nécessaires pour faciliter l’efficacité du Hcct. Ce que je peux vous dire, c’est que ce Hcct est l’expression de la volonté du président de la République, de territorialiser des politiques publiques et d’importer la gouvernance au niveau des localités. C’est une vision qui lui tient à cœur. Je suis sûr qu’il mettra en place tous les moyens nécessaires, aussi bien humains, financiers, que matériels et informationnels pour permettre à ce Hcct d’être efficace. Cela, afin de permettre que les propositions qui émanent de ce Haut conseil, pour autant qu’elles soient conformes à la vision du président de la République avec également les politiques mises en place par le gouvernement, puissent faire l’objet du traitement le plus efficace possible.
MOUSSA SARR, PORTE-PAROLE DE LA LD : «C’est aux hauts conseillers de faire remplir au Hcct ses missions»
Le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) tire sa légitimité de la volonté du peuple souverain qui l’a adopté par référendum, le 20 mars 2016. C’est pourquoi, il importe d’en faire une institution utile pour ne pas décevoir les attentes des populations. En effet, une chose est d’avoir une institution et c’est autre chose d’avoir les femmes et les hommes de qualité capables de l’animer et de lui faire jouer pleinement son rôle. Dès lors, les Hauts Conseillers sont fortement interpellés. C’est à eux de faire remplir au Hcct ses missions. Il leur revient de donner au gouvernement des avis motivés sur la politique nationale de décentralisation et d’aménagement du territoire.
Je pense aussi que le Hcct sera un lieu de rencontre et d’échange d’expérience entre les Hauts Conseillers. En outre, ils pourront faire le feed-back de l’impact des politiques nationales sur le terrain. Dans ce processus de parachèvement de la décentralisation, ils doivent prendre la pleine mesure de leurs responsabilités pour donner la preuve que le Sénégal peut se doter d’institutions utiles et que le Hcct en sera une.
MAWLOUD DIAKHATE, DIRECTEUR DU CFDC DE L’AFP : «Il y a là un mixage à faire entre ceux qui pratiquent et ceux qui inventent l’espace»
Je voudrais d’abord préciser que le Haut conseil des collectivités territoriales est une recommandation forte des « Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique », une association qui est dirigée d’ailleurs par le maire de Dakar, Khalifa Sall. Il n’est pas donc une institution sortie du néant. Il est à la phase d’un processus institutionnel qui permet à l’Acte III de la décentralisation de répondre aux attentes portées à cette réforme. Vous savez que la mise en œuvre de la phase 2 de l’Acte III a posé énormément de problèmes concernant la gestion des communes et surtout les compétences qui leur sont transférées. C’est le moment d’avoir une institution qui réunit les acteurs, à la fois les acteurs politiques, c’est-à-dire les maires mais aussi les présidents de conseils départementaux, autour d’une même table pour débattre du développement local. Parce qu’il y a des arbitrages à mener concernant les infrastructures et les équipements qui seront logés au niveau de tel ou tel territoire ou département. Pour la territorialisation des politiques publiques, il ne s’agit pas de faire un saupoudrage, mais de faire de façon très intelligente une distribution spatiale des équipements et des infrastructures qui vont produire le développement. Donc, il faut que les communes s’entendent soit autour d’une intercommunalité, voire même d’une trans-communalité. Il faudra que les gens puissent s’assoir et discuter véritablement des territoires. Il y a des continuums que nous imposent les ressources naturelles. Pour être en phase avec la distribution des ressources naturelles et des objectifs de développement, il faut que les communes et les départements se parlent autour certainement de pôles territoires, ou d’un autre cadre. Mais, le Hcct est le lieu indiqué pour que ces acteurs puissent se parler.
Maintenant, nous avons élu les 80 conseillers et à côté de ces membres élus du Hcct, il y aura 70 autres qui seront choisis par le président de la République. Nous voudrions, en tant que citoyens sénégalais, que le président fasse appelle à toutes les compétences qui peuvent être d’ordre administratif, notamment des acteurs de la gouvernance publique, des anciens préfets, anciens gouverneurs, des spécialistes de la décentralisation, des spécialistes de l’aménagement du territoire, etc. Donc, il y a là un mixage à faire entre ceux qui pratiquent l’espace et ceux qui inventent l’espace. Parce qu’il s’agit-là de produire des espaces pour le développement. C’est ça le challenge, à savoir le mixte entre élus, puisqu’il s’agit d’une institution qui conseille, et les 70 qui seront choisis par le président de la République. Cela devrait nous mener vers une institution de production d’intelligence, qui va donner des avis motivés et ces avis, peut être certainement, inspireront le président de la République pour réaliser les arbitrages. Le Hcct, quoiqu’il s’agisse d’un organisme de conseil, a une certaine légalité et voire même une légitimité. Les avis qu’il produit, le président devrait s’en approprier et les mettre en œuvre, parce que ce sont des avis d’hommes de terrain. Je lance un appel au chef de l’Etat, pour que ces avis soient bien analysés et utilisés par les destinataires. Et, qu’au bout d’un an de fonctionnement du Hcct, qu’on puisse permettre au bureau du conseil de rendre compte aux Sénégalais, notamment de dire voilà les problèmes que nous avons rencontrés dans la décentralisation, voila les solutions que nous avons proposées, voila ce qui a été fait par le gouvernement de nos préconisations. C’est le peuple sénégalais, en dernier ressort, qui doit être le juge du Hcct pour voir l’effectivité et l’efficience de cette institution