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L’analyste politique Momar Seyni Ndiaye sur l’élection des membres du HCCT: "Le grand perdant, c’est Tanor et le Ps"
Publié le mercredi 7 septembre 2016  |  Sud Quotidien
Macky
© aDakar.com par DR
Macky Sall réunit sa coalition pour une victoire du "OUI" au référendum
Dakar, le 04 mars 2016 - Le président de la République Macky Sall a réuni la coalition "Benno Bokk Yakaar" pour lancer son offensive en faveur de la victoire du "OUI" au référendum du 20 mars prochain. Photo: Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général national du Parti socialiste




Au lendemain de l’élection des membres du Hcct, le journaliste formateur et analyste politique, Momar Seyni Ndiaye, dresse une analyse sans complaisance du scrutin. Précisant d’emblée que la mouvance présidentielle, en cherchant à gagner les villes sous contrôle de l’opposition, a donné à ce scrutin des enjeux un peu démesurés, le journaliste formateur se dit d’avis que la victoire de Khalifa Sall ne fera qu’affaiblir le Parti Socialiste qui est le grand perdant de ce scrutin. Néanmoins, Momar Seyni Ndiaye estime que la posture de Khalifa Sall, après cette victoire à Dakar, est d’abord d’être modeste et de mobiliser les citoyens qui devront confirmer ou infirmer sa victoire lors des prochaines élections directes. Dans cet entretien, Momar Seyni revient aussi sur le recul des libéraux, tout en invitant à éviter de tirer des conclusions de ce scrutin.

Quelle lecture faites-vous des résultats de l’élection des Hauts conseillers des collectivités territoriales ?

Il faut dire qu’on a donné à ces élections des enjeux, à mon avis, un peu démesurés. Parce qu’en vérité, tout était déjà fait ou presque lors des élections de 2014 à l’occasion des départementales et des locales. On avait à peu près une configuration de l’ensemble des conseillers qui sont issus des conseils départementaux et municipaux. Donc, on savait à peu près sauf défection majeure, que le même scénario qui s’était passé en 2014 allait se reproduire en 2016 parce qu’on n’est pas là en situation d’une élection directe. On est en situation d’un scrutin indirect dans lequel seuls les conseillers municipaux et départements sont appelés à voter. Logiquement, il ne devrait pas y avoir de surprise parce que tout simplement si les conseillers sont fidèles aux choix qui ont été faits sur eux lors de ces locales de 2014, en principe il ne devrait pas y avoir de défection.

Maintenant, il se trouve que la majorité Benno Bokk Yaakaar (Bby) a fait monter les enchères en voulant effectivement gagner les places fortes de l’opposition après les élections de 2014. C’est Benno qui a fait monter les enchères en cherchant effectivement à gagner, en plus de la trentaine de départements qu’il contrôle déjà depuis 2014, les bastions de l’opposition tels que Dakar, Bambey, Thiès, Ziguinchor. C’est donc Benno qui a fait monter les enchères alors que le président Macky Sall avait même demandé à ce que ses conseillers ne se représentent pas dans des villes comme Dakar, Thiès et Ziguinchor où il avait raison de penser que Benno Bokk Yakaar n’avait aucune chance. En réalité, il ne devrait pas y avoir de surprise et, il n’y en a pas eu beaucoup sauf à Dakar, compte tenu des enjeux que le ministre Abdoulaye Diouf Sarr a mis en voulant fragiliser la coalition de Khalifa Sall. Ils ont mis effectivement la barre très haut. Et, à force d’avoir mis très haut la barre en faisant monter les enchères, la victoire de Kalifa Sall à Dakar apparait comme un échec pour Benno.

Donc, c’est comme ça qu’il faut analyser les résultats à Dakar mais statistiquement parlant, il ne devrait y avoir aucune surprise si les conseillers étaient fidèles à leur vote de départ. Globalement, il n’y a pas de surprise, même si Benno a gagné à Thiès tout simplement parce qu’Idrissa Seck et Rewmi ont décidé de ne pas présenter de candidat. À Bambey, à Kébémer, effectivement ce sont des places fortes de l’opposition mais là aussi, compte tenu des consignes de boycott qui avaient été données, on peut imaginer que la tâche était rendue plus facile pour Bby parce qu’il n’y avait plus d’opposition en réalité. Par contre ce qui peut constituer une surprise, la victoire de l’opposition dans des zones comme Bounkiling, Oussouye où effectivement on pouvait penser que Benno allait avoir de bons résultats même si on sait que déjà au référendum, dans ces localités-là, Benno n’avait pas de très bons résultats. Mais globalement, moi, je ne suis pas surpris par les résultats.

Qui sont les plus grands perdants de ce scrutin, selon vous ?

À mon avis, s’il n’y a pas effectivement le gagnant surprise, il y a un grand perdant. Et le grand perdant, c’est le Parti Socialiste parce que sa division est de plus en plus accentuée. Aujourd’hui Khalifa Sall, pour la deuxième fois consécutive et pour la troisième on peut même le dire, a pris des distances par rapport au Parti socialiste. Les deux fois, il a gagné sauf sur le référendum. Et aujourd’hui, cette victoire qui jadis était attendue parce que Khalifa Sall avait déjà plus de 800 conseillers à Dakar, renforce aujourd’hui la position de Khalifa Sall qui, quand même, contrôle encore Dakar jusqu’aux prochaines élections. À mon avis, le grand perdant dans ces élections du Hcct, c’est effectivement Ousmane Tanor Dieng et le Parti Socialiste. N’oubliez pas qu’Ousmane Tanor Dieng qui est pressenti pour diriger le Hcct perd à Dakar qui est quand même un fief important alors que son parti est divisé, alors que lui-même a soutenu une autre partie qui a perdu. Je pense que moralement, il part avec un handicap assez sérieux, assez lourd. Parce que la partie qu’il a soutenue à Dakar a perdu. Ce qui fait aujourd’hui que non seulement le Parti Socialiste est encore davantage fragilisé mais Ousmane Tanor Dieng perd de plus en plus de légitimité parce qu’apparemment il ne contrôle pas le parti. Et que probablement, la plupart des élus des conseillers du Parti Socialiste sont avec Khalifa Sall.

Après cette victoire, que devrait être la posture de Khalifa Sall ?

La posture de Khalifa Sall, c’est d’abord d’être modeste. Même si sa coalition a gagné, l’écart entre ses voix et celles de la majorité au pouvoir est quand même assez faible parce qu’il n’est que de 74 voix. Pour quelqu’un qui avait une très large avance sur Dakar, qui contrôle seize sur les dix-neuf communes de Dakar, ne gagner que par 74 voix de différence, cela ne donne pas effectivement un débordement de joie. Il faut donc relativiser cette victoire. Elle est nette mais, elle aurait pu être d’avantage plus nette si Khalifa Sall n’avait pas enregistré la défection de neuf maires. Donc, Khalifa Sall doit comprendre que de 2014 à nos jours, sa force s’est un peu érodée et que visiblement, il n’a plus la même force, la même prédominance sur la ville de Dakar. Et, à ce niveau-là, il a beaucoup d’efforts à faire pour mobiliser cette fois-ci les voix des vrais électeurs, et je ne parle pas des conseillers municipaux et départementaux qui sont des électeurs indirects. Le défis de Khalifa Sall, aujourd’hui, c’est véritablement de mobiliser les citoyens qui, dans une élection directe, devront confirmer ou infirmer sa victoire. Cela, même si sa position est difficile et assez embarrassante.

Car, s’il n’arrive pas véritablement à reconquérir les espaces qu’il a perdus parce qu’il faut quand même considérer l’écart de 74 voix mais aussi pour la première fois, il a reçu les appuis du Parti démocratique sénégalais et d’autres partis de l’opposition. Cela veut dire en réalité que ce qu’il a perdu de l’autre côté, il ne l’a pas totalement conquis avec ses nouveaux soutiens. Il est donc dans une situation d’érosion électorale. Il devrait tout faire pour remobiliser sa coalition en la consolidant en véritable parti parce que, une coalition, c’est une unité d’action et non une unité organique. Aujourd’hui, il n’a qu’une coalition, c’est-à-dire une alliance de circonstances mais en vérité, pour mesurer son véritable poids, Khalifa Sall doit traduire cette unité d’action de And Taxawu Dakar par une véritable unité organique qui lui permettra de mobiliser très facilement les électeurs de Dakar. Car, l’écart qu’il a enregistré ne prouve pas véritablement qu’il pourra tenir longtemps son érosion électorale en faveur de la majorité.

Qu’en est-il alors du recul du Pds qui a pratiquement perdu ses bastions électorales ?

Le Pds a beaucoup perdu du terrain parce que tout simplement, certaines de ces grandes figures emblématiques sont parties notamment Modou Diagne Fada, Souleymane Ndéné Ndiaye, Ousmane Ngom pour ne citer que ceux-là. Ces départs ont affaibli le Pds. Conséquences, les villes symboliques comme Dagana, Kébémer, Sédhiou sont tombées dans le giron de la majorité. Le Pds a perdu des conseillers maintenant, il reste à savoir comment les militants de base vont réagir devant la défection des conseillers libéraux parce que n’oubliez pas que les conseillers ne sont pas comme les grands électeurs aux États unis. Eux ont un réel mandat de la part des électeurs. Ici, nos conseillers n’ont pas de mandat des électeurs. Ils peuvent aller voter pour eux-mêmes sans conséquence. Ce qui veut dire, aujourd’hui, que le vote des conseillers peut ne pas traduire le vote des électeurs de base. À mon avis, il est très tôt pour cette élection du Haut conseil de tirer des conclusions actives parce que tout simplement le vote de ces faux grands électeurs n’entraine pas forcément celui des électeurs. Il faut voir la température du pays, le niveau de mécontentement ou le niveau de satisfaction des électeurs pour avoir une mesure exacte de ce que pourront être les prochaines élections législatives de 2017. Faire une extrapolation à partir du vote des conseillers, c’est un peu trop risquer.
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