Les députés ont approuvé hier, jeudi 11 août, le projet de loi n°21/2016 portant refonte partielle des listes électorales. Réunis en session extraordinaire, les parlementaires ont adopté ce texte par cinquante-cinq (55) voix pour, six (06) contre et deux (02) abstentions à l’issue d’un débat houleux de plus de trois tours d’horloge.
Convoqués hier, jeudi 11 août, en séance plénière dans le cadre de la première session extraordinaire de l’Assemblée nationale, les députés ont adopté à la majorité des voix le projet de loi n°21/2016 portant refonte partielle des listes électorales.
Cinquante-cinq (55) députés ont voté pour, six (06) contre et deux (02) se sont abstenus lors de la séance du vote à l’Assemblée nationale. Présenté par le ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, ce texte qui a reçu le soutien de la quasi-totalité des députés de Bennoo Bokk Yaakaar (Bby) et qui a été rejeté par leurs camarades de l’opposition, a été adopté à la suite d’un débat houleux entre parlementaires.
En effet, lors de cette session dont le démarrage a accusé une heure de retard, les 30 orateurs qui ont pris la parole n’ont pas pu aller au-delà des divisions notées à la Commission technique de la revue du fichier électoral durant ses 45 jours de travaux. Chacun des intervenants s’est contenté soit de marquer son approbation, soit de dénoncer la violation du consensus autour du fichier devenu la marque du Sénégal depuis 1992 ou tout simplement exprimer ses inquiétudes sur l’impact de cette loi sur les prochaines joutes électorales au Sénégal.
Ainsi, pour les députés du groupe parlementaire de la majorité tels que Pape Diallo dit Zator Mbaye, Abdou Mbow, Babacar Diamé pour ne citer que ceux-là, on estime plutôt que «consensus ne veut pas dire unanimité», qu’«il n’existe pas de Consensus parfait». Ou encore que cette «loi donne au citoyen sénégalais la liberté de choisir librement de s’inscrire ou non sur le fichier électoral».
Pour toutes ces raisons, un appel à un vote massive a été lancé à la dizaine de parlementaires présents dans la salle lors de cette plénière.Toutefois, ce n’est pas tout le monde au sein du groupe de la majorité qui partage cette idée sur le bien fondé de cette loi. Connue pour sa liberté de ton, la mairesse de Podor, Aïssata Tall Sall, a demandé au gouvernement de revoir le modus operandi pour écarter le stock-mort du fichier électoral.
En effet, selon elle, «on ne peut combattre l’abstention que par la prise de conscience des électeurs sur l’impérieux devoir qu’ils ont d’aller voter» et non autres chose. «Il n’est pas du tout évident que les Sénégalais aient suffisamment des ressources pour aller se présenter devant les commissions administratives», alerte pour sa part le député Abdoulaye Makhtar Diop, Grand Serigne de Dakar.
En revanche du côté de l’opposition, c’est plutôt l’absence de consensus autour de ce texte discuté au sein de la Commission technique de la revue du fichier électoral qui a été au cœur des interventions.
Premier à prendre la parole, le député Thierno Bocoum du parti Rewmi a déploré l’entêtement du gouvernement à faire voter ce texte malgré l’absence de consensus des acteurs au niveau de la Commission de la revue du code électoral. Abondant dans le même sens, Mamadou Lamine Diallo de Tekki a estimé que la présence physique des citoyens devant les commissions d’inscription sur les listes électorales est seulement un prétexte convoqué par le pouvoir afin d’éliminer tous les électeurs situés dans les zones défavorables au régime de Macky Sall. Prenant la parole à son tour, le leader d’And Jef-Pads, le député Mamadou Diop Decroix a commencé d’abord par préciser que l’opposition est pour l’idée de la refonte du fichier mais contre la présence physique. Ainsi, selon lui, on peut bel et bien supprimer le stock mort sans passer par l’audit physique des électeurs. Pour autant, il a invité le ministre de l’Intérieur à recruter les étudiants pour procéder au recensement dans toutes les localités du pays des personnes décédées en vue de leur élimination du fichier.
Au total, 30 orateurs ont pris la parole lors du seul tour des débats sur les trois prévus par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. En effet, après la fin de cette première liste, le député Abdou Mbow a demandé la parole avant l’ouverture d’un second tour des débats pour demander la fin des débats en convoquant l’article 72 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
REFONTE DU FICHIER ELECTORAL : LES ASSURANCES D’ABDOULAYE DAOUDA DIALLO
Prenant la parole pour apporter des éléments de réponses sur certaines interpellations des députés lors de cette session plénière à laquelle les députés ont brillé par leur absence (une soixantaine sur les 150 que compte l’Assemblée nationale), le ministre de l’Intérieur a tout d’abord tenu à rassurer les parlementaires. Selon Abdoulaye Daouda Diallo, contrairement à ce que dit l’opposition, il n’y a jamais de consensus sur tous les points inscrits au menu des concertations des acteurs politiques. Rappelant le cas du point relatif au bulletin unique qui fait, selon lui, l’objet d’un désaccord depuis les dix dernières années, il a tenu à rassurer sur la transparence du processus électoral avec cette loi. En effet, selon lui, la confirmation de la présence sur le fichier électoral se fera en même temps au moment de la confection de la carte d’identité dans le même bureau en présence des organes de contrôle et des représentants dans partis politiques. Au sujet de la sécurité des prochaines cartes d’identité Cedeao que le Sénégal partagera avec les 15 autres États de cet espace sous-régional, le ministre a également rassuré qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Révélant que la confection des nouvelles cartes se fera désormais par la prise de l’empreinte des dix doigts en lieu et place des cinq, le ministre a indiqué qu’il ne sera délivré qu’une seule carte dans toute pour un citoyen de l’espace Cedeao.
ASSEMBLEE NATIONALE QUAND LA QUESTION DE LA NATIONALITE S’INVITE AUX DEBATS
La question de la double nationalité qui pollue depuis quelques jours le débat public au Sénégal s’est invité au débat hier, jeudi, lors de la première session extraordinaire de l’Assemblée nationale. La plupart des 30 députés qui ont pris la parole lors de cette session plénière sur l’examen du projet de loi n°21/2016 portant refonte partielle des listes électorales ont donné leur avis sur ce débat. Les uns comme Mamadou Diop Decroix trouvent risquée l’agitation de cette question de la double nationalité qui peut faire basculer le Sénégal dans le chaos et la violence comme dans certains pays. Pour les autres comme Abdoulaye Makhtar Diop par contre, cette question pour avoir été déjà «réglée par le code de la nationalité», n’est pas un « débat». «La question de la nationalité doit être laissée au sachant. Le code de la nationalité entre nos mains dispose que la nationalité sénégalaise est exclusive de toutes autres nationalités. Au Sénégal, il ne peut pas avoir de débats sur la double nationalité. L’article 18 du code de la nationalité est très clair. Tout Sénégalais majeur qui prend une autre nationalité perd automatiquement la nationalité Sénégalaise», tranche le député et chef de la collectivité lébou. Avant d’ajouter : «Un ministre sénégalais peut détenir aussi la nationalité mauritanienne, voler notre argent et traverser la frontière. Un officier de la Police peut détenir aussi la nationalité malienne, rentrer au Mali et divulguer des informations. On ne pourra rien contre eux, car ces pays n’extradent pas leurs citoyens».
REACTIONS
MAMADOU LAMINE DIALLO, DEPUTE DE TEKKI : «Le gouvernement a voulu faire le forcing»
Ce projet de loi est une refonte totale du fichier qui est fait dans des conditions qui ne sont pas encore claires. J’ai demandé au ministre à plusieurs reprises qui va prendre le marché des cartes d’identité. Et personne ne m’a répondu. Deuxièmement, le problème aussi c’est que cela ouvre la voie à des radiations faciles puisqu’il demande lorsqu’on fait notre carte d’identité nouvelle, il faut confirmer si l’on veut être dans le fichier ou pas. J’estime qu’on ne peut pas demander à quelqu’un qui est dans le fichier s’il veut être dans le fichier ou pas. Cela ouvre la voie à des abus dans des zones où on peut radier les gens, on peut les mettre dans des difficultés en leur demandant d’aller voir le juge. Et tout cela, c’est des complications inutiles. Donc, ces gens là, on doit les laisser dans le fichier. Je l’ai dit au ministre, c’est la position de l’opposition lors des négociations et le gouvernement n’a pas voulu bouger. Ils ont fait le forcing et j’ai voté contre ».
THIERNO BOCOUM, DEPUTE REWMI : «C’est un recul démocratique»
Je suis complètement déçu de voir qu’on vient de rompre un consensus que nous avions depuis 1992. Et cela fait 25ans maintenant et l’on revient sur çà. Je trouve dommage dans un pays comme le Sénégal qui doit consacrer une évolution démocratique que l’on soit dans un recul démocratique et nous l’avons dit. Aujourd’hui, le président de la République qui est en même temps le président de l’Apr a tout simplement déposé un projet de loi voté par sa majorité. C’est une question électorale, nous avions pensé qu’il était nécessaire de discuter avec tous les acteurs. Ils ont fait un semblant de discussion parce que le texte qui a été amené ici à l’Assemblée Nationale sans qu’on puisse parler avec les membres de l’opposition, c’est le même texte sensiblement réformé mais sur des points principaux où il y a eu des divergences, tout cela a été reconduit. Cela veut dire que ce qu’ils voulaient faire, ils l’ont fait et c’est çà qui est dommage.