Ministre de la Jeunesse et de l’Emploi, Mame Mbaye Niang est en pleine campagne de Vacances citoyennes. Il revient dans cette interview sur l’épisode mouvementé de Kaolack, accuse et solde ses comptes. Mais surtout il défend le concept de ces tournées nationales réservées aux jeunes, estime que c’est une occasion unique de tâter directement le pouls de la jeunesse. Et évoque un changement de paradigme du Président dans la mise en œuvre de sa politique de prise en charge du chômage et du déficit de formation.
Pourquoi la caravane des Vacances citoyennes est souvent une occasion pour les jeunes de votre parti de bander les muscles, comme lors de votre passage à Kaolack ?
Dans les activités mobilisant des jeunes, il y a toujours de la fougue tout comme il y a de l’engagement. Mais il faut garder la tête sur les épaules et ne pas verser dans l’excès des positions partisanes. Le président de la République nous a confié une mission républicaine. Il nous a demandé de rassembler la jeunesse sénégalaise sans aucune discrimination. C’est ce qu’on est en train de faire. Il faut donc faire la différence entre une mission républicaine et une mission politicienne. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas permettre que certains jeunes de notre parti tentent de faire un forcing pour s’accaparer de ces activités-là. L’interlocuteur légal du ministère, c’est le Conseil national de la jeunesse.
Est-ce à dire que les contestataires sont des jeunes frustrés de votre parti ?
Si vous vous rappelez, il y a de cela deux à trois mois, nous avions eu à renouveler les conseils des jeunesses, 595 communes, des 45 départements et des 14 régions du Sénégal. A l’issue de ce processus, ce sont les jeunes qui ont élu leurs pairs ; et les présidents de Conseils régionaux et présidents de Conseils départementaux sont dépositaires de la légalité et de la légitimité. Donc nous ne pouvons que travailler avec ces personnes dûment mandatées et c’est ce que nous sommes en train de faire. Naturellement ceux qui ont perdu ou ceux qui croient que le leadership leur échappe ont recours à d’autres moyens mais nous essayons de garantir quand même la légalité de ce que nous faisons, quitte à s’attirer les foudres des perdants. Nous ne vacillerons pas et nous n’allons pas transiger.
Quand vous parlez de perdant, votre collègue et camarade de parti Mariama Sarr fait-elle partie des perdants, puisque vous l’avez nommément citée, il y a quelques jours ?
Je ne voudrais cibler personne pour ce qui s’est passé à Kaolack, mais je parle de la réalité du terrain. Et dans les faits, ce sont 20 à 25 jeunes dirigés par son chef de cabinet et son garde du corps qui ont fait obstruction à notre convoi. Mais au même moment, il y avait des milliers de jeunes de l’autre côté dont des responsable jeunes de notre parti, notamment Abdou Mbow ou encore Laye Diop, le responsable des jeunes de Diène Farba et d’autres jeunes du Conseil national de la Jeunesse ainsi que des responsables d’autres partis de l’opposition. Comprenez qu’il y a plusieurs tendances dans notre camp et c’est celle de Mariama Sarr, dirigée par son chef de cabinet et son garde du corps, qui a voulu créer une zizanie. Mais cela ne nous a pas empêché de dérouler notre programme.
Est-ce que le format même de la caravane ne pose pas problème ? Après tout, c’est presque la même chose depuis le ministre Modou Diagne Fada ?
Disons que ça s’appelle toujours Vacances citoyennes, mais l’engouement a vraiment changé. Il y a de véritables changements de paradigme dans l’organisation et dans la réalisation de ces vacances. Parce que maintenant, on a des thèmes qui ont des liens avec le développement économique et on mobilise la jeunesse sénégalaise autour du bénévolat et autour du service civique pour apprendre à ceux qui l’avaient oublié que le don de soi constitue aussi l’un des fondements de notre République. Travailler gratuitement pour sa communauté et pour des activités de développement communautaire, mais aussi travailler de façon volontaire pour aider son prochain sont des valeurs de solidarité qui sont cultivées et qui sont inculquées aux jeunes. Il y a aussi l’aspect économique, c’est-à-dire qu’il faut donner des explications aux jeunes pour pouvoir bénéficier des projets de l’Etat notamment les projets qui sont logés au ministère de la jeunesse et les autres projets en leur faveur en général.
Concrètement, qu’avez-vous fait par rapport à l’emploi et la formation des jeunes lors de cette caravane ?
Vous savez, on ne peut pas traiter ce problème de façon éphémère. Pour le régler, il faut un plan et le président de la République, dans ses orientations, a décidé de réorganiser la politique de l’emploi et de la formation professionnelle pour que les produits de l’enseignement et de la formation aient une qualification appropriée par apport aux réalités du marché de l’emploi. C’est ce qui explique les réformes à l’université, dans l’enseignement secondaire et dans l’enseignement primaire. C’est pour mieux outiller les jeunes et leur permettre d’avoir leur place dans le marché de l’emploi.
C’est ce qui explique aussi la création de deux autres universités spécialisées en agriculture et dans les nouvelles technologies. C’est ce qui explique la création de dix-sept lycées techniques et la création de trente-quatre nouveaux BTS au niveau de l’enseignement supérieur. Ça, ce sont des solutions à moyen terme, mais il faut que nos concitoyens comprennent que quand le président de la République entame ce genre de réformes, c’est pour obtenir des résultats dans cinq ou six ans. Car comprenez que pour sortir de l’université en tant qu’ingénieur agronome ou en tant qu’ingénieur en télécom ou technicien supérieur en électricité industrielle par exemple, il faut du temps. Donc la semence prend toujours du temps avant de germer.
Mais il y a de jeunes diplômés et d’autres jeunes sans qualification et sans emploi…
La réalité actuelle impose que des milliers de jeunes sont diplômés, mais dans des filières saturées. Constatez avec moi que beaucoup de jeunes qui ont le bac, se forment souvent dans quatre filières que sont le marketing et la communication, la finance et les banques, assurance. Ce sont ces écoles-là qui sont souvent disponibles et c’est ce qui justifie cette vision du président de la République de changer complètement de paradigme dans l’enseignement supérieur. Il y a ces diplômés qui ont des qualifications dans des filières saturées parce que les banques ne peuvent pas absorber la demande du marché. Les boîtes de communication ne peuvent pas aussi absorber ce que le marché est en train de produire. Ces diplômés-là, le président a décidé de les réorienter dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire en mettant des fonds à leur disposition pour les soutenir à entreprendre soit dans les fournitures de service soit dans l’agriculture au sens large du terme.
Comment s’y prend-il ?
Des fonds sont disponibles nous l’avons dit, et des Sénégalais ont commencé à bénéficier de ces projets. On peut les voir le dire à la télé. Il y a aussi les domaines agricoles communautaires (DAC) pour absorber ceux qui n’ont pas été à l’école, qui n’ont pas de qualification et qui vivent cette nécessité de trouver un emploi. Le président de la République a théorisé les domaines agricoles communautaires qui sont de vastes espaces encadrés avec des investissements très lourds, notamment la mise à disposition de l’eau, la mise à disposition d’équipements mécaniques et l’affectation d’ingénieurs agronomes pour l’encadrement.
Donc c’est pour absorber ceux qui veulent vraiment entrer dans la production. On met des terres à leur disposition, on met les moyens et on les forme en même temps. C’est ce qui se passe à Céfa, à Itato, à Keur Samba Kane etc. Cette année, on a pu démarrer sept DAC. L’objectif est d’atteindre dix de ces fermes. Nous sommes donc sur la bonne voie, en plus de celui de Dakar qui a déjà mobilisé les moyens et qui va démarrer d’ici deux à trois mois. Cela veut dire que le problème de l’emploi est pris en charge et que les solutions du président de la République sont structurantes.
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de biaiser le processus de sélection des projets ?
Moi j’entends plutôt des gens dire que c’est parce qu’ils sont proches du ministre ou parce qu’ils sont proches du parti, ils doivent bénéficier de ces financements. Or la sélection des projets est rigoureuse et nous ne finançons que les projets bancables. D’ailleurs, au niveau de la sélection, ce n’est pas le ministre Mame Mbaye Niang ou le Directeur de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des Jeunes (ANPEJ) ou le coordonnateur du Projet d'appui pour l'emploi des jeunes (PAPEJ) qui font le tri. La sélection se fait au niveau local, un niveau où il y a même des maires.
Mais les accusations que les projets de Sénégalais non membres de la mouvance présidentielle ne sont pas sélectionnés et financés sont récurrentes !
J’ai récemment été à Mboro, une ville dont le maire est de l’opposition. Il est membre d’un parti parmi les plus virulents contre notre gouvernement. Mais le maire a reconnu que le choix de sa localité, tout comme celui des jeunes bénéficiaires, a été juste, sincère et honnête. Donc ce sont les jeunes qui se donnent les moyens de s’engager qui sont sélectionnés. Le problème de la transparence dans le financement des projets des jeunes ne se pose pas.
Le président de la République, après avoir reçu le Conseil national de la jeunesse, a décidé d’octroyer 3 milliards de francs CFA de plus à l’ANPEJ, 2,5 milliards au FONJIP et une autre rallonge similaire au ministère délégué de la Femme, pour booster l’emploi des jeunes et des femmes. Cette manne financière est assurée par l’Etat du Sénégal. Le risque sur le financement est supporté par l’Etat du Sénégal. Ce qui veut dire que les procédures seront moins laborieuses pour accéder au financement. Donc, il n’y a pas à s’inquiéter parce que nous sommes de bonne foi et nous sommes en train de réaliser des choses visibles. Le PAPEJ est en train de démarrer ses 156 fermes. C’est concret, c’est visible.